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samedi, 19 mars 2022

Pourquoi l'Europe perd la guerre de l'énergie. Ce qu'il faut faire pour renverser la vapeur.

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Pourquoi l'Europe perd la guerre de l'énergie. Ce qu'il faut faire pour renverser la vapeur.

Gian Piero Joime

SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/economia/perche-europa-sta-perdendo-guerra-energia-cosa-serve-ribaltare-partita-226798/

L'Europe de la prochaine génération - en raison de la grande pandémie, de la guerre en Ukraine et de la myopie stratégique de sa propre classe dirigeante - risque de se retrouver en rade, avec ses réservoirs d'énergie à moitié vides. L'Union européenne a toujours été très dépendante des importations d'énergie, notamment de pétrole et de gaz, en provenance de quelques pays, parmi lesquels la Russie domine : en effet, plus d'un tiers (35 %) de tout le pétrole brut et 32 % de tout le gaz importé sur le vieux continent proviennent de Moscou.

Au cours des prochaines années, les changements en cours dans le système énergétique mondial réduiront sensiblement le poids stratégique de la demande européenne, notamment en ce qui concerne les combustibles fossiles, où les flux commerciaux seront de plus en plus déterminés par la croissance de la demande et la dynamique des grands consommateurs asiatiques. Cette théorie est renforcée par l'échec induit du gazoduc North Stream 2, qui aurait garanti à l'Allemagne - et à l'Europe - des milliards de m3 de gaz russe. Et l'alliance énergétique entre la Russie et la Chine, qui a conduit en 2019 à la construction du premier gazoduc - Power of Siberia - capable d'acheminer 61 milliards de m3 de gaz par an de la Iakoutie, en Sibérie orientale, vers la Chine.

La guerre de l'énergie 

En outre, il suffit de penser à la toute récente "guerre du pétrole", c'est-à-dire à la concurrence féroce sur le prix du pétrole brut pendant la pandémie, qui a vu l'Europe être témoin de la bataille économique entre les principaux pays producteurs. Et aussi les positions agressives de la Russie et de la Turquie dans la zone méditerranéenne, notamment pour le contrôle des gisements en Libye et sur la côte égyptienne. Et bien sûr, l'actuelle guerre du gaz, qui est aussi la conséquence du conflit en Ukraine, et qui a des effets dévastateurs et profonds sur la société européenne. L'Europe perd donc le contrôle de l'énergie à la fois en tant que producteur et en tant que client.

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Et le choix européen, avec le Green Deal, pour le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique apparaît comme une simple stratégie défensive basée sur le leadership culturel de l'énergie sans carbone. Une sorte de niche culturelle basée sur le principe de la durabilité et des technologies d'énergie renouvelable. Mais si l'Union européenne est fortement dépendante des importations de combustibles fossiles - comme le sont toutes les nations de l'UE à l'exception de la France, qui a construit une base solide pour son indépendance énergétique grâce à l'énergie nucléaire - dans le même temps, elle ne dispose pas des matières premières et des technologies dominantes des sources d'énergie renouvelables, qui sont largement sous le contrôle stratégique et industriel de l'Asie.

Transition énergétique ou transition des dépendances ?

La stratégie Green Deal - qui relève plus d'un choix culturel et réglementaire que d'un choix industriel - conduit au développement d'un système réglementaire puissant, avec des normes environnementales parmi les plus strictes au monde et des programmes d'action qui couvrent tous les secteurs. Cet engagement en faveur d'une Europe toujours plus verte est appréciable, mais il ne peut ignorer le fait que pendant de nombreuses décennies encore, les combustibles fossiles joueront un rôle décisif dans la fourniture de l'énergie nécessaire à la modernisation et au développement du continent européen, et que le remplacement complet des combustibles fossiles par des énergies renouvelables semble plus idéologique que réaliste : pour l'éolien et le photovoltaïque, les fondements énergétiques du Green Deal, malgré l'énorme croissance technologique des systèmes de stockage, nous sommes encore loin d'un système idéal, dans lequel les batteries seront capables d'absorber toute la production excédentaire à un moment donné et de la fournir en cas de besoin, d'où la nécessité d'un énorme surdimensionnement de la capacité installée par rapport aux besoins, avec le risque d'une augmentation des coûts, de coupures de la production excédentaire et de difficultés accrues pour atteindre les objectifs environnementaux, également en raison de l'épuisement des zones dites appropriées. D'autre part, il est tout aussi important de souligner que si la transition énergétique doit être réalisée avec des innovations, des systèmes et des composants chinois, japonais ou américains, alors il ne s'agira que d'une transition de dépendance du pétrole au lithium.

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Dans le scénario actuel de la "guerre énergétique", l'Union européenne part donc d'une situation de dépendance marquée, et donc d'insécurité énergétique. Alors que les concurrents internationaux avancent à un rythme rapide pour conquérir des technologies et des matières premières, l'Europe produit des plans pluriannuels diligents, avec beaucoup de bureaucratie continentale et nationale, et de nombreuses salles de contrôle pour la composition des intérêts publics et privés, qui sont souvent divergents. Ce qui en ressort est une super-structure bureaucratique, fiscale et financière qui risque d'alourdir les processus décisionnels et opérationnels des États membres et des entreprises, et de creuser l'écart avec les concurrents mondiaux. Ce fossé est déjà évident simplement en regardant l'origine des produits et des composants technologiques de la chaîne des énergies numériques, fossiles et renouvelables, qui sont en grande majorité d'origine chinoise et américaine.

Pourquoi l'Europe fait du surplace

Pendant que l'Union européenne rédige le Green Deal et met en place sa puissante structure bureaucratique, la Chine avance très vite, tant dans la conquête des mines de matières premières africaines que dans la production de technologies et de composants des différents secteurs de l'énergie et de la mobilité électrique, ainsi que dans l'introduction de tarifs douaniers pour protéger son industrie nationale, sans pour autant réduire son engagement dans le nucléaire.

Pendant ce temps, les États-Unis continuent d'investir pour gagner des mines de terres rares et de cobalt dans le monde entier, en remaniant leur chaîne d'approvisionnement nationale et en produisant constamment des éco-innovations, tout en renforçant leurs industries du gaz, du pétrole et du nucléaire. Et la Russie, tout en continuant à jouir de sa domination en matière de gaz et de pétrole, se tourne de plus en plus vers l'Est. Ainsi, à force d'ébaucher des plans et de prévoir des salles de contrôle, tout le continent européen risque de se positionner comme un vieux géant, à la bureaucratie puissante et aux couleurs arc-en-ciel rassurantes, plein d'éco-innovations et de produits de la grande transition numérique-écologique, made in China et aux États-Unis, mais aux réserves énergétiques incertaines.

Construire l'indépendance énergétique

La nouvelle Europe devrait précisément partir d'une force énergétique renouvelée, avec une stratégie qui ne vise plus seulement à mettre en place un cadre réglementaire vert mais qui est surtout déterminée à construire l'indépendance et la sécurité énergétiques, en encourageant le développement d'un secteur industriel à l'échelle du continent capable de produire de manière indépendante des systèmes et des composants pour l'ensemble de la chaîne de valeur énergétique. L'objectif doit être de maîtriser toutes les sources d'énergie : diversifier les approvisionnements en gaz et en pétrole, développer les usines de regazéification, rechercher le leadership dans la production de technologies et de composants dans le secteur des énergies renouvelables et intensifier la production d'énergie nucléaire.

L'inclusion par la Commission européenne du gaz et de l'énergie nucléaire dans la taxonomie dite verte, c'est-à-dire les investissements considérés comme durables, semble déjà être un bon signe, tout comme l'annonce par les Pays-Bas de leur engagement à construire deux nouveaux réacteurs dans les prochaines années, et par la France, qui continuera à prolonger la durée d'exploitation de sa génération actuelle de réacteurs, et qui, en plus des six nouveaux EPR, a défini un plan à long terme pour huit EPR2 supplémentaires, soit un total de 22,4 GW.

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L'Europe doit jouer un rôle de premier plan dans le système énergétique mondial : une indépendance énergétique croissante, une culture de l'innovation, une attention à la protection de l'environnement et un développement industriel basé sur les nouvelles technologies sont les objectifs à atteindre sans plus attendre. Le grand risque, peut-être fatal, est celui d'être réduit à jouer un rôle de plus en plus périphérique et, en fin de compte, subordonné.

Gian Piero Joime

vendredi, 18 mars 2022

Sur le rôle des églises orthodoxes dans le conflit ukrainien

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Sur le rôle des églises orthodoxes dans le conflit ukrainien

Erich Körner-Lakatos

Source: https://zurzeit.at/index.php/ueber-die-rolle-der-orthodoxen-kirchen-im-ukraine-konflikt/

Le Patriarcat de Moscou se retrouve presque seul

Les relations entre les différentes églises chrétiennes orthodoxes, qui ne sont pas dénuées de conflits, ont encore été exacerbées par l'invasion russe du pays voisin occidental. Jusqu'à présent, il y avait les querelles bien connues entre le chef honorifique à Constantinople (Istanbul), le patriarche œcuménique Bartholomée Ier, largement impuissant mais respecté en tant que primus inter pares, d'une part, et les différentes églises nationales autocéphales, donc pratiquement indépendantes, d'autre part.

Cyrille Ier, le patriarche de "Moscou et de toute la Rus", a toujours revendiqué la primauté de la Troisième Rome. Ces derniers temps, on a également entendu parler de querelles entre les orthodoxes de Serbie et l'Église orthodoxe monténégrine reconstituée, rattachée auparavant au royaume indépendant jusqu'en 1918, où il est également question de choses très séculières, à savoir la propriété des bâtiments religieux. Il en va de même pour le conflit entre le patriarche orthodoxe serbe de Belgrade et la jeune Église orthodoxe macédonienne.

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Dans la tradition de l'alliance entre le trône et l'autel qui existe depuis l'époque des tsars, le chef de l'Eglise moscovite Cyrille Ier est entièrement du côté de son ami Vladimir Poutine, qui se présente comme un chrétien fervent, ce qui est toutefois difficile à croire pour un agent du KGB. Il convient de noter que la mère de Poutine a fait baptiser le petit Vladimir en secret. L'Église orthodoxe russe bénéficie d'une aide financière considérable de l'État pour la (re)construction d'églises et de monastères. Le prince de l'Eglise et le président ont en commun leur aversion pour l'Occident, qu'ils considèrent comme décadent. Cela s'est traduit par exemple par la persécution sévère du groupe Pussy Riots (en français : "émeutes des chattes") par l'État. Pour leur apparition peu ragoûtante dans la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou le 21 février 2012, ces "dames" seront jugées par le tribunal pénal. Poutine et le patriarche en sont très satisfaits.

De l'autre côté, l'Église gréco-catholique ukrainienne, qui s'appuie sur un grand nombre de fidèles (plus de quatre millions) dans l'ouest de l'Ukraine, avec à sa tête l'archevêque majeur de Kiev, Sviatoslav Shevchuk. Il s'agit d'une communauté religieuse à mi-chemin entre le catholicisme latin et l'orthodoxie. Depuis 1596 (en vertu de l'Union de Brest), elle reconnaît le Saint-Père de Rome comme chef de l'Église et se considère comme faisant partie de l'Église catholique. Persécutés à l'époque par Staline, ces "Uniates" célèbrent la liturgie selon le rite byzantin (ritus graecus) et défendent sans réserve une Ukraine indépendante.

Il en va de même pour l'Eglise orthodoxe ukrainienne, qui s'est détachée du Patriarcat de Moscou, se considère comme une Eglise autocéphale et est reconnue comme telle par le Patriarche œcuménique. Elle proteste contre l'invasion du pays. Ensuite, il existe encore en Ukraine une église orthodoxe qui reconnaît le patriarche de Moscou comme son chef. Pour elle, une prise de position s'avère particulièrement délicate, car elle est assise entre deux chaises - ses fidèles ukrainiens et la hiérarchie. Quelle est sa décision ? Très clairement, elle se positionne contre l'invasion. Il en résulte un rapprochement surprenant avec la branche autocéphale, avec laquelle elle se disputait jusqu'ici pour réunir des fidèles et pour gérer les biens de l'Église.

Neutralité et défense nationale: Réalité et vision

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Neutralité et défense nationale: Réalité et vision

Andreas Mölzer

Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/03/17/neutralitat-und-landesverteidigung-realitat-und-vision/

Selon des sondages récents, un peu plus de 70% des Autrichiens sont favorables au maintien de la neutralité. Et presque autant de personnes sondées sont favorables à ce que notre république alpine fasse partie d'un système de défense européen. Seule une minorité, quasi insignifiante, est donc favorable à l'adhésion à une OTAN dominée par les États-Unis.

En fait, il y a un peu plus de 20 ans, sous la coalition ÖVP-FPÖ de Wolfgang Schüssel et Susanne Riess-Passer, une brève période a laissé entrevoir une européanisation du pacte de l'Atlantique Nord et donc une émancipation des Européens de la domination américaine. A l'époque, il semblait que l'OTAN pouvait évoluer vers une alliance de défense réduite aux pays de l'UE. L'achat des 24 Eurofighters par la coalition ÖVP-FPÖ - en fait, il s'agissait d'un gouvernement FPÖ-ÖVP - devait être une sorte de contribution autrichienne à une défense européenne de l'espace aérien et les Battlegroups de l'Union européenne, dont il était question à l'époque, auraient probablement été conçus comme le noyau d'une armée européenne. La question de savoir comment une telle armée européenne aurait fonctionné compte tenu du potentiel militaire des deux puissances nucléaires que sont la Grande-Bretagne et la France n'avait même pas été abordée à l'époque. En tout état de cause, une armée européenne dotée du potentiel nucléaire des deux puissances atomiques d'Europe aurait pu développer la force nécessaire pour égaler les autres grandes puissances militaires.

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Non, il en a été autrement : malgré tous les échecs militaires et le chaos militaire que les forces armées américaines ont dû affronter lors de leurs opérations globales en l'Afghanistan et en Amérique latine, la domination américaine au sein du pacte de l'Atlantique Nord n'a pas seulement perduré, elle s'est même renforcée. Sous la présidence de Donald Trump, les Américains semblaient se replier sur la doctrine Monroe et sur une "splendide désolation". Aujourd'hui, sous le président démocrate Biden, les choses sont à nouveau très différentes, notamment en ce qui concerne l'adversaire géopolitique russe. Historiquement, ce sont les présidents américains démocrates qui ont le plus souvent engagé l'Amérique dans des guerres et des conflits militaires mondiaux. Joe Biden n'est qu'un de ceux-là et, avec l'élargissement considérable de l'OTAN vers l'Est, dans des territoires de l'ancien pacte de Varsovie, voire de l'ex-Union soviétique, il a quasiment encerclé la Russie. Les réactions de l'Union européenne, mais aussi des puissances européennes les plus fortes, la France et l'Allemagne, ainsi que du Royaume-Uni, qui s'est retiré de l'UE, dans le conflit armé actuel autour de l'Ukraine, montrent clairement que les Européens suivent ici, au sein de l'OTAN, les directives américaines de manière absolument servile.

Les Européens, en particulier les Allemands, mais aussi les Autrichiens neutres, ont été secoués par la guerre en Ukraine dans la mesure où ils ont dû admettre que leurs armées respectives n'étaient en aucun cas capables de se défendre et qu'elles n'avaient rien à opposer à d'éventuelles attaques extérieures. Bien qu'il n'y ait eu, et qu'il n'y ait toujours, aucun signe ou indice d'une intention russe d'attaquer des pays de l'UE ou des membres de l'OTAN, ce rappel à l'ordre semble avoir été fructueux et très nécessaire. Le gouvernement allemand, dirigé par Olaf Scholz, a immédiatement promis 100 milliards d'euros pour le réarmement du gouvernement fédéral, et même l'Autriche s'est soudainement montrée prête à augmenter le budget minimal de la défense. Et puis, il y a même eu des voix au sein de la République alpine qui ont déclaré que seule une adhésion à l'OTAN pourrait apporter la sécurité au pays.

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Nous savons maintenant que la neutralité perpétuelle, que nous avons acceptée sous la pression soviétique dans le contexte du traité d'État, est devenue au fil des ans une partie de l'identité autrichienne, apparemment appréciée par la majorité de la population. Du point de vue de la politique de sécurité, il s'agissait bien sûr d'un mensonge pendant la guerre froide, car même à cette époque, l'armée fédérale n'aurait pas été en mesure de résister à une attaque du Pacte de Varsovie. Dans le secret des cercles de l'armée autrichienne, on savait à l'époque qu'en cas de guerre, on n'aurait pu que lancer un appel à l'aide à l'OTAN et qu'on aurait peut-être été en mesure de résister brièvement. Et cela ne s'est pas du tout amélioré depuis la fin de la guerre froide.

En tant que membre de l'Union européenne, entouré de membres de l'OTAN, on pensait, à Vienne, y compris dans les cercles de l'armée fédérale, que la défense militaire du pays ne devait plus vraiment être prise au sérieux. L'armée fédérale était au mieux une organisation de protection civile, un bon corps de pompiers, qui devait fournir des services d'assistance en cas de catastrophe et, le cas échéant, intercepter les migrants illégaux lors d'une mission d'assistance à la frontière.

Au moyen d'innombrables réformes depuis l'ère Kreisky, l'armée a été amaigrie au cours de longues décennies, son armement est obsolète, le concept de milice a été purement et simplement mis au placard et même l'obligation générale de servir a été remise en question à un moment donné. La possibilité d'effectuer un service civil et les critères trop prudents appliqués lors de la sélection des conscrits ont de toute façon fortement érodé cette obligation générale de servir. C'est ainsi que l'armée de terre n'est aujourd'hui que partiellement opérationnelle, qu'elle ne dispose ni d'armes modernes ni d'une surveillance aérienne réellement opérationnelle, et qu'elle aurait à peine les carburants nécessaires pour les véhicules et les munitions nécessaires pour une intervention.

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Au vu de ces faits, et donc en ce qui concerne la neutralité et l'état de préparation effectif du pays à la défense, il convient de développer des stratégies d'avenir qui, d'une part, rendent la République réellement apte à se défendre et qui, d'autre part, permettent la mise en place d'un système de sécurité et de défense militaire européen, qui aurait dû être mis en place depuis longtemps. Si les belles paroles des responsables politiques devaient effectivement se concrétiser et si un budget adéquat devait être alloué à la défense nationale, l'armée fédérale devrait être réarmée le plus rapidement possible - ce qui devrait sans aucun doute prendre des années - sur le modèle suisse. Des investissements massifs devraient être consacrés à l'équipement et à la formation des cadres, qui constituent en quelque sorte le noyau d'une armée de milice à large spectre en tant qu'armée professionnelle.

Pour une telle armée de milice, le service militaire obligatoire devrait être étendu à l'obligation générale de servir pour tous les jeunes citoyens. Dans le cadre de ce service obligatoire, les jeunes hommes et les jeunes femmes devraient être obligés d'effectuer un an de service de solidarité civique, soit dans le cadre du service militaire, soit dans le cadre du service social et de la protection civile. Il n'y a pas d'argument valable pour que cette obligation de service ne s'applique pas aux femmes, étant donné que l'égalité entre les hommes et les femmes doit être imposée depuis longtemps dans tous les domaines juridiques et sociaux. Il va de soi qu'une telle armée de milice serait ouverte aux femmes de manière tout à fait équivalente et qu'elle devrait être dotée de certains avantages de nature financière par rapport aux services sociaux et à ceux du domaine de la protection civile, afin de garantir les effectifs correspondants. Une telle armée de milice, dotée d'un équipement moderne et d'une formation optimale, avec une armée professionnelle en son cœur, devrait avoir la volonté et la capacité de défendre le pays de manière autonome. Elle serait ainsi également garante de la neutralité militaire de l'Autriche, tant que celle-ci est maintenue.

Si l'Union européenne était en mesure de devenir un "acteur mondial", également du point de vue de la politique de sécurité, cela nécessiterait naturellement de s'émanciper des Américains. Que cela passe par une européanisation du traité de l'Atlantique Nord ou par un retrait des Européens de ce traité est secondaire. Même si une sorte de communauté de valeurs transatlantique des grandes puissances démocratiquement organisées, c'est-à-dire les États-Unis et l'Europe, doit continuer à exister, une action autonome de l'Union européenne en matière de politique de sécurité et de géopolitique serait indispensable comme condition préalable à la sauvegarde de ses propres intérêts. Et ce serait bien sûr aussi la condition pour abandonner la neutralité autrichienne sur le plan militaire au profit d'une participation à une armée de l'UE.

Depuis l'adhésion à l'UE, la thèse selon laquelle la neutralité de l'Autriche subsiste, mais qu'elle serait obsolète au profit d'une solidarité européenne en cas d'urgence militaire, est quelque peu éloignée de la réalité. En cas de création d'un système européen de sécurité et de défense, dont l'armée autrichienne ferait partie, notre neutralité serait sans doute caduque, tout comme celle des autres pays de l'UE jusqu'ici neutres, à savoir l'Irlande, la Suède et la Finlande.

Les propos tenus ces jours-ci par l'ancien haut responsable militaire Höfler, selon lesquels l'Autriche n'aurait actuellement que deux possibilités, à savoir un réarmement adéquat de l'armée fédérale ou l'adhésion à l'OTAN, seraient donc dépassés. Un réarmement approprié et efficace de notre armée, avec maintien provisoire de la neutralité jusqu'à la création d'un système de sécurité et de défense paneuropéen, serait plutôt la seule possibilité réaliste, mais aussi visionnaire, de maintenir la stabilité de la politique de sécurité du pays. Et cette armée devrait alors être intégrée dans ce système de sécurité européen et pourrait y développer une puissance militaire utile en tant que partie intégrante et contribution de l'Autriche. Le rêve pseudo-pacifiste d'une paix éternelle a fait long feu, nous le voyons ces jours-ci. Les exigences en matière de politique de sécurité pour notre République, mais aussi pour l'Europe commune, doivent maintenant être satisfaites au plus vite. Sinon, nous risquons, non seulement l'Autriche, mais aussi les pays de l'Union européenne dans leur ensemble, de devenir des profiteurs de troisième ordre de la politique mondiale.

Autriche: "Nous avons actuellement une neutralité au rabais"

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Autriche: "Nous avons actuellement une neutralité au rabais"

Le brigadier à la retraite Günter Polajnar sur la neutralité et les besoins d'investissement de la Bundesheer autrichienne

Source: https://zurzeit.at/index.php/wir-haben-derzeit-eine-diskont-neutralitaet/

Monsieur le Brigadier, quelles leçons l'Autriche doit-elle tirer de la guerre en Ukraine en ce qui concerne la défense nationale et l'armée fédérale ?

Günter Polajnar : Tous les politiciens rivalisent à nouveau d'interventions sur le "budget famélique" de l'armée fédérale autrichienne, comme par exemple : "Nous devons investir dans notre défense nationale plus qu'auparavant, au moins, etc ... !"

J'entends les mots, mais je n'y crois pas ! Chaque gouvernement de ces dernières décennies a laissé des traces essentiellement partisanes dans la structure de l'armée fédérale autrichienne, qui est donc passée d'une réforme à l'autre en titubant. La stratégie politique des partis a toujours été plus importante pour nos gouvernements que la nécessité de la politique de défense ! Klaudia Tanner (ÖVP), notre actuelle ministre de la Défense, en a fourni un exemple particulièrement frappant : En 2020, elle voulait tout juste réduire au minimum la mission principale de la défense nationale (car la fameuse "bataille des chars dans le Marchfeld" n'aura plus jamais lieu). Au lieu de cela, notre armée fédérale devait, malgré sa neutralité, être transformée selon le "modèle suisse" en un corps d'assistance technique légèrement armé pour des missions d'assistance. Or, depuis le 24 février 2022, des chars russes circulent et tirent dans l'Ukraine voisine et maintenant (minuit cinq), quelle surprise, la chère Madame parle soudain d'un "incroyable besoin de rattrapage" !

Autres exemples de la volonté de défense autrichienne : Herbert Scheibner (FPÖ) a dû avaler en 2002, après un "petit déjeuner avec l'éminent chancelier", les Eurofighter Typhoon du chancelier Schüssel de l'époque au lieu de la solution bien plus raisonnable du Gripen suédois (photo, ci-dessous) proposée par l'état-major (entre autres à cause de l'infrastructure de chantier suffisamment disponible à l'époque, d'origine suédoise) !

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Juste avant les élections nationales de 2006, Günther Platter (ÖVP) a suspendu les exercices de milice et en a fait le point culminant de sa carrière de ministre. Pour couronner le tout, il a réduit de moitié la capacité de mobilisation de l'armée et a supprimé les exercices. Enfin, Norbert Darabos (SPÖ), objecteur de conscience déclaré, était prévu pour le ministère de l'Intérieur lors du changement de gouvernement en 2007. Cependant, l'ancien chancelier Schüssel a imposé Platter comme ministre de l'Intérieur. Darabos est donc devenu, à notre grand regret, le ministre suivant de la Défense.
Il s'est immédiatement mis au travail, a réalisé le vœu le plus cher de Gusenbauer (SPÖ) et a marginalisé la défense aérienne, qui était de toute façon quasiment inexistante, en réduisant encore considérablement le nombre des Eurofighters, déjà mal aimés, à un nombre honteux et ridicule de 15 unités.

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Pour couronner le tout, cet appareil a été rétrogradé au rang d'avion-école tout juste utilisable, sans capacité de combat de nuit. Sous Hans-Peter Doskozil (SPÖ), dans le sillage de la crise migratoire de 2015/16, un budget un peu plus élevé a de nouveau été obtenu pour l'armée, et Thomas Starlinger a été le dernier ministre fédéral de la Défense nationale dans le gouvernement d'experts avant le gouvernement Kurz de 2020, qui, en tant que spécialiste reconnu, avait le courage et probablement la compétence d'aborder clairement les vérités désagréables et de les mettre sur la table des débats. Ainsi, ce triste éventail de nombreux échecs et de mauvaises décisions se referme sur la phrase de Marcus Tullius Cicero, qui reste malheureusement toujours d'actualité : "Si vis pacem, para bellum" ou "Si tu veux la paix, prépare la guerre" !

Le Bgdr i. R. Günter Polajnar a commandé la 7e brigade de chasseurs (Photo : Bundesheer)

Pendant des années, voire des décennies, l'armée fédérale a été traitée en parent pauvre par les politiques et sous-dotée financièrement. Aujourd'hui, les politiques se sont engagés à augmenter le budget de l'armée. Pensez-vous que l'armée fédérale obtiendra désormais les moyens dont elle a besoin ?

Polajnar : Il n'est pas facile de répondre à cette question ! Comme nous l'avons déjà dit, la stratégie politique des partis, leur cuisine intérieure, a toujours été plus importante que les besoins de la politique de défense. J'ai toujours entendu toutes ces promesses d'augmentation des investissements pour la défense nationale lorsqu'il y avait le feu au lac !

Oui, notre armée jouit d'un certain prestige, mais principalement en raison de ses nombreuses interventions en cas de catastrophe et d'assistance, ainsi que de ses fréquentes opérations de protection des frontières en rapport avec les réfugiés cherchant à entrer illégalement sur le territoire, mais pas vraiment pour la mission principale pour laquelle elle est censée être prioritaire, à savoir la défense nationale.

La responsabilité principale de ce dilemme n'incombe pas aux citoyens, mais surtout à nos hommes et femmes politiques, qui n'agissent en tant qu'État que lorsqu'il y a le feu à la baraque et qu'il serait nécessaire et donc raisonnable de disposer de pompiers prêts à intervenir. Mais contrairement aux pompiers, qui n'interviennent que pour minimiser les dégâts, une armée bien équipée devrait déjà servir à prévenir le "feu" imminent.

Pour faire court, je ne pense pas que la défense nationale soit une priorité à long terme, en raison de l'expérience intense que j'ai acquise dans le cadre de cette politique essentiellement partisane, qui fait passer ses propres intérêts avant l'intérêt général et dont l'objectif est de maximiser l'électorat.

Les principaux responsables de ce dilemme sont les hommes et les femmes politiques qui n'ont agi que lorsque le feu avait été allumé.

Selon vous, où faut-il mettre l'accent sur la défense nationale dans les années à venir ? La défense contre les cyber-attaques, la protection des infrastructures critiques ou autre?

Polajnar : Je dois malheureusement avouer que je ne peux peut-être pas répondre à cette question de manière aussi compétente que je le souhaiterais, étant donné que je suis à la retraite depuis un certain temps déjà. Il me manque donc simplement un état des lieux actuel, mais je vais faire de mon mieux. La culture stratégique de l'Autriche en matière de défense militaire repose sur deux points essentiels :

    - L'hypothèse qu'il n'y aura pas de conflit militaire sur le sol autrichien, et
    - qu'en cas d'urgence, l'Autriche neutre et non-alignée pourra tout de même compter sur le soutien de ses alliés.
    - De ces deux hypothèses clés découle la tendance de la classe politique autrichienne à utiliser l'armée fédérale sur le territoire national principalement pour des tâches secondaires telles que des missions d'assistance. Une défense militaire efficace n'est pas nécessaire et il n'est donc pas nécessaire d'y consacrer des ressources financières supplémentaires.
    - Que peut-on attendre de cette "pensée quasi-stratégique" pour l'avenir ?
    - Il est très probable qu'une réforme ou une restructuration de l'armée fédérale dans l'esprit de la "culture de défense autrichienne habituelle" impliquera de toute façon toujours plus de mise en scène que d'amélioration effective des performances militaires. Le sous-financement chronique des forces armées fait partie intégrante de cette culture, et même les conflits armés dans notre voisinage immédiat (comme en Yougoslavie en 1991) n'ont pas permis d'amorcer un changement de mentalité. Or, pour armer efficacement la République contre de nouveaux dangers, il faut non seulement une nouvelle définition de la guerre et de la paix et une nouvelle doctrine, mais aussi et surtout un soutien budgétaire à plus grande échelle.
    - Pour la raison susmentionnée, on ne peut pas non plus supposer que de nouveaux concepts opérationnels dans les domaines de la cyberdéfense ou de la défense contre les drones contribueront de manière significative à la défense militaire du pays.
    - Pour des raisons financières et de sécurité géographique, ces nouvelles priorités seront très probablement des programmes ponctuels, sans effet à grande échelle et avec de faibles capacités techniques militaires. Pour augmenter efficacement la capacité de combat de l'ensemble des forces armées et les rendre réellement opérationnelles sur le plan militaire conventionnel pour le XXIe siècle, il y aurait une multitude d'investissements à réaliser, y compris dans la guerre électronique ou dans la mise en réseau de tous les systèmes d'information de commandement, qui devraient être effectués en liaison avec cette dernière pour obtenir une valeur ajoutée militaire. La cyberdéfense ne fonctionne pas sans un renseignement efficace en matière de télécommunications et d'électronique.

En fin de compte, les attaques futures ne seront pas unidimensionnelles, mais très probablement multidimensionnelles, comme l'infiltration d'infrastructures critiques par des forces spéciales associées à des drones et soutenues par des cyberattaques ciblées. La nouvelle priorité ne doit donc en aucun cas signifier le désarmement de toutes les autres capacités.

Compte tenu de l'invasion russe en Ukraine, la neutralité est également un sujet de préoccupation en Autriche. L'Autriche devrait-elle envisager d'adhérer à l'OTAN ?

Polajnar : Notre neutralité au rabais actuelle ne protège pas, l'Autriche a objectivement deux options principales, à savoir une neutralité armée honnête ou l'adhésion à l'OTAN, mais subjectivement, je pense que nous n'avons qu'une seule option :
Mettre fin à notre parasitisme politicien irresponsable, dire enfin adieu à cette "neutralité en forme de clin d'œil" au cœur d'une Europe entièrement inféodée l'OTAN et, au lieu de cela, s'engager clairement en faveur d'une volonté d'affirmation de la politique de défense selon le modèle suisse, comme l'exigeait à l'origine la loi sur la neutralité, parce que l'Autriche a signé le 15 décembre 2009 un accord de paix avec l'OTAN. Après de longues et difficiles négociations, l'Autriche a obtenu son traité d'État et donc son indépendance le 1er mai 1955, et "dans le but d'affirmer en permanence son indépendance vis-à-vis de l'extérieur et de garantir l'inviolabilité de son territoire, l'Autriche déclare de son plein gré sa neutralité perpétuelle. L'Autriche la maintiendra et la défendra par tous les moyens à sa disposition".

Parce que je rejette catégoriquement la "position phéacienne" des Autrichiens et l'inconstance de nos politiciens qui font sans cesse des allers-retours sans jamais trancher ! Si, au lieu de l'OTAN actuelle - dont les États-Unis sont l'acteur principal -, une communauté de défense exclusivement européenne devait un jour se développer, il faudrait alors réévaluer cette nouvelle situation stratégique !

L'entretien a été mené par Bernhard Tomasachitz.

jeudi, 17 mars 2022

Un espoir absurde : le gaz naturel liquéfié n'est pas une alternative au gaz russe

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Un espoir absurde : le gaz naturel liquéfié n'est pas une alternative au gaz russe

Source : https://zuerst.de/2022/03/15/absurde-hoffnung-lng-gas-ist-keine-alternative-zum-russischen-gas/

Berlin. Afin de réduire la dépendance de l'approvisionnement énergétique allemand vis-à-vis des livraisons de gaz russe, les politiques évoquent régulièrement le passage au gaz américain de fracturation (GNL) - coûteux et polluant. Toutefois, en l'état actuel des choses, cela est totalement illusoire.

Quelques chiffres : le gazoduc Nord Stream 1, actuellement en service en mer Baltique, fournit 55 milliards de mètres cubes de gaz russe par an à l'Allemagne - la Russie remplit jusqu'à présent ses obligations malgré la spirale de l'actuelle escalade. L'idée de remplacer ce volume par du gaz de fracturation américain, qui doit être livré dans des navires-citernes spéciaux, est déjà aberrante d'un point de vue arithmétique. La capacité d'un méthanier actuel est de 147.000 mètres cubes. Des pétroliers plus grands, d'une capacité de 250.000 mètres cubes, sont en projet, et quelques-uns existent déjà.

Pour remplacer la capacité annuelle du gazoduc Nord Stream 1, il faudrait environ 374.150 trajets à travers l'Atlantique. Chaque jour de l'année, il faudrait mathématiquement que 1025 méthaniers fassent escale dans les ports.

Mais en 2018, il n'y avait qu'environ 470 pétroliers de ce type dans le monde. En raison des coûts de construction élevés (environ 200 millions de dollars par navire), les méthaniers ne sont mis sur cale qu'après un affrètement à long terme d'environ 20 ans.

Il n'existe pas non plus d'infrastructure adéquate en Europe pour transborder les énormes quantités de GNL nécessaires. Il n'existe actuellement que 29 terminaux GNL en Europe. En Allemagne, il y a actuellement quatre projets. Aucun d'entre eux n'a encore été mis en chantier.

Mais même pour les 29 terminaux existants en Europe, le besoin calculé signifierait que les 1025 navires nécessaires devraient être répartis sur 29 terminaux : 35 ou 36 navires par jour devraient donc être déchargés dans chacun des 29 terminaux. Une cargaison complète de pétroliers devrait être déchargée en 40 minutes. Cela n'est pas non plus réaliste : l'opération prend 20 heures pour les pétroliers courants de 147.000 mètres cubes. Pour les futurs pétroliers de 250.000 mètres cubes, l'opération prendrait jusqu'à 30 heures.

L'espoir de voir le gaz naturel liquéfié remplacer le gaz russe, bon marché et respectueux de l'environnement, dont le gouvernement allemand veut se passer à tout prix, est donc tout à fait absurde, du moins pour les prochaines années. Cela rappelle l'espoir d'armes "miracles" pendant la Seconde Guerre mondiale. (st)

mercredi, 16 mars 2022

Nord Stream 2: le noeud géopolitique qui nous lie à la Russie

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Nord Stream: le noeud géopolitique qui nous lie à la Russie

Salvatore Recupero 

Nord Stream n'est pas seulement un gazoduc, mais surtout le résultat d'un accord géopolitique qui lie la Russie à l'Europe de manière stable. L'Europe peut-elle se passer du gaz russe ?

SOURCE : https://www.centrostudipolaris.eu/2022/03/10/nord-stream-il-nodo-geopolitico-che-ci-lega-alla-russia/

Nord Stream n'est pas seulement un pipeline, mais un véritable "cordon ombilical reliant Moscou et Berlin" (1). (1) Il ne s'agit pas seulement d'une infrastructure, mais du résultat d'un accord géopolitique qui lie la Russie à l'Europe de manière stable. Voyons pourquoi.

Comment fonctionne Nord Stream

Nord Stream (2) est un gazoduc de 1224 km de long composé de deux canalisations parallèles par lesquelles la Russie exporte une partie de son gaz vers l'Europe. L'infrastructure commence à Vyborg, en Russie, et se termine à Lubmin-Greifswald, en Allemagne, en reposant sur le fond de la mer Baltique.

La principale source de gaz alimentant Nord Stream est située sur la péninsule de Yamal, en Sibérie occidentale. Il s'agit d'un champ géant, couvrant une superficie d'environ 1000 km2 et contenant des réserves de gaz estimées à 4,9 trillions de m3. Nord Stream est capable de transporter 55 milliards de m3 par an vers l'Allemagne, soit 27,5 de m3 par gazoduc, répondant ainsi idéalement à la demande annuelle de gaz de plus de 26 millions de foyers. À titre de comparaison, en Italie, nous consommons 70 milliards de m3 par an.

Ces chiffres donnent déjà une idée de l'importance de ce pipeline, mais il y a plus. Nord Stream a été reconnu comme une infrastructure stratégique pour l'Union européenne dès 2000, sa construction a débuté en 2010 et les deux premiers pipelines sont entrés en service respectivement en 2011 et 2012.

Quant au cycle de vie, le pipeline devrait rester en service pendant au moins 50 ans. Inutile de dire que les Américains se sont toujours méfiés de ce projet. Le lien Moscou-Berlin est comme de la fumée dans les yeux pour Washington. 

Malgré cela, Mme Merkel a tellement cru au projet qu'elle a doublé la mise. C'est ainsi que Nord Stream 2 est né.

Qu'est-ce que Nord Stream 2 ?

Nord Stream 2 a été construit à partir de 2018, en suivant pratiquement le même itinéraire que son jumeau Nord Stream 1, et a été achevé en septembre 2021, bien que son approbation soit toujours en attente. 

Il se compose également de deux gazoducs et pourrait potentiellement transporter 55 milliards de m3 de gaz supplémentaires par an vers l'Europe. Si et quand il sera mis en service, la quantité totale de gaz circulant de la Russie vers l'Allemagne pourrait atteindre 110 bcm par an. Cependant, son fonctionnement est actuellement bloqué.

Questions géostratégiques

Le choix de faire passer le "tuyau" par la Baltique n'est pas un hasard. Cela permet à la Russie de contourner le transit des nations qui lui sont le plus hostile. Dans le même temps, il renforce l'Allemagne car lorsque (et si) Nord Stream 2 entrera en service, elle deviendra la principale plaque tournante du gaz en Europe.  Du point d'arrivée de Nord Stream et de Nord Stream 2 partent en fait deux artères de distribution fondamentales : l'une se dirige vers le Benelux et les pays bordant la mer du Nord et l'autre va vers le sud, où elle se connecte à un autre grand centre gazier, en Autriche. 

Comme nous le verrons plus tard, les avantages du Nord Stream et de son doublement concernent tous les Européens, et pas seulement Berlin.

L'Europe peut-elle se passer du gaz de la Russie ?

Commençons par une hypothèse. Avec une part d'environ 40 % des importations totales, Moscou est le plus grand fournisseur de gaz de l'UE, qui en est dépendante. Pire encore, elle n'est pas en mesure de le remplacer. 

Pour l'instant, il est peu probable que la Russie réagisse aux sanctions en fermant les robinets de gaz. À tout le moins, c'est contre-productif. Le PIB russe dépend de la vente d'hydrocarbures, et l'Europe est le principal marché cible. La Chine n'est pas aussi proche que les gens le pensent. D'autre part, avec l'attaque contre Kiev, le Kremlin a montré qu'il ne prête pas trop d'attention aux répercussions économiques. Alors que faire ?

À long terme, on peut penser à des alternatives (que nous verrons plus tard), mais à court et moyen terme, il est difficile de trouver des solutions viables. Supposons le pire des scénarios : les Russes, fatigués des sanctions, bloquent tout. D'où vient le gaz ? 

Si cela se produit, l'Europe peut compter sur ses propres stocks, mais cela ferait grimper le prix du gaz et entraînerait une hausse inévitable de l'inflation. Certains proposent le gaz liquéfié ou GNL comme alternative. Mais peut-il vraiment remplacer 40% de nos besoins ? Difficilement.

Les problèmes du GNL

Le gaz naturel liquéfié ou GNL pose deux problèmes aux Européens (3) : sa disponibilité et la capacité à le recevoir. Le GNL est amené à l'état liquide, puis transporté, généralement par voie maritime. Et voici le premier obstacle : il faut des re-gazéificateurs pour pouvoir le mettre dans les tuyaux. Aujourd'hui, notre capacité de re-gazéification n'est pas suffisante pour répondre à nos besoins et est concentrée dans quelques pays seulement : l'Espagne et, dans une moindre mesure, la France et l'Italie. L'Allemagne, première économie d'Europe, n'en a pas du tout. Sommes-nous sûrs qu'arrêter la locomotive allemande est bon pour tous les Européens ? Il serait stupide de le penser. 

Cependant, certains pourraient penser que nous pouvons nous concentrer sur la distribution. Par exemple, nous re-gazéifions en Espagne et acheminons le gaz en Allemagne. Mais l'infrastructure fait défaut et ne peut être construite en quelques mois. Il y a un dernier problème : les fournisseurs. 

Les principaux exportateurs mondiaux de GNL, de l'Amérique au Qatar, sont incapables d'augmenter la disponibilité du GNL sur le marché. Non pas parce qu'ils ne peuvent pas produire plus, mais parce qu'ils ne pourraient pas le commercialiser : leur capacité d'exportation est pratiquement saturée, et l'étendre prendrait des années. 

En bref, aucun producteur de GNL ne dispose de volumes suffisants pour remplacer complètement les volumes russes en Europe. C'est pourquoi Nord Stream et son doublement sont cruciaux pour l'Europe et pas seulement pour Berlin. 

La solution est la diversification

Cependant, on ne peut pas continuer comme si le conflit actuel n'existait pas. C'est pourquoi la Commission européenne (4) a promu un plan d'action permettant d'éliminer la dépendance de l'Union européenne au gaz russe avant 2030. Entre autres, dans un contexte de forte augmentation des prix de l'énergie, l'exécutif communautaire entend assouplir les règles relatives aux aides d'État, permettre la régulation des prix de l'énergie au niveau national, et promouvoir le stockage du gaz sur le territoire européen. 

Pour y parvenir, les approvisionnements en gaz doivent être diversifiés, non seulement par une augmentation des importations de gaz liquéfié, mais aussi par une production accrue de biométhane et d'hydrogène renouvelable. Il est également nécessaire de réduire plus rapidement l'utilisation des combustibles fossiles dans les ménages, l'industrie et le système énergétique en augmentant l'efficacité énergétique et l'utilisation des énergies renouvelables.

Selon la Commission européenne, ces choix pourraient réduire de deux tiers la dépendance européenne vis-à-vis du gaz russe d'ici la fin de l'année. Dans le même temps, afin d'éviter le risque de pénurie de gaz pendant l'hiver, Bruxelles a l'intention de présenter d'ici avril un texte législatif qui obligera les pays membres à disposer de réserves souterraines pleines à 90 % le 1er octobre de chaque année. L'exécutif européen veut promouvoir la solidarité entre les gouvernements nationaux dans ce cas. 

Enfin, la Commission européenne a l'intention d'utiliser l'article 107 des traités pour permettre une utilisation plus large des aides d'État dans le but "d'aider les entreprises les plus touchées par la crise, en particulier celles qui doivent faire face à des coûts énergétiques élevés".

Tout cela sera-t-il suffisant pour nous rendre indépendants de la Russie ?

Salvatore Recupero.

Notes:

1. La Gérusse. L'horizon brisé de la géopolitique européenne. Salvatore Santangelo Castelvecchi 2016

2. À propos de nous Site officiel de Nord Stream, https://www.nord-stream.com/about-us/

3. L'Europe peut-elle se passer du gaz russe ? Par Marco Dell'Aguzzo Start Mag 06 mars 2022, https://www.startmag.it/energia/europa-gas-russia-alternative/

4. Gaz, l'UE prévoit de réduire les importations russes de deux tiers d'ici un an. Par Beda Romano Il Sole 24 Ore 08 mars 2022, https://www.ilsole24ore.com/art/gas-ecco-piano-ue-tagliare-due-terzi-l-import-russia-entro-anno-AEMAwkIB

Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner

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Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner

par Irnerio Seminatore

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2022/mars/le-retour-de-la-guerre-en-europe-et-lart-de-gouverner

« Pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre puissance et légitimité qui constitue l'essence même de l'art de gouverner ».

Irnerio Seminatore, Président fondateur de l’Institut Européen des Relations Internationales de Bruxelles (IERI), nous explique les ambitions russes et l’évocation de l’arme nucléaire. Docteur en droit et en sociologie, il est l’auteur de « La multipolarité au XXIe siècle » (VA Éditions) qui précise la multipolarité de notre monde et les risques d’affrontement entre les pôles (Camille Chevolot, Collaboratrice VA Editions).

Le retour de la guerre en Europe et l'art de gouverner (sensemaking.fr)

LE RETOUR DE LA GUERRE EN EUROPE ET L'ART DE GOUVERNER

Irnerio Seminatore

Dans un pamphlet-fiction au titre anticipateur 2017. Guerre avec la Russie. Un cri d'alarme de la haute hiérarchie militaire, le Général Richard Shirref, ancien Commandant Suprême des forces alliées en Europe (DSACEUR) à l'Otan (2011-214), a soutenu la thèse que la Russie est devenue l'adversaire stratégique de l'Occident et qu'elle prépare un affrontement frontal avec l'Otan et un plan d'invasion des pays baltes. Le but de cette invasion serait de rétablir une zone d'influence entre la "défense collective" de l'Alliance et les frontières de la fédération russe. Les raisons de tensions ne manquent pas avec ces Etats-charnières entre l'Est et l'Ouest (jusqu'à 40% de la population russophone a un statut discriminatoire de "non citoyens"). C’était en 2017.

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Depuis 2014, une rupture est intervenue entre la Russie et l'Ukraine, ainsi qu’entre la Russie et l'Union européenne, à propos de la révolution de couleur de Maïdan, tenue par Moscou comme un coup d'Etat et le retour de la Crimée à la Russie, considérée par les Occidentaux comme une annexion. Cette rupture est également à l'origine de la naissance des deux républiques auto-proclamées du Donbass (Donetzk et Lougansk), aujourd'hui, reconnues unilatéralement par la Russie comme républiques indépendantes.

On peut affirmer que le retour de la guerre en Europe a pour origine la rupture de l'unité territoriale de l’Ukraine, rendant impossible l'exercice de la pleine souveraineté de Kiev, le revirement pro-occidental du gouvernement du pays, dont la demande d'adhésion à l'Otan menace les intérêts de sécurité de Moscou et le non respects des accords de Minsk, dont les garants sont, avec la Russie, Paris et Berlin, le fameux format Normandie.

Le livre-fiction du Général britannique R. Shirref est-il une pure vision de l'esprit? La "surprise stratégique" d'une invasion armée venant de l'Est n'a-t-elle pas été prévue par anticipation par l’Ouest ? Les signaux contradictoires venant de Washington et de Bruxelles sur la non-intervention occidentale directe en Ukraine, n'ont pas arrêté une planification longue, méticuleuse et calculée, au cours des négociations diplomatiques, nécessairement ambiguës, de Biden, Scholz et Macron avec Poutine, à soumettre à Xi-Jing-Ping, lors des jeux olympiques. Le but de l'ambiguïté et du double jeu entre Poutine et le Président Macron ou le Chancelier Scholz ont été conformes aux règles classiques du réalisme politique, oubliées par les Européens. Il s'agissait de décrédibiliser la détermination des États-Unis d'intervenir en Ukraine ou de défendre, de manière plus large l'Europe, en minant au même temps l'unité de façade de l'Otan. Ainsi, suite au refus des garanties de sécurité occidentales à Moscou, l'invasion militaire de l'Ukraine a été tranchée.

Le but de guerre

Le but de guerre ou, selon la terminologie russe "d'opération spéciale de maintien de la paix", s'est précisée en plusieurs objectifs :

- le premier et principal est de décapiter politiquement l'Ukraine, lui ôtant son statut d'Etat souverain

- parallèlement de provoquer le découplage de la sécurité européenne et atlantique

- de s'assurer de l'effondrement de l'Otan, impuissante à garantir la sécurité collective

- enfin de détruire les infrastructures militaires offensives, préjudiciables pour la sécurité et la défense russes.

L'arme nucléaire et l'escalade

En termes de possible recours tactique à l'arme nucléaire, dont l'emploi en premier fait partie intégrante de la pensée stratégique russe, son évocation par Poutine, rappelle un scénario du pire et préfigure l'hypothèse d'une escalade, allant du conventionnel au nucléaire et du tactique au stratégique. Dans une hypothèse concrète, les gains territoriaux obtenus au plan conventionnel, seraient protégée par le chantage et l'escalade nucléaires, ceux d'un tir anti-cité, auquel ne pourraient répondre ni les européens ni les américains.

Par ailleurs l'isolationnisme bi-partisan des Etats-Unis, à propos du déni d'envoi de soldats américains en défense de l'Ukraine, valide la conviction d'une "surprise stratégique" planifiée depuis longtemps et provoque le réveil tardif des Européens pour une indépendance politique et une autonomie stratégique propres.

En termes de diplomatie et de consensus prévisible, la non intervention directe occidentale en Ukraine a été le fondement, pour Moscou, d'une longue négociation entre Américains et Russes, puis Russes et Européens, afin d'établir assurances et réassurances réciproques et d'aboutir parallèlement à une conception de l'invasion de l'Ukraine sous la forme initiale d'un Blitzkrieg.

L'enjeu du conflit imminent était existentiel pour les deux parties, la Russie ne pouvant pas reculer devant sa sécurité et les Européens devant leurs conceptions de la démocratie. Le prix à payer pour le défi sécuritaire des Occidentaux, s'appelle finlandisation de l'Ukraine, autrement dit arrêt de l'élargissement de l'Otan. En effet "si l'Ukraine rejoignait l'Otan, cela signifierait avoir des missiles à 180 Km de Moscou" (Général Inzerilli, ancien chef des services secrets italiens/photo, ci-dessous). A ce propos l'Agence de presse Reuters a titré le 7 mars dernier, “La Russie s’arrêtera à l'instant, si l'Ukraine respecte ses conditions : « que l’Ukraine cesse toute action militaire, modifie sa constitution pour consacrer la neutralité, reconnaisse la Crimée comme territoire russe et reconnaisse les républiques séparatistes de Donetsk et Lougansk comme États indépendants. »

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"Pour le reste, l'Ukraine est un Etat indépendant et il vivra comme il veut, mais dans des conditions de neutralité (comme la Suisse, l'Autriche, la Suède..)".

D'autre part la politique des sanctions, décidée par les États-Unis et par l'Union Européenne, comporte une pénalité évidente, non seulement pour l'économie et le peuple russes, mais pour l'économie et les peuples occidentaux. Politiquement elle pousserait le président russe à chercher une alternative en Asie, accroissant sa dépendance vis-à-vis de la Chine. Ainsi, une guerre suscitée par l'unilatéralisme atlantiste des États-Unis aboutirait à un multipolarisme asymétrique Chine-Russie.

Un message spécial russe sur la "Sécurité égale et indivisible"

Dans le but de justifier ses arguments et, au courant d'une guerre de l'information qui bat son plein, la diplomatie russe a adressé un message spécial aux pays occidentaux sur le thème de la "sécurité indivisible", car ce qui est visé par ce principe est la modification sournoise des rapports de force et de la balance mondiale du pouvoir, susceptibles de devenir menaçants pour la Russie, de l'extérieur et de l'intérieur.

Sur le plan régional et dans un contexte mouvant et aléatoire l'aide en armements accordés par l'Union Européenne à l'Ukraine apparaît, à une analyse critique, comme une solidarité équivoque, car elle sert à jeter de l'huile sur le feu et à alimenter une résistance prolongée qui ne résout pas le problème de la sécurité égale sur l'ensemble du continent, mais reporte les causalités du conflit dans une perspective sans autre issue que le cumul et l’aggravation de la crise. La situation définissant la conception de la "sécurité égale", aux yeux de Moscou, a été le rappel de Lavrov, dans sa conférence de presse du 5 mars, selon laquelle "l'augmentation de la sécurité d'un pays, ne peut se faire au détriment d'un autre". Puis, à l'adresse des Occidentaux, par une personnalisation désenchantée du rappel : "Ils nous écoutent, mais ils ne nous entendent pas !".

Plus dur et moins diplomatique Poutine, qui, au cours d'une conversation téléphonique avec Macron, du dimanche 6 mars, dispensa froidement: "Par la voie des négociations ou par celle de la guerre", les objectifs russes seront atteints.

La nature explicite de cette revendication est celle d'une politique de puissance, assurée d'elle-même. Le caractère implicite, un rappel des hiérarchies, des limites de la souveraineté et d'une complémentarité inclusive du "verbe" diplomatique et de l'action militaire (R. Aron). Ou encore, de la caractéristique capitale de tout système international, la mixité de coopération et de conflit.

Il faut en déduire le caractère limité de la souveraineté nationale de Kiev, asservie, pour pouvoir s'exercer, à la souveraineté dominante de Washington et au même temps niée, pour vouloir exister, par la souveraineté prépondérante de Moscou.

Personne, sur la scène internationale et surtout pas l'Union Européenne définit un projet d'ordre européen et mondial pour demain et donc les principes de la stabilité et de la sécurité du Heartland et de ses jonctions occidentales, car personne ne semble en mesure de définir les intentions et buts réels de la Russie poutinienne, qui se sent entourée de pays hostiles, arborant les drapeaux de l'Otan.

De manière générale, pour revenir à la paix, il faut établir un équilibre entre les deux composantes de l'ordre international, puissance et légitimité qui constitue l'essence même de l'art de gouverner. Les calculs de pouvoir, sans dimension morale, transformeraient tout désaccord en épreuve de force" (H. Kissinger). La recherche de cet équilibre par une médiation (Israël, Turquie et Chine), ressemble parfaitement à la situation actuelle, car les Occidentaux remettent en cause la légitimité du pouvoir autocratique de Poutine et ce dernier rejette toute intrusion ou atteinte, portée à la Russie par une forme d'unilatéralisme offensif (Irak, Lybie, Syrie, Soudan... allocution du 8 mars 2022).

Or, arrêter un conflit ou reconstruire un système international, après une épreuve de force majeure, est le défi ultime de l'art de gouverner.

Ainsi, évaluer la signification des tendances en cours, signifie, pour l'Europe réévaluer la notion d'équilibre des forces et réduire significativement la rhétorique des valeurs, que les Occidentaux ont cherché à promouvoir, avec ambiguïté, depuis la fin du colonialisme. Défaillants sur le premier point (logique de puissance), les Européens semblent l'être aussi sur le deuxième, car la rhétorique des valeurs se situe aux deux niveaux de l'ordre international, celui de la défense des principes universels, valables pour tous, et celui de la pluralité des histoires et des cultures régionales, ainsi que des diverses formes des régimes politiques. Une attitude différente ou opposée, marquerait une volonté d'assimilation forcée ou un dictat de légitimité, porteurs de conflits.

dimanche, 13 mars 2022

George F. Kennan : l'élargissement de l'OTAN, l'erreur la plus fatale

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George F. Kennan : l'élargissement de l'OTAN, l'erreur la plus fatale

Source: https://www.pi-news.net/2022/03/george-f-kennan-nato-erweiterung-verhaengnisvollster-fehler/

Par KEWIL | George F. Kennan (1904 - 2005) a été l'un des responsables de la politique étrangère américaine les plus influents du siècle dernier. Il a connu Staline et Hitler, a été ambassadeur à Moscou, Berlin, Prague, Lisbonne et Londres, a travaillé au Département d'État de Washington pendant la Guerre froide, et la politique d'endiguement était son idée. Plus tard, il a enseigné comme professeur à l'université de Princeton et également à Berlin, a écrit des livres et a reçu de nombreux prix.

Le 5 février 1997, George F. Kennan, âgé de 93 ans, a écrit un long article dans le New York Times intitulé "A Fateful Error". L'administration Clinton réélue prévoyait justement d'intégrer la Pologne, la Hongrie et la Tchéquie dans l'OTAN, sans aucune raison dictée par l'actualité.

L'opinion, exprimée par Kennan, est, pour le dire crûment, que l'élargissement de l'OTAN serait l'erreur la plus désastreuse de la politique américaine de tout l'après-guerre.

imagkkkges.jpgL'extension de la puissance américaine jusqu'aux frontières de la Russie laisse présager que les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes s'enflammeront dans la pensée russe, qu'elles auront une influence néfaste sur l'évolution de la Russie, qu'elles rétabliront l'atmosphère de guerre froide dans les relations entre l'Est et l'Ouest et qu'elles forceront la politique étrangère russe à prendre des directions qui nous déplairont résolument.

Enfin, l'extension de la puissance américaine pourrait rendre impossible la ratification des accords Start-Il par la Douma russe, ce qui empêcherait à son tour toute nouvelle réduction des armes nucléaires.

Il serait évidemment malheureux que la Russie soit confrontée à un tel défi. D'autant plus que le gouvernement russe se trouve actuellement dans un état de grande incertitude. C'est d'autant plus malheureux si l'on considère que cette mesure n'est absolument pas nécessaire.

Avec toutes les possibilités d'espoir qu'offre la fin de la guerre froide, pourquoi les relations Est-Ouest devraient-elles se concentrer sur la question de savoir qui pourrait être allié avec qui, et donc contre qui, dans un futur conflit militaire imaginé, totalement imprévisible et improbable ?

Voilà un extrait de l'article prophétique de Kennan, qui montre une fois de plus que même les Américains, du moins dans le passé, avaient parfois des opinions différentes de celles de leur gouvernement ! La traduction vient d'ici: https://corona-transition.org/nato-osterweiterung-verhangnisvollster-fehler-der-us-politik-in-der-gesamten Plus d'infos et l'original en anglais ici: https://www.infosperber.ch/politik/welt/1997-2007-2017-20-jahre-fehlpolitik-der-usa/ . L'élargissement de l'OTAN à l'Est était certainement une erreur !

Analyse du conflit en Ukraine

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Analyse du conflit en Ukraine

Par Daniele Perra

Source: https://www.eurasia-rivista.com/analisi-del-conflitto-in-ucraina/

L'analyse suivante est divisée en trois sections distinctes et tente d'évaluer le conflit à travers les aspects du droit international, de la doctrine militaire et des données économiques. Plus précisément, tout en reconnaissant que, comme l'affirmait Karl Haushofer, la géopolitique n'est pas une science exacte, on tentera de démontrer que l'action russe, loin d'être "ratée" ou mal planifiée (comme elle est présentée dans un Occident toujours plus éloigné de la réalité), est le produit d'un calcul froid et rationnel , tenant compte des coûts et des avantages.

Sur le point de droit

Il est très difficile d'évaluer selon les critères d'un droit international essentiellement américano-centré ce qui apparaît comme l'agression militaire d'une puissance non occidentale. Toutefois, il convient de rappeler que la Russie, dans le passé (intervention en Syrie et annexion de la Crimée sous le concept de "Responsabilité de protéger"), a souvent essayé de se présenter comme un État agissant précisément en accord avec ce droit.

Tout d'abord, le droit international actuel peut être considéré comme une sorte de jus contra bellum à opposer au concept de justa causa belli. Cette approche théorique antimilitariste est, bien entendu, foulée aux pieds sans que cela ne choque particulièrement l'opinion publique lorsque la guerre est menée par la puissance hégémonique au niveau mondial (les États-Unis) ou l'avant-poste occidental au Levant (Israël). À cet égard, il faut se rappeler qu'il existe quelques exceptions à la violation de l'intégrité territoriale d'un État (théoriquement) souverain. Ceci est permis soit en cas d'autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies, soit en cas de légitime défense collective nécessaire. Cette autodéfense (cas de la Russie) doit répondre à deux critères: a) la nécessité ; b) la proportionnalité.

Il est clair que l'intervention russe est le produit inévitable du mépris par l'Occident à l'égard du droit plus que légitime à la sécurité de la deuxième puissance militaire du monde. Moscou ne peut tolérer une nouvelle expansion de l'OTAN vers l'Est, avec l'installation conséquente de systèmes de missiles en Ukraine capables de frapper le territoire russe en quelques minutes (la nucléarisation de l'espace géographique russe est le rêve des dirigeants militaires américains depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale) ; Moscou ne peut tolérer l'installation de laboratoires biologiques militaires américains à ses frontières [1]. Il est tout aussi évident qu'une intervention militaire russe (pas plus de 70.000 soldats) peut (du moins en théorie) répondre au critère de proportionnalité.

Jusqu'à présent, nous restons dans le domaine très complexe de "l'attaque préventive" utilisée à plusieurs reprises par des homologues occidentaux (Israël en 1967, les Etats-Unis en 2003 en Irak sur la base de fausses preuves). Des sources au sein des services de Moscou font également référence à une éventuelle opération ukrainienne de grande envergure dans le Donbass (grâce à l'utilisation de miliciens formés en Pologne par l'OTAN) qui aurait été empêchée par une action russe. Au-delà, il existe deux autres cas d'intervention "légitime" : (a) la violation du principe de diligence raisonnable ; (b) l'usurpation.

La première s'applique en réponse aux attaques de groupes terroristes et de bandes armées (c'est-à-dire d'acteurs non étatiques) lorsque l'État ayant juridiction sur ces acteurs ne prend pas les mesures qui s'imposent (l'Ukraine face à des groupes paramilitaires, selon l'interprétation russe). La seconde s'applique lorsqu'un État (l'Ukraine) exerce des fonctions gouvernementales sur le territoire d'un autre État (les républiques populaires de Donetsk et de Lougansk reconnues comme indépendantes par Moscou à une époque précédant le conflit). A cela s'ajoute, et cela semble sans doute être l'argument le plus fort en faveur de Moscou, le non-respect des accords de Minsk et les actions militaires ukrainiennes répétées (aussi brutales soient-elles) pour rétablir l'ordre dans les régions orientales du pays, qui ne sont pas par hasard également les plus industrialisées et riches en ressources.

À la lumière de ce qui a été écrit jusqu'à présent, il est clair que toute justification de l'intervention militaire russe au niveau du droit international est pour le moins assez faible. En fait, il s'agit plutôt d'une tentative de surmonter le positivisme normatif (et l'hypocrisie substantielle) du droit international américano-centrique au nom d'une idée de nomos de la terre liée à un concept historico-spirituel de possession et d'appartenance à l'espace géographique.

Enfin, outre le fait que le droit international lui-même est souvent interprété (surtout par les grandes puissances) à leur guise, on ne peut oublier la suggestion que Iosif Staline a faite à Chiang Ching-kuo, délégué de la République de Chine auprès de l'URSS à la fin de la Seconde Guerre mondiale: "tous les traités sont du papier brouillon, ce qui compte, c'est la force" [2].

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Aspects militaires

L'ancien militaire et analyste de la Fondation pour la défense des démocraties, Bill Roggio, a affirmé que la propagande occidentale a conduit à une incompréhension totale de la stratégie militaire russe en Ukraine (3). En particulier, Roggio souligne que l'Occident s'est concentré à tort sur la thèse selon laquelle l'échec de la prise de Kiev dans les premiers jours du conflit signifierait inévitablement l'échec de l'action russe.

Certes, Moscou pensait que l'entrée de ses troupes en territoire ukrainien aurait pu générer un effondrement immédiat du gouvernement de Kiev. Toutefois, cela ne signifie pas qu'une stratégie n'avait pas été prévue qui aurait pu ignorer cet événement. L'analyse des forces sur le terrain, dans ce cas, parle très clairement.

Depuis plusieurs jours, on parle d'une colonne de chars russes de plus de 60 km de long stationnée immobile à la périphérie de Kiev. Pourquoi n'est-elle pas attaquée par l'armée ukrainienne ? Pourquoi n'entre-t-elle pas dans Kiev ?

A la première question, l'ancien général Fabio Mini a répondu que ladite colonne n'est pas attaquée simplement parce que Moscou contrôle l'espace terrestre et aérien [4]. C'est pourquoi Kiev continue de réclamer une No Fly Zone qui n'arrivera jamais (à condition que le fanatisme des franges les plus extrémistes de l'atlantisme choisisse d'opter pour une guerre mondiale). L'entrée dans Kiev, avec le risque de finir écrasée dans une guérilla urbaine entre des factions ukrainiennes qui se combattent déjà (le meurtre d'un négociateur plus enclin au compromis en est la démonstration la plus évidente), n'est pas nécessaire, étant donné que la réunification entre les forces russes arrivant du nord et celles arrivant du sud couperait l'Ukraine en deux, rendant impossible le ravitaillement des troupes et milices opérant sur le front le plus chaud, celui de l'est. Empêcher l'entrée dans les centres urbains et contrôler les infrastructures énergétiques reste l'objectif principal de l'opération militaire russe. L'attaque de la centrale électrique de Zaporizhzhia a été mentionnée à plusieurs reprises. Eh bien, aucun analyste ne semble avoir remarqué que juste au-dessus de la centrale se trouve le canal qui, en 2014 (après l'annexion de la Crimée), a été fermé dans le but précis d'étrangler la péninsule de la mer Noire en lui refusant tout approvisionnement en eau. Le contrôle de cette infrastructure est crucial pour rétablir l'approvisionnement en eau de la région.

À ce stade, à la lumière du succès de propagande de l'ancien acteur Volodymyr Zelenskyi, dont les profils sur les plateformes sociales sont une apothéose de fake news et de déclarations de soutien de l'élite de l'atlantisme (von der Leyen, Biden, Draghi), du sionisme et des multinationales qui leur sont liées, on peut se poser une autre question : pourquoi Moscou s'attaque-t-il aux répétiteurs de télévision mais ne ferme-t-il pas Internet ?

C'est là que la question se complique. Comme l'a souligné l'ancien général de l'armée de l'air chinoise Qiao Liang, la guerre du XXIe siècle est avant tout une cyber-guerre indissociable de son appareil technologique. Les armées (celle de la Russie n'est pas différente) sont dépendantes des technologies de l'information. Ce facteur, selon Qiao, peut être à la fois un avantage et un inconvénient. La technologie de l'information, en effet, est basée sur les puces et la possibilité d'éviter la dépendance à ces instruments est désormais inexistante. Cela rend la protection des données de plus en plus problématique, et l'incapacité à surmonter les faiblesses potentielles découlant du haut niveau d'informatisation représente un risque permanent pour la durabilité des capacités et des actions militaires. C'est pourquoi le choc des puissances au XXIe siècle (et le conflit en Ukraine, avec son mélange de guerre traditionnelle et de cyberattaques, en est le principal indicateur et anticipateur) se déroulera principalement dans ce qu'on appelle le cyberespace.

En conclusion, l'action de Moscou (conçue pour ne pas être trop longue mais pas trop courte non plus) vise toujours à imposer ses propres conditions sur la table des négociations : neutralisation de l'Ukraine et reconnaissance de l'annexion de la Crimée et de l'indépendance des républiques dans l'est de l'Ukraine actuelle. Il ne faut pas oublier qu'il a fallu à la Wehrmacht plus d'un million d'hommes et cinq semaines pour vaincre la Pologne en 1939. À cette occasion, tant les Allemands que les Polonais se sont peu souciés de la population civile. Aujourd'hui, la Russie a choisi de limiter au maximum les attaques contre les centres de population et d'établir (en accord avec son homologue de Kiev) des corridors humanitaires qui, pour l'instant, ne semblent pas fonctionner au mieux en raison de l'obstructionnisme des groupes paramilitaires ukrainiens (le tristement célèbre Bataillon Azov surtout).

Si Moscou a une stratégie précise à long terme, il est tout aussi vrai que l'Occident en a une aussi. En fait, il n'est pas exclu que l'Occident se soit déjà préparé à l'éventualité d'un gouvernement ukrainien en exil. L'envoi d'armes et la facilitation du voyage vers ce pays d'Europe de l'Est de mercenaires et de terroristes internationaux peuvent être interprétés par la volonté précise de poursuivre la déstabilisation de la région si Moscou parvient à ses fins.

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Le fait économique

Le fait que le Premier ministre israélien Naftali Bennett se soit rendu à Moscou le jour du Shabbat pour rechercher une médiation dans la crise a provoqué des remous. Outre le facteur géopolitique (montrer son amitié envers la Russie pourrait s'avérer utile en Syrie contre la présence iranienne), il ne faut pas négliger les profonds intérêts économiques et de stabilité interne que l'entité sioniste a dans le conflit. En fait, une grande partie de la population d'Israël, qui est entre autres l'un des principaux importateurs de blé ukrainien, est originaire des républiques qui faisaient autrefois partie de l'Union soviétique. C'est pourquoi une éventuelle prolongation de l'affrontement n'aiderait en rien l'équilibre entre les différentes communautés ex-soviétiques au sein de l'entité sioniste et une économie qui, malgré les mythes de la propagande mensongère, vit déjà largement de l'aide étrangère.

Lorsque l'on parle des données économiques, on ne peut bien sûr pas ignorer le sujet des sanctions. Puisqu'il a été question d'"actions sans précédent" de la part de l'Union européenne, il sera bon d'analyser les effets réels que ces actions peuvent avoir. À cet égard, on peut partir du fait que la Russie dispose d'un trésor de 630 milliards de dollars qui peut être dépensé pour supporter le fardeau des "actions sans précédent" que je viens de mentionner. Il convient également de rappeler que ces dernières années, peut-être en préparation de la guerre et de la réponse occidentale, la Russie a réduit son ratio dette/PIB (la dette publique russe représente 12,5 % du PIB, alors que la dette américaine est de 132,8 %) ; elle a réduit sa dette extérieure ; elle a accumulé de grandes quantités d'or (2300 tonnes), l'actif refuge qui prend de la valeur en même temps que les crises géopolitiques ; et elle a sciemment cédé des titres de la dette américaine. À cela s'ajoutent l'énorme disponibilité de matières premières et la relation étroite avec les deux plus grands pays fabricants du monde (la Chine et l'Inde, qui n'ont guère l'intention de suivre la vulgate des sanctions).

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A l'abondance de matières premières s'ajoute la production avancée d'aluminium, de titane (le groupe russe Vsmpo-Avisma couvre largement les besoins en titane de Boeing et Airbus) et de palladium (50% de la production à l'échelle mondiale). Sans parler de la production de céréales, dont le blocus à l'exportation met déjà en crise le secteur italien des pâtes (un sujet pour une éventuelle étude approfondie sur la géopolitique de l'alimentation). Cela signifie que toute contre-sanction russe aurait des effets potentiellement dévastateurs sur l'économie européenne, déjà à genoux après deux années de gestion désastreuse de la crise de la pandémie. Tout cela pour le plus grand plaisir de Washington qui, en jetant les bases de ce conflit, avait vu une belle opportunité de se débarrasser du principal concurrent à l'hégémonie du dollar : l'euro. C'est pourquoi elle invite encore ses vassaux européens à approvisionner Kiev en avions de combat. L'objectif, en fait, est d'élargir le conflit à l'ensemble du continent.

NOTES

[1] Voir Le pentagone bio-armes, www.dylana.bg.

[2] Liu Xiaofeng, La nouvelle Chine et la fin du droit international américain, www.americanaffairsjournal.org.

[3] Poutine n'est pas fou et l'invasion russe n'est pas un échec. L'illusion de l'Occident sur cette guerre, www.fdd.org.

[4] Ukraine, l'ancien général Fabio Mini : "Regardez le ciel, pas la longue colonne de chars. Si c'est une attaque contre Kiev, elle viendra de là", www.ilfattoquotidiano.it.

La revue de presse de CD - 13 mars 2022

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La revue de presse de CD

13 mars 2022

EN VEDETTE

Guerres de l’information, un regard sur les tragédies oubliées

Plutôt que de disséquer l’avalanche de fausses nouvelles sur le conflit russo-ukrainien ou russo-américain par procuration si on préfère l’expression, nous publions en tribune libre la traduction d’un article du 27 février 2022 paru sous la signature de Marina Montessano sur le blog du médiéviste italien Franco Cardini de l’université de Florence. Se replonger sur les précédentes guerres européennes qui furent aussi des guerres de l’information, avec leur lot de mensonges, permet de mieux appréhender le conflit actuel. Les sous-titres sont de notre rédaction.

OJIM

https://www.ojim.fr/guerres-information-tragedies-oubliees/

ASIE

L’Asie face à la guerre en Ukraine

L’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes a provoqué des réactions partagées en Asie. Tiraillés entre le camp occidental et celui de Moscou, beaucoup de pays asiatiques ont joué la carte de la neutralité pour préserver leurs intérêts stratégiques. La guerre en Ukraine sert ainsi de révélateur du positionnement des pays asiatiques dans les nœuds de rivalités qui parcourent l’Indopacifique.

Conflits

https://www.revueconflits.com/lasie-face-a-la-guerre-en-u...

DÉSINFORMATION/CORRUPTION

SorosLeaks : Comment le réseau Soros fonctionne en Hongrie

Les entretiens Skype divulgués par le journal Hongrois Magyar Nemzet montrent clairement que des organisations financées par les fondations Open Society (OSF) influencent les journalistes étrangers pour qu’ils donnent une image déformée de la Hongrie et du gouvernement hongrois. Il devient également évident que les hommes de confiance de George Soros ont des pions dans une partie de la presse libérale nationale : L’OSF finance plusieurs médias hongrois et ses militants veillent à ce que le « bon » contenu soit publié.

Breizh-info.com

https://www.breizh-info.com/2022/03/08/181178/sorosleaks-...

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Pfizer finance les fact-checkeurs employés par Facebook

Le laboratoire pharmaceutique Pfizer finance une partie des programmes de formation au journalisme utilisés par Facebook pour former ses partenaires de « fact-checking » chargés de « combattre la désinformation » et de censurer les publications qui critiquent les vaccins contre le Covid-19. Alors que la notion de conflits d'intérêt a été complètement évacuée au cours de cette crise Covid, le géant médical a tissé une vaste toile avec géants du numérique et organismes de presse, dont les fils apparaissent progressivement au grand jour.

francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/politique-monde/pfizer-finance-...

ÉCOLOGIE

Les enjeux stratégiques de l’hydrogène dans la transition énergétique

Nous constatons un véritable engouement en faveur du développement de l’hydrogène, que ce soit au niveau de gouvernements, d’industriels et d’organisations internationales. Qu’est-ce qui explique une telle dynamique politique sur le plan international ?

IRIS

https://www.iris-france.org/165548-les-enjeux-strategique...

ÉTATS-UNIS

Les États-Unis confirment l’existence de laboratoires biologiques en Ukraine, la Russie exige des réponses

Lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères du Sénat américain ce mardi 8 mars, la sous-secrétaire d’État américaine Victoria Nuland a déclaré que des bio-laboratoires existent bel et bien sur le sol ukrainien. Cette déclaration faisait suite à une question sur l’éventuelle présence d’armes chimiques en Ukraine. Après avoir confirmé cette réalité, la diplomate a insisté sur l’importance d’œuvrer à empêcher la Russie de mettre les mains sur ces armes biologiques, visiblement inquiète de la progression des formes armées russes sur le territoire ukrainien. De son côté, le ministère de la Défense russe a fait état de ces mêmes programmes biologiques militaires, soulignant l’implication des États-Unis dans leur financement. Selon cette même source, le gouvernement de Kiev aurait aussi procédé à un nettoyage d’urgence des traces de ces laboratoires.

francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/politique-monde/les-etats-unis-...

FRANCE

Emmanuel Macron était en train de négocier avec les assassins du préfet Erignac afin d’obtenir le soutien des « nationalistes » de Corse pour l’élection présidentielle. On apprend dans le Canard enchainé de ce jour qu'Emmanuel Macron était en train de négocier avec les assassins du préfet Érignac afin d'obtenir le soutien des « nationalistes » de Corse pour l'élection présidentielle.

Fdesouche.com

https://www.fdesouche.com/2022/03/09/emmanuel-macron-etai...

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GAFAM

Omicron, le concurrent redouté par Bill Gates

On sait que Bill Gates a été très inquiet lors de l’apparition de ce nouveau variant. Il semble bien que cette inquiétude ne soit pas liée aux personnes qui pourraient en mourir, mais à l’immunité naturelle et stérilisante que l’infection par Omicron induirait potentiellement.

Francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/societe-sante/omicron-le-concur...

GÉOPOLITIQUE

L’Ukraine, terrain de jeu des oligarques ? Pendant ce temps, la Monnaie Unique Mondiale se précise sur fond de dépossession.

La chose est résumée par l’auteur à succès israélo-libanais, Yuval Noah Harari dans un entretien à Science & Vie : « Nous vivons dans un monde global, mais les écoles et les livres ne nous racontent toujours que des histoires de “paroisse” sur un pays ou sur une culture particulière. La réalité est qu’il n’y a pas un seul pays indépendant dans le monde. Notre planète est toujours divisée en deux cents pays différents, mais ils dépendent tous de forces économiques, politiques et culturelles, qui sont, elles, globales. ».

Le blog de Liliane Held Khawam

https://lilianeheldkhawam.com/2022/03/08/lukraine-terrain...  

Le monde occidental est-il sous la domination d’intérêts privés ?

Les réactions et les sanctions qui se sont abattues sur la Russie montrent de manière très claire et nette la domination complète des pays occidentaux par les intérêts des financiers mondialistes et de l’OTAN. Ceci donc à l’exclusion complète de l’intérêt politique des Etats et des peuples.

breizh-info.com

https://www.breizh-info.com/2022/03/09/181143/le-monde-oc...

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Les détroits turcs fermés aux bâtiments de guerre : quelles conséquences ?

Les détroits turcs, à savoir le Bosphore et les Dardanelles, sont stratégiques pour l’accès à la mer Noire. Leur statut est régi par la convention de Montreux signée en 1936, qui reconnaît la libre circulation pour le trafic civil, tout en permettant des restrictions pour les bâtiments militaires, parmi lesquelles l’interdiction de passage pour ceux-ci en cas de conflit. Sa mise en œuvre récente par Ankara est l’occasion de revenir sur l’historique et sur les conséquences concrètes de cette convention.

Conflits

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RÉFLEXION

Le spectacle de la fin du monde ancien

Le fait que nous soyons à ce point surpris, y compris l’auteur de ces lignes, par l’invasion russe de l’Ukraine, témoigne de la perte d’une capacité d’analyse obscurcie par l’arrogance inconsciente de ce que l’on appelle « l’occidentalisme ». Et également par un rapport au temps, envahi par ce que l’on appelle le « présentisme », c’est-à-dire limitation de notre mémoire à ce qui s’est passé la semaine dernière. Et nous avons pris l’habitude de plaquer sur le réel une morale unilatérale et utilitaire qui nous fait oublier le caractère tragique de l’Histoire.

Vu du Droit

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Appel lancé aux amoureux de la liberté !

Extrait de la réception de François Sureau à l’Académie française ce 3 mars 2022 :

« Le 20e siècle a été marqué par la voix d’un intellectuel qui connaissait mieux que quiconque le système régissant le goulag. Seul avec sa plume cet homme, Alexandre Soljenitsyne, s’était battu de toutes ses forces pour dénoncer le totalitarisme soviétique et exiger la liberté. Il n’a eu de cesse de dénoncer les agissements pervers des oppresseurs de la société et de ceux qui pervertissent l’humanité en la piégeant avec un matérialisme consumériste dégradant. »

Le blog de Liliane Held Khawam

https://lilianeheldkhawam.com/2022/03/06/appel-lance-aux-...

Genre : la fabrique des impostures wokistes

Le nouveau livre du linguiste Jean Szlamowicz dissèque la manière dont les nouveaux idéologues tentent d’imposer leurs manipulations intellectuelles. Son bistouri aiguisé n’épargne aucun aspect de leur verbiage pseudo-scientifique. Extraits des Moutons de la pensée. Nouveaux conformismes idéologiques, qui vient de paraître aux Editions du Cerf, présentés par l’auteur.

causeur.fr

https://www.causeur.fr/wokisme-deconstruction-neofeminism...

RUSSIE

Le spectacle de la fin du monde ancien

Le fait que nous soyons à ce point surpris, y compris l’auteur de ces lignes, par l’invasion russe de l’Ukraine, témoigne de la perte d’une capacité d’analyse obscurcie par l’arrogance inconsciente de ce que l’on appelle « l’occidentalisme ». Et également par un rapport au temps, envahi par ce que l’on appelle le « présentisme », c’est-à-dire limitation de notre mémoire à ce qui s’est passé la semaine dernière. Et nous avons pris l’habitude de plaquer sur le réel une morale unilatérale et utilitaire qui nous fait oublier le caractère tragique de l’Histoire.

Vu du Droit

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Les oligarques russes ne sont pas près de renverser Poutine

En quête de moyens pour arrêter et punir Vladimir Poutine – ainsi que ceux qui l’ont soutenu et ont profité de son règne – après l’invasion de l’Ukraine, le président américain Joe Biden et d’autres dirigeants mondiaux lorgnent du côté des oligarques russes. Présentation de ces gros capitalistes russes.

Theconversation.com

https://theconversation.com/les-oligarques-russes-ne-sont...

SANTÉ/MENSONGES/LIBERTÉ

L’anxiété écologique, enjeu démographique pour la France et l’Europe

Les effets de l’anxiété due à la perception du changement climatique au sein de la jeunesse sont d’une ampleur que l’on n’avait jusqu’alors pas imaginé, et ont le pouvoir d’aggraver un vieillissement délétère déjà à l’œuvre.

Conflits.com

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Un scandale ivermectine ? Qui se cache derrière les conclusions modifiées de l'étude du Dr Andrew Hill ?

Ivermectine : vers un scandale majeur ? "De l’indifférence scandaleuse au mensonge criminel", publiions-nous fin 2020. En janvier 2021, dans un "debriefing", Andrew Hill nous confiait qu'il jugeait ce traitement prometteur. Il y a près d'un an, nous racontions les graves soupçons qui pesaient sur lui, Tess Lawrie supposant qu'on lui avait forcé la main, pour modifier les conclusions de son étude devant trancher sur l'efficacité de l'ivermectine contre le covid-19 : voir "Ivermectine et fraude scientifique : vers un #UnitaidGate ?(16 mars 2021). Ce changement de cap ne laisse pas d'interroger, et on en apprend davantage aujourd'hui sur une des personnes qui pourrait en être à l'origine.

francesoir.fr

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UNION EUROPÉENNE

Flicage européen

Communiqué de presse datant du 3 février 2022 : « La Commission européenne propose aujourd'hui de prolonger d'un an, soit jusqu'au 30 juin 2023, le certificat COVID numérique de l'UE. Le virus de la COVID-19 reste largement répandu en Europe et il est impossible, à ce stade, de déterminer l'incidence d'une augmentation possible des infections au second semestre de 2022 ou de l'apparition de nouveaux variants. La prorogation du règlement permettra aux voyageurs de continuer à utiliser leur certificat COVID numérique de l'UE pour leurs déplacements dans l'Union lorsque les États membres maintiennent certaines mesures de santé publique. La Commission adopte la proposition aujourd'hui pour que le Parlement européen et le Conseil puissent conclure la procédure législative à temps, avant l'expiration du règlement actuel. »

Europa.eu

https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_...

Ces scandales qui suivent Ursula von der Leyen depuis Berlin

En juin 2020, un rapport d’enquête parlementaire est venu porter une ombre à la réputation d’Ursula von der Leyen, pourtant présentée par l’eurocratie comme une femme politique au parcours irréprochable. Retour sur ces affaires que la présidente de la Commission européenne n’aime pas voir resurgir.

frontpopulaire.fr

https://frontpopulaire.fr/o/Content/co794190/ces-scandale...

Une Europe « inclusive et ferme ta gueule »

La crise ukrainienne montre que l’Europe est inclusive, bienveillante et démocratique, et si vous ne le pensez pas, vous serez tendrement broyé.

contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2022/03/09/422865-une-europe...

samedi, 12 mars 2022

L'Europe suspendue entre l'être et le non-être : est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique ?

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L'Europe suspendue entre l'être et le non-être: est-ce une patrie commune ou un cadavre atlantique?

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-europa-sospesa-tra-essere-e-non-essere-e-una-patria-comune-o-un-cadavere-atlantico

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre: être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables.

La nécessaire neutralité de l'Ukraine

La guerre en Ukraine a des origines lointaines. Elle est le résultat de tensions de longue date qui ont explosé en raison de l'ineptie européenne et de la politique expansionniste de l'OTAN, qui ont empêché l'existence d'un équilibre stable entre la Russie et l'Occident. Avec l'effondrement de l'URSS et l'indépendance des républiques d'Europe de l'Est qui faisaient déjà partie de l'ancien empire soviétique, la logique de partition déjà éprouvée à Versailles en 1919 avec le démembrement des empires centraux s'est reproduite. L'Europe était en fait fragmentée en de nombreux États, souvent artificiels, et de nombreux peuples, très différents sinon hostiles les uns aux autres, étaient contraints de vivre ensemble. Comme on le sait, Versailles a jeté les bases de la Seconde Guerre mondiale.

L'ouest de l'Ukraine est peuplé de catholiques ukrainophones qui veulent être intégrés à l'Europe, tandis que l'est est habité par une population majoritairement orthodoxe et russophone qui s'identifie à la Russie. Pour Kissinger, l'indépendance de l'Ukraine était un facteur d'instabilité politique potentielle. Soljénitsyne, qui considérait que l'Ukraine faisait partie intégrante de l'histoire et de l'identité russes, s'y opposait. Une réconciliation pacifique entre les deux âmes de l'Ukraine s'est avérée impossible, en raison de l'expansion progressive de l'OTAN à l'est, qui envisageait l'intégration de l'Ukraine à l'Ouest en hostilité ouverte avec la Russie, qui, elle, voyait sa sécurité menacée. Le coup d'État pro-occidental de Maidan en 2014 en est une preuve objective.

Il était possible de parvenir à un équilibre géopolitique qui empêcherait cette guerre d'éclater : la médiation européenne aurait pu favoriser l'entrée de l'Ukraine dans l'UE, à condition qu'elle ne rejoigne pas l'OTAN. Une telle perspective aurait impliqué une rupture entre l'Europe et l'Alliance atlantique. Mais l'Europe n'est pas une entité géopolitique indépendante ; au contraire, elle ne trouve son unité que dans le contexte atlantique.

En effet, l'Ukraine est déjà associée à l'UE depuis 2017 et a bénéficié d'un financement européen de plus de 5 milliards, en plus des 1,2 milliard déboursés récemment. Par ailleurs, les accords de Minsk de 2014 (jamais respectés par l'Ukraine), entre la Russie et l'Ukraine, qui prévoyaient l'autonomie des républiques russophones du Donbass, ramenées à la souveraineté ukrainienne, ont été signés sous les auspices de l'OCDE. Afin d'éviter un conflit russo-ukrainien, l'Europe pourrait exiger que la partie ukrainienne les respecte. Mais l'Europe a brillé par son ignorance coupable.

Cette guerre entraînera une redéfinition des frontières entre l'Occident et la Russie, évoquant un retour au rideau de fer qui a marqué l'époque de la guerre froide. Mais les similitudes sont plus apparentes que réelles. Pendant la guerre froide, deux puissances mondiales, les États-Unis et l'URSS, se sont affrontées en tant que systèmes idéologiques, politiques et économiques alternatifs, entre lesquels les affrontements (jamais directs) alternaient avec les négociations. Aujourd'hui, les États-Unis et la Russie sont tous deux des puissances capitalistes. Les Américains ne reconnaissent pas le statut de puissance mondiale de la Russie et ne concluent donc pas d'accords avec Poutine, qui n'est pas considéré comme un partenaire égal. Avec la dissolution de l'URSS et la dissolution du Pacte de Varsovie, l'OTAN, en tant qu'alliance de défense de l'Occident contre la menace soviétique, aurait également dû être liquidée. L'expansion dans les pays d'Europe de l'Est et les guerres "humanitaires" menées par l'OTAN sur une période de 30 ans ont réfuté la nature défensive de l'Alliance atlantique. Il faut également considérer que l'OTAN a été fondée en 1949, tandis que le Pacte de Varsovie a vu le jour en 1955. Donc, entre les États-Unis et l'URSS, qui a dû se défendre contre qui ? La nature agressive de l'OTAN n'était-elle pas génétique ?

Cette guerre aurait pu être évitée si la nécessaire neutralité de l'Ukraine avait été reconnue. La stabilité et la sécurité de la région ne peuvent être garanties que par la neutralité ukrainienne, comme l'a observé Henry Kissinger : "Trop souvent, la question ukrainienne se présente comme une épreuve de force : l'Ukraine choisit-elle de rejoindre l'Est ou l'Ouest ? Mais si l'objectif de l'Ukraine est de survivre et de prospérer, elle ne peut être l'avant-poste de deux factions qui se combattent - elle doit être un pont." Kissinger, en 2014, était également un prophète facile lorsqu'il a déclaré qu'en l'absence d'une politique de réconciliation, "la dérive vers le conflit va s'accélérer, et à ce rythme, elle se produira assez rapidement". 

L'Amérique, une puissance en crise entre pacifisme et russophobie

Cette guerre a éclaté parce qu'elle a été déclenchée par le désir de la Russie de sauvegarder sa sécurité et de contrer l'avancée de l'OTAN à l'est et par le désir des États-Unis d'éradiquer toute relation entre l'Europe et la Russie et de réaffirmer ainsi leur domination sur l'Europe elle-même. Les États-Unis ont en fait facilité l'invasion russe en déclarant leur réticence à s'engager dans une intervention militaire directe et en refusant tout accord avec Poutine. L'Amérique de Biden est pacifiste. Les divisions au sein de la société américaine ont eu pour effet de paralyser la politique étrangère américaine. L'aile libérale de la côte américaine ne veut pas la guerre pour des raisons pacifistes-idéologiques, pas plus que la population intérieure, patriotique par nature mais désormais fatiguée et désabusée par la succession des défaites américaines dans le monde.

L'Occident veut donc contrer la Russie avec l'arme des sanctions. Avec l'éviction de la Russie du système de paiement rapide et l'embargo économique, elle veut provoquer l'implosion financière de la Russie, avec le défaut de paiement russe associé. Mais la Russie est déjà sous le coup de sanctions depuis 2014. L'arme des sanctions provoque nécessairement des représailles et s'est toujours révélée inefficace. Au contraire, les sanctions politiques renforcent la cohésion interne des nations et encouragent la production de biens pour remplacer les produits étrangers qui ne sont plus importés. En outre, la Russie a été bien équipée au fil des ans pour faire face à de telles éventualités. Devenue économiquement vulnérable lors de la crise de 2014, la Russie a adopté ses propres contre-mesures. Depuis 2016, l'économie russe a enregistré une croissance annuelle du PIB de plus de 4 %, augmenté ses réserves de 631 milliards de dollars, principalement en devises autres que le dollar, contre une dette de 350 milliards de dollars, augmenté ses réserves d'or de 196 %, réalisé d'importants investissements dans le numérique, et le commerce avec la Chine s'élève désormais à 140 milliards de dollars, avec l'objectif d'atteindre 200 milliards de dollars.

Les sanctions ont évidemment aussi un impact majeur sur l'Occident, étant donné l'interdépendance des marchés mondiaux. L'Europe dépend du gaz russe pour 40 % de ses besoins et, puisque les approvisionnements de Gazprom ont été exclus des sanctions, paradoxalement, l'UE finance indirectement les dépenses militaires russes pour l'invasion de l'Ukraine avec les revenus de l'énergie. Alors que la bourse russe a été fermée pour cause de baisse excessive et que le rouble est à son plus bas niveau historique, les marchés européens ont enregistré des pertes de plus de 20 % depuis janvier. Standard & Poor's a rétrogradé la dette publique de la Russie au statut de "junk", mais cette dette ne représente que 20 % du PIB. La crise énergétique, avec des prix du gaz et du pétrole à des niveaux records et une inflation galopante, ainsi que la hausse des prix des matières premières, causent des dommages importants à l'économie européenne. Par le biais de sanctions, l'Occident veut amener la Russie à faire défaut, mais toute implosion russe impliquerait aussitôt l'Europe, étant donné l'exposition du système bancaire européen à la Russie (l'Italie seule est exposée pour plus de 25 milliards), et le blocage des flux commerciaux avec la Russie elle-même. Pour l'Europe, les dommages causés par les mesures de sanction sont encore incalculables.

L'expansion progressive de l'OTAN en Eurasie occidentale est conforme à une stratégie américaine bien connue, poursuivie depuis 1991. La pénétration de l'Atlantisme en Eurasie entraînerait la déstabilisation de la Russie. Les guerres qui ont déjà éclaté en Géorgie et en Tchétchénie, ainsi que la révolution colorée en Ukraine, sont des événements fonctionnels à une stratégie globale : la décomposition de la Russie en de nombreux petits États et leur insertion dans le contexte de l'OTAN, avec l'exploitation indiscriminée de leurs ressources, sous l'égide de la domination américaine.

L'objectif est de reproduire en Russie la stratégie qui a conduit à la fragmentation de l'ex-Yougoslavie (qui a également été expérimentée sans succès au Moyen-Orient). Mais quelqu'un a-t-il prévenu Biden et son équipe que la Russie n'est pas comparable à la Yougoslavie ? Le défaut de paiement et la déstabilisation économique de la Russie devraient être suivis d'une déstabilisation politique, avec la défenestration de Poutine par un complot ourdi par les oligarques russes sanctionnés. Mais les États-Unis, qui ont été incapables de faire tomber Saddam, Assad ou Milosevic, pourront-ils un jour faire tomber Poutine et avec lui tout l'appareil politique et militaire russe ?

À l'ONU, la résolution condamnant la Russie, outre l'unité des talibans européens pro-OTAN et son approbation par 141 voix, a enregistré 35 abstentions et 5 voix contre. Parmi les abstentions figurent la Chine, l'Inde, l'ensemble du monde islamique (à l'exception du Qatar et du Koweït), l'Afrique du Sud, le Brésil, le Mexique et le Congo. Il est donc nécessaire de réfléchir à l'importance économique et géopolitique de ces pays (qui, par ailleurs, détiennent une grande partie des matières premières mondiales et représentent la moitié de la population mondiale). La Turquie elle-même n'appliquera pas de sanctions à la Russie et Israël s'est déclaré prêt à jouer un rôle de médiateur dans le conflit : les intérêts d'Israël ne coïncident manifestement pas toujours avec ceux des Américains. Le front abstentionniste est donc hostile à l'Occident et constitue une démonstration tangible que la Russie n'est nullement isolée dans le contexte géopolitique mondial. La politique de l'Occident américain est inspirée par une profonde russophobie, qui conduira à l'isolement de l'Occident lui-même et à sa réduction géopolitique.

La politique expansive de l'OTAN a favorisé la création d'un partenariat russo-chinois qui pourrait devenir stratégique. La Chine a adopté une politique d'attention prudente dans le conflit russo-ukrainien. La Chine est le premier partenaire commercial de l'Ukraine, mais il faut surtout noter que 90 % du commerce de l'Europe avec la Chine passe par la Russie et l'Asie centrale. Cette guerre pourrait être un coup mortel pour l'économie européenne. Mais le plus important est que l'intensification des relations économiques et politiques de la Chine, de l'Inde et du monde islamique avec la Russie entraînerait une contraction drastique de la zone dollar, qui a jusqu'à présent dominé le commerce mondial. Et, à cet égard, on peut s'interroger : mais l'euro n'a-t-il pas été créé comme monnaie alternative au dollar afin de libérer l'Europe de la tyrannie financière américaine ? Cependant, des changements systémiques dans l'économie mondiale nous attendent.

L'Europe sortira-t-elle de son hibernation historique ?

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec les accords de Yalta et de Potsdam, l'Europe est divisée en deux zones d'influence : l'américaine à l'ouest et la soviétique à l'est. Alors que l'Europe de l'Est a souffert de l'occupation soviétique et de ses régimes totalitaires, l'Europe occidentale a accepté la domination américaine avec un large consentement. Le régime pro-américain de souveraineté limitée a ensuite été étendu, après 1989, aux pays de l'ancien bloc soviétique et s'est étendu à l'UE elle-même, au point de déterminer une identification parfaite entre l'Europe et l'OTAN.

L'Europe a ainsi renoncé à son indépendance et à un rôle puissant dans le contexte géopolitique mondial. Le statut de l'Europe est comparable à celui d'un colonialisme consentant, c'est-à-dire un groupe de pays économiquement avancés, à la prospérité généralisée, mais politiquement aseptisés, culturellement américanistes, dépourvus de pouvoir de décision et de responsabilité en matière de défense et de politique internationale, délégués aux États-Unis. Ce statut colonial, perpétué jusqu'à ce jour, a représenté la sortie de l'Europe de l'histoire.

Ce modèle socio-politique, qui a présidé à la fondation de l'UE elle-même, trouve sa pleine réalisation en Allemagne, qui, en vertu de sa suprématie économique continentale, l'a imposé à l'ensemble de l'Europe. Depuis 70 ans, l'Allemagne vit dans la dimension de la post-histoire. Le diplomate allemand Thomas Bagger a effectivement déclaré que "la fin de l'histoire était une idée américaine, mais une réalité allemande". Dans un article paru dans Limes, Ulrike Franke affirme que, pour la génération des millennials allemands, l'histoire est un récit d'événements passés, et non un processus dynamique en constante évolution. L'oubli de la mémoire historique a condamné les nouvelles générations à vivre dans une dimension existentielle absorbée par l'éternel présent. Il s'agit d'une dimension nihiliste, qui implique l'impossibilité de concevoir des réalités historiques et des horizons futurs comme des alternatives à celle-ci. Le progrès, le bien-être, le cosmopolitisme libéral pacifiste et le marché mondial sont les traits distinctifs d'un modèle économique et social occidental post-historique, qui a néanmoins généré dans la génération post-1989 l'idée de vivre dans le meilleur des mondes possibles.

Ulrike Franke dit : "Et la fin de l'histoire a pris notre avenir. Après tout, nous savions tous comment cela allait se terminer. La politique est devenue ennuyeuse - une activité administrative plutôt qu'une compétition idéologique. Et cela peut aussi nous aider à comprendre pourquoi tous les partis allemands prétendent toujours être du centre. Il semble qu'il ne soit pas nécessaire de penser stratégiquement à l'avenir. Une telle vision ahistorique de la réalité a été transmise à l'ensemble de l'Europe, qui est devenue un continent dépourvu de toute identité culturelle et sans aucune perspective d'avenir".

L'avènement de la post-histoire est lié à une époque où la souveraineté politique de l'Europe était dévolue au protectorat atlantique. L'UE elle-même a été créée en tant qu'organe supranational intégré à l'OTAN à l'extérieur et en tant que structure financière qui a établi un système économique d'extrême compétitivité entre les États à l'intérieur. L'UE n'a pas favorisé le développement et l'émancipation, mais a créé un système de domination économique de l'Allemagne et de ses satellites dans lequel la croissance allemande s'est accompagnée d'une dépression dans les pays du sud. Mais aujourd'hui, l'Europe est confrontée à un ordre géopolitique considérablement modifié. Les États-Unis poursuivent des objectifs qui ne sont pas compatibles, voire conflictuels, avec l'Europe.

Les États-Unis, qui se sont engagés à contenir la Russie et la Chine, n'ont plus l'intention de soutenir les dépenses militaires pour la défense des pays européens, qui sont tenus de consacrer 2 % de leur PIB à l'armement. L'objectif géopolitique poursuivi par les Américains n'est en fait pas la défense de l'Ukraine contre l'invasion russe, mais la restauration de leur domination politique absolue dans l'espace européen, en rompant les relations entre l'Europe et la Russie et en interrompant les flux commerciaux entre l'Europe et la Chine. Une Europe, dévastée par la crise économique provoquée par l'urgence énergétique et réduite dans son rôle de puissance économique dans le monde (surtout en ce qui concerne ses exportations vers les USA), pourrait être réduite à une condition de subordination totale aux USA. Les États-Unis pourraient alors imposer à l'Europe un traité de libre-échange transatlantique capricieux, semblable au tristement célèbre TTIP.

Le retrait américain d'Afghanistan a entraîné un changement substantiel de la stratégie géopolitique américaine. La politique étrangère de Biden, dans la continuité de celle d'Obama et de Trump, n'envisage pas d'interventions militaires dans le monde, sauf si les intérêts américains sont directement menacés. Par conséquent, des déploiements politico-militaires de dimension continentale ont été mis en place pour sauvegarder les zones d'influence de l'Amérique dans le monde. Dans le cadre de cette nouvelle stratégie géopolitique américaine, à travers le pacte abrahamique, la nouvelle OTAN du Moyen-Orient a été établie, dirigée par Israël et avec la participation de nombreux pays arabes. Et aussi l'AUKUS, qui est une alliance militaire dans la zone Indo-Pacifique qui vise à contenir la puissance chinoise. La décision de l'Allemagne d'allouer 100 milliards d'euros aux dépenses d'armement doit être interprétée de la même manière. Jusqu'à hier, le réarmement allemand aurait suscité l'inquiétude de tout l'Occident. L'Europe, sous la direction de l'Allemagne, devrait devenir une puissance continentale au sein de l'OTAN dans une fonction anti-russe. Mais il semble hautement improbable que la société allemande accepte de mourir pour l'Ukraine, comme la société japonaise le ferait pour Taïwan.

La phase post-historique de l'Europe touche donc à sa fin. Une perpétuation de l'hibernation historique de l'Europe est inconcevable. Nous devons occuper une place dans une histoire en constante évolution, sinon l'histoire elle-même s'occupera de nous, c'est-à-dire que d'autres décideront pour nous en fonction de leurs propres intérêts. Et dans notre cas, ce seront les Américains qui décideront.

L'Europe à la croisée des chemins entre multilatéralisme et abandon de l'histoire

Le conflit entre Poutine et l'Occident a pris la dimension d'une opposition d'époque de nature historico-idéologique. Depuis la crise de 2014, la réaction de Poutine au tournant pro-occidental en Ukraine a été interprétée par le courant dominant officiel comme la renaissance d'une conception de la politique du XIXe siècle, qui a été reproposée à travers la résurrection du nationalisme russe comme une réaction à une Russie assiégée et visant à défendre ses frontières et à sauvegarder son indépendance nationale. Ces concepts étaient considérés par l'intelligentsia libérale comme relégués à des époques historiques dépassées. Poutine est donc considéré comme un leader anti-historique.

Cependant, nous voyons dans le conflit ukrainien une opposition géopolitique et un affrontement idéologique, qui avaient déjà émergé dans l'histoire récente. L'Occident est dominé par un système néolibéral et une culture postmoderne qui postulent l'individualisme absolu, les droits de l'homme, la primauté de l'économie sur la politique, l'éradication des cultures identitaires et la dissolution des États. Ainsi, le conflit entre l'Occident et la Russie, selon l'idéologie libérale, est interprété comme le choc entre liberté et répression, progrès et réaction, démocratie et autocratie, laïcité et obscurantisme.

L'émergence de nouvelles puissances continentales telles que la Russie, la Chine, l'Inde, l'Iran et d'autres puissances mineures, qui revendiquent au contraire leur propre identité nationale, la valeur de la patrie en tant que destin commun des peuples, leurs racines historiques et culturelles, a mis en évidence depuis longtemps le déclin de l'idéologie libérale comme seul canon d'interprétation de la réalité dans une clé post-historique, individualiste et progressiste. La défense des droits de l'homme et l'imposition du système libéral-démocratique au niveau mondial constituent donc les valeurs en vertu desquelles l'Occident revendique sa suprématie morale dans le monde. Ces principes constituent la légitimation idéologique du "Nouvel Ordre Mondial". Les conflits qui ont eu lieu au cours des dernières décennies démentent les hypothèses idéologiques sur lesquelles repose le "Nouvel Ordre".  C'est ce que dit Alberto Negri dans son article dans "Il Manifesto" du 13/02/2022 : "Cette fois, l'atlantisme est nu. Comme le roi" : "Quel "ordre" libéral les États-Unis et l'OTAN préconisent-ils? Celle qui a incité Washington à utiliser les djihadistes contre l'URSS dans les années 1980? Celle de l'Afghanistan 2021? L'"ordre" de l'intervention fabriquée en Irak en 2003? L'"ordre" de la guerre en Libye en 2011, dont les désastres sont encore sous nos yeux?

L'"ordre" américain qui nous a valu des attaques en Europe et des millions de migrants traités comme des objets et repoussés dans le désespoir, tout en nous privant des ressources énergétiques de nos voisins? L'"ordre" de la Turquie, un pays de l'OTAN utile pour massacrer les Kurdes sous le sultan Erdogan? L'"ordre" qui réduit au silence et efface les Palestiniens?

Les Américains et les atlantistes s'arrogent le droit de décider de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, s'accrochant à des principes d'autodétermination des peuples qu'ils sont les premiers à violer.

Prenez la Syrie : pendant des années, Washington et Bruxelles ont déclaré que "Assad devait partir", mais pour le déstabiliser, ils ont encouragé Erdogan à envoyer des milliers d'égorgeurs djihadistes de l'autre côté de la frontière. Ils ont demandé à la Syrie de rompre ses liens avec l'Iran, puis la Russie, alliée historique de Damas, est intervenue.

Que voulait l'Occident, peut-être le bien des Syriens, toujours maintenus sous un embargo dramatique? Que voulaient les Américains de l'Afghanistan? Pour se venger du 11 septembre 2001, comme Biden l'a lui-même admis? Eh bien, après avoir tué Ben Laden, ils auraient pu partir, mais ils sont restés et ont tué plus de civils que les talibans, à qui ils ont rendu le pays, et maintenant ils se vengent sur la population en gelant les fonds afghans et en entravant l'acheminement de l'aide humanitaire.

L'unilatéralisme américain a généré de nouveaux conflits dans le monde entier entre les États dominés par le néolibéralisme et les États dominés par la souveraineté, entre les gagnants et les perdants de la mondialisation, entre l'Occident post-moderniste et l'Orient traditionaliste. Ce conflit irréductible est également présent au sein de la société occidentale. Les classes dominantes sont idéologiquement libérales et mondialistes, les classes subalternes revendiquent les valeurs communautaires, l'État-providence, les cultures identitaires.

Le monde occidental s'est révélé anti-historique dans la mesure où il n'a pas su comprendre l'esprit de notre époque, dans laquelle un nouvel ordre multipolaire émerge dans la géopolitique mondiale. Et c'est la cause du déclin progressif de l'unilatéralisme américain.

Nous sommes au seuil d'un tournant historique, annoncé prophétiquement par Alexandre Douguine dans son ouvrage La quatrième théorie politique: "La seule alternative plausible, aujourd'hui, se trouve dans le contexte d'un monde multipolaire. Le multipolarisme peut garantir à chaque pays et civilisation de la planète le droit et la liberté de développer son propre potentiel, de s'organiser intérieurement selon l'identité de sa culture et de son peuple, de fournir une base acceptable pour un système de relations internationales justes et équilibrées entre les nations du monde. La multipolarité doit être fondée sur le principe d'équité entre les différentes organisations politiques, sociales et économiques des diverses nations. Le progrès technologique et l'ouverture croissante doivent favoriser le dialogue entre les peuples et les nations et leur prospérité, mais ne doivent pas pour autant mettre en péril leur identité. Les différences entre les civilisations ne doivent pas nécessairement culminer dans un affrontement inévitable - contrairement à ce que pensent de manière simpliste certains auteurs américains. Le dialogue - ou plutôt le polylogue - est une possibilité réaliste que nous devrions tous explorer.

L'avènement du multilatéralisme dans la géopolitique mondiale place l'Europe devant un dilemme existentiel entre être une patrie commune ou ne pas être un cadavre atlantique. L'histoire impose parfois des choix cruciaux et inéluctables. 

Idéologie, propagande et conflit

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Idéologie, propagande et conflit

Par Daniele Perra

Source: https://www.eurasia-rivista.com/ideologia-propaganda-e-conflitto/

"Par conséquent, c'est un précepte ou une règle générale de la raison que tout homme doit s'efforcer d'obtenir la paix, dans la mesure où il a l'espoir de l'obtenir, et lorsqu'il ne peut l'obtenir, rechercher et utiliser toutes les aides et tous les avantages de la guerre. La première partie de cette règle contient la première loi fondamentale de la nature, qui est de rechercher la paix et de l'obtenir. La seconde, la somme de la loi de la nature, qui consiste à se défendre par tous les moyens possibles."

(Thomas Hobbes, Léviathan)

Dans son interprétation personnelle de l'œuvre la plus célèbre de Thomas Hobbes, Carl Schmitt souligne combien la figure du Léviathan évoque avant tout "un symbole mythique plein de significations cachées" [1]. Ce mythe, selon le grand juriste allemand, doit être compris avant tout comme une lutte séculaire d'images. En effet, dans le livre de Job, à côté de la figure du Léviathan (l'animal marin le plus fort et le plus indomptable), un autre animal est dépeint avec autant d'importance et de richesse de détails : le Béhémoth terrestre.

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Après un rapide examen des interprétations chrétiennes de ce "mythe" (par exemple, selon l'Apocalypse de Jean, dans le célèbre Liber Floridus du 12e siècle, l'Antéchrist est représenté trônant sur Léviathan tandis qu'un démon chevauche Béhémoth), Schmitt se concentre sur l'exégèse juive, où les deux bêtes deviennent des symboles des puissances mondaines et païennes hostiles aux Juifs. "Le Léviathan", affirme Schmitt, "représente les bêtes sur mille montagnes (Psaumes 50:10), c'est-à-dire les peuples païens" [2]. Dans ce sens, l'histoire du monde est présentée comme une lutte des peuples païens les uns contre les autres. En particulier, la lutte se déroule entre le Léviathan - les puissances maritimes - et le Béhémoth - les puissances terrestres.

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Béhémoth essaie de déchirer le Léviathan avec ses cornes, tandis que le Léviathan bouche la gueule et les narines de Béhémoth avec ses nageoires, le tuant. Ceci, poursuit Schmitt, est "une belle image de l'étranglement d'une puissance terrestre par un blocus naval" [3] (la référence, bien sûr, est au blocus naval avec lequel les Britanniques ont étranglé l'économie allemande pendant la Première Guerre mondiale). Dans tout cela, les Juifs regardent les peuples de la terre s'entretuer: "pour eux, ces massacres et égorgements mutuels sont légaux et casher. C'est pourquoi ils mangent la chair des peuples tués et en tirent la vie" [4].

Si l'interprétation schmittienne de ce thème biblique est appliquée aux événements actuels, il n'est pas particulièrement difficile d'identifier la Russie et l'Europe respectivement comme le Béhémoth et le Léviathan, et les États-Unis comme ceux qui "se nourrissent de la chair des tués et en vivent".

Dans deux articles publiés sur le site Eurasia, intitulés "L'ennemi de l'Europe" et "Comparaison des modèles géopolitiques", on a tenté d'expliquer comment les Etats-Unis, à travers deux guerres mondiales en l'espace de trente ans (ce n'est pas une coïncidence si l'historien Eric Hobsbawm a parlé d'une "deuxième guerre de trente ans" et Ernst Nolte d'une "guerre civile européenne"), ont réussi à évincer la Grande-Bretagne de son rôle de puissance mondiale, l'épuisant dans une lutte sans merci avec l'Allemagne. La "Grande Guerre" se prête particulièrement bien à ce schéma d'interprétation, puisque les États-Unis ne sont intervenus qu'après s'être transformés de pays débiteur en pays créditeur et après s'être assurés que les concurrents européens sortiraient du conflit, quelle que soit l'issue, dans des conditions économiques désastreuses. Et il ne semble pas déplacé d'utiliser le même schéma d'interprétation pour la crise actuelle en Europe de l'Est, étant donné que, aujourd'hui comme en 1914, les États-Unis sont le plus grand pays débiteur du monde. 

Toutefois, une telle approche nécessite une réflexion approfondie. Nous avons choisi de commencer cette analyse par une citation de Thomas Hobbes pour la simple raison que le philosophe anglais reconnaît que l'État est avant tout un système de sécurité destiné à garantir la sécurité de son peuple et à éviter un retour à l'état de nature : la lutte de tous contre tous.

9782081395497.jpgHobbes déclare expressément qu'il est du devoir de tout homme de rechercher la paix. Mais lorsque cela ne peut être réalisé, il a le droit d'utiliser les avantages de la guerre. Le penseur de Malmesbury, à son crédit, dit aussi autre chose. Plus précisément, il affirme la nécessité du respect des pactes, car : "sans une telle garantie les pactes sont vains et ne sont que des paroles vides, et le droit de tous les hommes à toutes choses demeurant, on est toujours dans la condition de la guerre [...] Mais quand un pacte est fait, alors le rompre est injuste et la définition de l'injustice n'est rien d'autre que le non-respect du pacte" [5].

Et encore : "C'est pourquoi celui qui rompt l'alliance qu'il a contractée, et qui déclare par conséquent qu'il pense pouvoir le faire avec raison, ne peut être reçu dans une société qui se réunit pour la paix et la défense, si ce n'est par l'erreur de ceux qui le reçoivent, ni, une fois reçu, rester sans que ceux qui voient le danger de leur erreur" [6].

Quelle est l'utilité de ces citations face au conflit actuel en Ukraine ? Il est bon de procéder par ordre. En 1987, les États-Unis et l'Union soviétique ont signé le traité INF - Intermediate-range Nuclear Force Treaty, qui réglementait le placement de missiles balistiques à courte et moyenne portée sur le sol européen. À peu près au même moment, Washington a donné à Moscou des garanties que l'OTAN ne s'étendrait pas vers l'est.

En 2014, l'Ukraine était dirigée par Viktor Ianoukovitch, dont le principal défaut (plus que la corruption généralisée) était d'avoir opté pour une éventuelle entrée du pays dans l'Union économique eurasienne. En effet, dans sa vision, l'ex-république soviétique était censée être un pont entre l'est et l'ouest et non une rupture géographique entre la Russie et le reste de l'Europe. Dans une interview accordée à CNN quelques semaines après le coup d'État à Kiev, le spéculateur ("philanthrope") George Soros a ouvertement déclaré qu'il avait contribué à renverser le "régime pro-russe" afin de créer les conditions nécessaires au développement d'une démocratie de type occidental. Non seulement cela, mais le gouvernement ukrainien post-golpiste a été sélectionné selon une méthodologie d'entreprise. Plus précisément, la sélection a été effectuée par deux cabinets de "chasseurs de têtes", Pedersen & Partners et Korn Ferry, qui ont choisi 24 personnes sur une liste de 185 candidats parmi les étrangers vivant en Ukraine (sans surprise, le gouvernement post-golpiste comprenait un Américain, un Lituanien et un Géorgien) et les Ukrainiens vivant au Canada et aux États-Unis. L'ensemble du processus - et cela ne devrait pas être une surprise - a été financé par Soros lui-même par le biais de la fondation Renaissance et du réseau de conseil politique [7].

Non moins troublant a été le processus de sélection de l'actuel président ukrainien, que la propagande atlantiste, dans un élan d'humour et de blasphème, a comparé à Salvador Allende. Volodymir Zelens'kyi, acteur et comédien d'origine juive aux talents incontestables (étant donné sa capacité à hypnotiser un public occidental déjà enivré par deux années de rhétorique pandémique militariste), avant de se consacrer à la politique était sous contrat avec la télévision privée du puissant oligarque Igor Kolomoisky. Également d'origine juive, ancien président de la Communauté juive unie d'Ukraine et du Conseil européen des communautés juives, Kolomoisky est également connu pour avoir financé les groupes paramilitaires qui massacrent les civils dans le Donbass depuis huit ans et pour avoir placé des primes de 10.000 dollars sur les têtes des miliciens séparatistes (Il va sans dire que ce sont les mêmes groupes qui ont assassiné le journaliste italien Andy Rocchelli (photo, ci-dessous) dans le silence absolu de nos médias, bien plus intéressés à défendre les droits bafoués d'un étudiant égyptien en études de genre).

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Biographie: https://www.worldpressphoto.org/andy-rocchelli

Or, pour en revenir à l'affirmation hobbesienne selon laquelle "la définition de l'injustice n'est rien d'autre que le non-respect de l'alliance", on ne peut manquer de rappeler qu'en plus d'avoir accepté une large expansion de l'OTAN vers l'Est, les États-Unis ont opté en 2018 (sous l'administration Trump) pour un retrait unilatéral du FNI, sanctionnant de fait la possibilité d'amener leurs missiles aux frontières de la Russie. Comment la deuxième puissance militaire du monde aurait-elle dû réagir à un tel acte ? Il est bon de commencer par les aspects diplomatiques.

Le 17 décembre 2021, le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a publié le projet d'accord sur les garanties de sécurité soumis à l'OTAN et aux États-Unis. Il s'agissait notamment : a) d'exclure toute nouvelle expansion de l'OTAN vers l'est (y compris l'Ukraine) ; b) de ne pas déployer de troupes supplémentaires ; c) d'abandonner les activités militaires de l'OTAN en Ukraine, en Europe de l'Est, dans le Caucase et en Asie centrale ; d) de ne pas déployer de missiles à moyenne et courte portée dans des zones à partir desquelles d'autres territoires peuvent être touchés ; e) de s'engager à ne pas créer de conditions pouvant être perçues comme des menaces ; f) de créer une ligne directe pour les contacts d'urgence [8].

En outre, Moscou a expressément exigé le retrait de la déclaration de Bucarest dans laquelle l'OTAN a établi le principe de la "porte ouverte" en ce qui concerne l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'alliance. Naturellement, Washington et l'OTAN ont rejeté en bloc les demandes russes.

Il est essentiel de souligner ce fait, car la liberté invoquée aujourd'hui par le président ukrainien dans ses appels "sincères" n'est rien d'autre que la "liberté" de ses protecteurs de placer sur le sol ukrainien des missiles qui peuvent atteindre Moscou en quelques minutes, la détruisant avant même qu'elle ait une chance de réagir. Et la rhétorique belliqueuse utilisée par les gouvernements collaborationnistes européens (l'Italie en premier lieu) défend cette idée plutôt bizarre de liberté, sur la base de laquelle (nous le répétons) la deuxième puissance militaire du monde (ainsi que le principal fournisseur d'énergie de l'Europe) ne se voit pas garantir le droit à la sécurité.

Pour cette idée malsaine de la liberté (l'Italie est une fois de plus au premier rang, malgré la présence de plus de 70 têtes nucléaires américaines qui en font une cible directe en cas d'éventuelles représailles), il a été décidé d'envoyer des armes à Kiev (qui finiront dans les mains de groupes paramilitaires plus intéressés par la chasse à leurs concitoyens pro-russes que par la guerre contre les Russes) et de ne soumettre qu'un quart du système bancaire russe à des sanctions.

Au nom de cette idée de liberté, produit de la manipulation idéologico-géographique qui porte le nom d'Occident, le suicide économique et financier de l'Europe a été décidé (à la grande joie de Washington). Et toujours sur la base de cette idée dérangeante de la liberté, une "chasse aux sorcières" a été déclenchée, dans laquelle des artistes de renommée internationale sont priés d'abjurer leur patrie ; dans laquelle des cours sur Dostoïevski sont annulés, pour être ensuite rétablis lorsqu'un auteur ukrainien donne un avis "contradictoire" (comme si le par condicio pouvait s'appliquer à la littérature) ; dans laquelle toute voix en désaccord avec la vulgate officielle est réduite au silence et accusée de pro-poutinisme ; et dans laquelle les trente dernières années d'agression de l'OTAN (dont soixante-dix-huit jours de bombardement de la Serbie) et les huit années précédentes de guerre en Ukraine sont oubliées.

Il existe un terme pour tout cela : la guerre idéologique. La guerre idéologique est une guerre dans laquelle, pour reprendre la définition de Schmitt, l'ennemi est diabolisé et criminalisé. Par conséquent, elle devient digne d'être anéantie. La guerre idéologique ne connaît aucune limite et se fonde sur la subversion de la réalité. C'est la guerre imaginaire des pseudo-intellectuels, des journalistes et des analystes géopolitiques en proie à une surexcitation guerrière. C'est la guerre dans laquelle de faux mythes sont créés : la résistance héroïque des soldats ukrainiens sur l'île aux Serpents (qui se sont rendus sans tirer un coup de feu), le fantôme de Kiev abattant six avions de chasse russes (qui n'ont jamais existé), la résistance ukrainienne retournant les panneaux de signalisation pour confondre l'avancée russe (à l'ère de la guerre technologique). Cette guerre imaginaire est celle dans laquelle la Russie est décrite comme un pays isolé alors qu'en réalité elle renforce sa coopération avec la Chine et le Pakistan (deux puissances nucléaires) et dans laquelle l'UE et l'Anglosphère sont présentées comme le "monde entier". 

NOTES

[1] C. Schmitt, Sul Leviatano, Il Mulino, Bologna 2011, p. 39.

[2] Ibid, p. 45.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] T. Hobbes, Leviatano, BUR, Milan 2011, p. 149.

[6] Ibidem, p. 155.

[7] Se Soros e la finanza scelgono il governo dell’Ucraina, www.ilsole24ore.com.

[8] Russie : les garanties de sécurité demandées à l'OTAN sont révélées, www.sicurezzainternazionale.luiss.it.

Opération militaire en Ukraine : Analyse géopolitique

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Opération militaire en Ukraine : Analyse géopolitique

En toute exclusivité: la perspective russe selon Alexandre Douguine

Alexandre Douguine

Source: https://katehon.com/en/article/military-operation-ukraine-geopolitical-analysis?fbclid=IwAR3Y3lIY5eabLUPz3tvclSDLIcGNl6PFCv0d4vj71c0Avnjof-Ojj7AzSBM


La question ukrainienne à l'origine de la géopolitique

La place de l'Ukraine dans la confrontation géopolitique entre la Terre et la Mer a déjà fait l'objet de nombreux écrits et de descriptions détaillées. Il est d'ailleurs symbolique que le fondateur de la géopolitique, Halford J. Mackinder, ait été le haut commissaire de l'Entente pour l'Ukraine pendant la guerre civile en Russie. Et à cette époque-là, dans le gouvernement blanc de Wrangel, le fondateur de l'eurasisme, le géographe Piotr Savitsky, qui fut le premier, dans le journalisme de langue russe, à mentionner lui-même le terme "géopolitique" et à exposer les points principaux de cette méthodologie, travaillait comme assistant du ministre des Affaires étrangères Peter Struve.

La géopolitique : la guerre continuelle entre la terre et la mer

Mackinder a formulé la théorie de la grande guerre des continents, l'opposition entre la civilisation de la Mer (l'Occident en général, l'Empire britannique plus spécifiquement) et la civilisation de la Terre (Heartland, Russie-Eurasie) quelques années plus tôt, en 1904, dans son célèbre ouvrage The Geographic Pivot of History.  Terre (Rome, Sparte) et Mer (Carthage, Athènes) représentent deux civilisations antagonistes, opposées en tout - traditionalisme et modernité, spiritualité et matérialisme, esprit militaire et esprit commercial. Le conflit qui les oppose est une constante de l'histoire du monde.

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L'Eurasie, théâtre d'affrontements géopolitiques

Au cours des derniers siècles, lorsque le Grand Jeu, la confrontation entre les empires britannique et russe, battait son plein, la grande guerre continentale s'inscrivait dans l'espace de l'Eurasie. Dans cet espace, le "Heartland", c'était la Russie. Et la "civilisation de la mer" était portée par l'Angleterre. L'Angleterre tentait d'enserrer l'Eurasie de l'extérieur, depuis les océans. La Russie se défendait de l'intérieur, en essayant de briser le blocus.

La principale bande territoriale où se multipliaient les tensions se nommait alors, dans le langage spécial de la géopolitique mackindérienne, le Rimland, la "zone côtière". Elle s'étendait de l'Europe occidentale à l'Asie du Sud-Est, comprenait l'Inde et la Chine, en passant par le Moyen-Orient et l'Asie centrale.

L'objectif de la Mer était de subjuguer le Rimland. L'objectif de la Terre était de briser cette influence et de déserrer l'anneau de l'anaconda thalassocratique qu'il fallait rétrécir. C'est la raison de l'avancée de la Russie en Asie centrale et en Extrême-Orient.

D'où la formule principale de la géopolitique: "Qui contrôle l'Europe de l'Est contrôle le Heartland. Qui contrôle le Heartland, contrôle le monde". Telle est la théorie.

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Le démembrement de la Grande Russie

De par sa position de Haut Commissaire de l'Entente, Mackinder tenta de mettre la théorie en pratique. La guerre civile russe a donné à la civilisation de la mer une nouvelle chance de repousser les frontières du Rimland vers l'est, aux dépens des territoires qui quittaient alors la sphère de la puissance russe - la Finlande, la Pologne et, surtout, l'Ukraine.

Mackinder (comme Savitsky) avait compris que la victoire des bolcheviks conduirait inévitablement à une confrontation avec l'Occident et à une tentative de recréer l'Empire russe sous une nouvelle forme (et c'est exactement ce qui s'est passé). Et face à cette perspective, Mackinder a exigé que le gouvernement britannique soit plus actif dans l'aide aux Blancs [1], il a tenté de convaincre les dirigeants anglais de la nécessité de soutenir l'indépendance de l'Ukraine. Il a également élaboré un plan visant à séparer de la Russie la grande région du Caucase méridional, la Biélorussie, l'Asie centrale, ainsi que la Sibérie orientale et même un certain nombre de territoires du sud de la Russie. Plus tard, en 1991, l'effondrement de l'URSS permet, dans une large mesure, de réactiver le plan de Mackinder.

L'Ukraine et le cordon sanitaire

L'Ukraine jouait un rôle majeur dans le plan géopolitique de Mackinder. Ce territoire, avec la Pologne et les pays d'Europe de l'Est, faisait partie du "cordon sanitaire", une zone stratégique qui devait être sous le contrôle direct de l'Angleterre et de la France (les alliés de l'Entente à l'époque) et empêcher tout rapprochement entre la Russie et l'Allemagne. Retenue par un "cordon sanitaire", la Russie-Eurasie ne pouvait pas devenir un Empire à part entière. Sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire. Et de plus, l'Ukraine, rendue hostile à la Russie et placée sous le contrôle direct des Anglo-Saxons, couperait la Russie de l'Europe continentale, où l'Allemagne, à son tour, était un Heartland, mais pas un Heartland mondial (comme la Russie), mais local, européen. Le conflit de l'Angleterre avec l'Allemagne (aussi avec l'Autriche) était une constante de la géopolitique européenne.

En conséquence, le projet d'une Ukraine indépendante était initialement dirigé contre la Russie et était supervisé par les Anglo-Saxons.

Les bolcheviks créent et démantèlent simultanément l'Ukraine

Nous savons que pendant la guerre civile, les Blancs ont adhéré à une politique de restauration d'un Empire uni et indivisible. En même temps, ils dépendaient du soutien de l'Entente, qui leur imposait certaines conditions. Quoi qu'il en soit, le gouvernement britannique, n'étant pas d'accord avec Mackinder sur la nécessité d'un soutien fort aux Blancs en échange de leur accord à la sécession de l'Ukraine, les Blancs ont perdu la guerre. Dans cette configuration, le sujet a donc été écarté de l'ordre du jour.

Les bolcheviks, quant à eux, ont d'abord soutenu l'Ukraine et encouragé activement les cercles nationalistes en pensant qu'ils s'étaient orientés contre le "tsarisme", mais ils ont ensuite opté pour une politique centraliste, voyant que l'Ukraine n'allait pas accepter le pouvoir bolchevique sans se plaindre et cherchait à céder aux Anglo-Saxons (ce qui signifiait alors le "capitalisme mondial"). Par conséquent, comme Mackinder l'avait prévu, Lénine a commencé la saisie directe de l'Ukraine, qui n'avait pas eu, dans son passé, une histoire d'État indépendant et était une proie relativement facile pour les Rouges. Les Rouges n'ont pas réussi à conquérir la Pologne par le même stratagème. Mais le territoire de la Biélorussie, qui était revendiqué par la Pologne de Piłsudski, est resté aux mains des Rouges.

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Ensuite, déjà sous l'autorité des bolcheviks en 1922, Lénine a donné à la République socialiste soviétique d'Ukraine les vastes territoires qui avaient toujours fait partie de l'Empire russe - Slobozhanshchina, Donbass, Novorossiya, ainsi que de vastes zones au nord (oblast de Tchernigov) et à l'ouest (Petite Russie proprement dite). La Galicie est restée sous la tutelle de la Pologne, la Bucovine faisait partie de la Roumanie. La Crimée appartenait à la RSFSR.

Mais cet arrangement territorial de l'Ukraine n'impliquait pas véritablement la création d'un État. Le pouvoir bolchevique s'étendait à tous les territoires de l'URSS et, dans l'esprit de l'idéologie internationaliste, il ne pouvait être question d'un statut d'État pour les différentes républiques. Il s'agissait presque d'une division purement administrative dans le cadre d'un pouvoir solidement unifié. C'est exactement ce que Mackinder avait craint.

Les bolcheviks ont à la fois créé l'Ukraine et l'ont abolie (en tant qu'État indépendant).

L'Ukraine dans l'URSS après la Grande Guerre patriotique

La Galicie, la Volhynie et la Bukovine ont été annexées à l'Ukraine juste avant la Grande Guerre patriotique et la Transcarpathie - juste après la guerre. Mais à ce moment-là, la Russie-Eurasie sous la forme de l'URSS s'est déplacée de manière significative vers l'ouest, déplaçant la frontière du pays au détriment du Rimland, et établissant son contrôle sur l'Europe de l'Est, qui était toute entière sous le pouvoir de Moscou. L'URSS a ainsi réduit à néant et totalement aboli le "cordon sanitaire" de Mackinder et de Lord Curzon, s'installant directement en Europe continentale et s'emparant, en fait, des territoires de l'ancienne Prusse/Brandebourg (RDA).

Dans une telle position - profondément à l'arrière de ce rimland européen de l'Eurasie et donc dans le Heartland eurasien - l'Ukraine a existé jusqu'en 1991. Dans le même temps, pour des raisons de convenance purement administrative dans les limites d'un État absolument unitaire, Khrouchtchev a transféré en 1954 la Crimée à Kiev. Du point de vue géopolitique, cependant, cela ne signifiait rien, car toutes les frontières entre les sujets de l'URSS, les républiques fédératives, étaient conditionnelles et ne signifiaient rien du tout dans la pratique.

L'atlantisme et le monde bipolaire

Pendant la guerre froide, l'Occident est revenu à sa pratique particulière de la géopolitique. C'est ainsi qu'en 1949, suivant les modèles mise au point par Mackinder, l'OTAN (l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) a été créée. Le terme "Atlantique" ayant été introduit dans le sigle de l'organisation militaire, le vocable "atlantisme" devient synonyme de "civilisation de la mer", de thalassocratie, dans le sens exact où Mackinder l'entendait. L'"atlantisme", c'est l'Occident et ses alliés, le monde capitaliste avec un noyau dur anglo-saxon, dont le centre, au XXe siècle, s'est progressivement déplacé de Londres à Washington, de l'Angleterre aux États-Unis.

La carte dessinée par Mackinder correspondait parfaitement à l'équilibre des forces dans la guerre froide, et les deux camps - le communiste et le capitaliste - étaient strictement alignés sur les critères attribués à la Terre et à la Mer. Le bloc de l'Est était la Terre, avec l'URSS en son centre, le Heartland. Le bloc occidental était la Mer, centrée sur l'Atlantique (les Anglo-Saxons), mais comprenait les colonies stratégiques d'après-guerre des États-Unis - les pays d'Europe, le Japon et d'autres États du tiers-monde qui proclamaient leur allégeance au capitalisme. Ils étaient disposés en ordre dispersé en Asie, en Afrique et en Amérique latine, qui constituaient la carte géopolitique de la confrontation mondiale. Terre et Mer s'affrontaient rarement directement (comme lors de la crise des missiles de Cuba), et agissaient généralement par le biais de leurs mandataires, les régimes pro-soviétiques ou pro-américains. Et si la Terre était directement impliquée dans un conflit - comme en Tchécoslovaquie, en Afghanistan, etc., alors la Mer s'y opposait par le biais de mandataires, de "proxies", de groupes et de mouvements antisoviétiques sans intervenir directement. Et quand la Mer intervenait ouvertement - comme en Corée et au Vietnam -  la Terre aidait indirectement, avec des conseillers, la diplomatie, l'économie, etc.

Le problème du Rimland

Pendant la guerre froide, le problème du Rimland est redevenu extrêmement pertinent. Ainsi, le géopolitologue américain Nicholas Spykman, révisant les théories de Mackinder, arrive à la conclusion que c'est le Rimland qui est la principale zone de confrontation. Il formule la loi de la géopolitique comme suit : "Celui qui contrôle le Rimland contrôle le monde". Mais il ne s'agit pas d'une nouvelle géopolitique, mais d'une réinterprétation - mineure - du poids des zones principales dans la théorie de Mackinder. D'autant plus que Mackinder lui-même a commencé par énoncer une théorie sur "l'Europe de l'Est", c'est-à-dire sur ce qui deviendra le "cordon sanitaire", et que celui-ci appartient au Rimland.

Quoi qu'il en soit, la guerre froide, d'un point de vue géopolitique, était une bataille pour le Rimland. Moscou a tenté d'étendre son influence - par le biais de partis et de mouvements de gauche - en Europe, au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. À une certaine époque, la Chine maoïste faisait également partie d'un camp socialiste unique, c'est-à-dire du Heartland eurasien.

L'attaque de l'Atlantisme

Lorsque l'URSS a commencé à s'affaiblir, les géopoliticiens atlantistes (Z. Brzezinski, R. Gilpin, etc.) ont commencé à penser et à agir de manière plus avant-gardiste. Outre le modèle bipolaire et le déplacement partiel de l'équilibre à la périphérie du monde et le long des contours de l'Eurasie, ils ont commencé à élaborer des concepts plus audacieux, évoquant un monde unipolaire. Ainsi, les idées de Mackinder ont retrouvé leur fraîcheur et leur pertinence. Pour obtenir la victoire décisive et finale de la civilisation de la mer, il fallait briser le bloc de Varsovie, puis de préférence l'URSS, et enfin ce qu'il en restait. En d'autres termes, faire progresser de manière significative le Rimland dans les profondeurs de la terre, en le bridant et en bloquant l'accès aux "mers chaudes", vers lesquelles la Russie tentait constamment de se porter.

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L'un des géopoliticiens atlantistes les plus constants était Zbigniew Brzezinski. À l'époque bipolaire, il soutenait farouchement les forces antisoviétiques en Afghanistan, jusqu'à et y compris Al-Qaïda. Au début des années 80, Brzezinski et Kissinger se sont efforcés de rompre définitivement les derniers liens que la Chine entretenait encore avec l'URSS, en cherchant à l'inclure dans l'économie mondiale et à l'intégrer progressivement dans la civilisation de la mer.

Lorsque les processus destructeurs de l'URSS ont commencé à agir, les atlantistes ont augmenté la pression sur l'Europe de l'Est, provoquant, fomentant et soutenant par tous les moyens possibles des sentiments artificiellement antisoviétiques/russophobes. D'un point de vue géopolitique, le soviétique et le russe coïncidaient à l'époque.

Avec Gorbatchev, l'effondrement rapide du camp socialiste a commencé. La Terre reculait, la Mer avançait. Nous ne devons donc pas être surpris que l'expansion de l'OTAN vers l'Est ait commencé et se soit parachevé. Cette expansion était à l'origine inscrite dans la théorie géopolitique de l'atlantisme. On ne pouvait rien attendre d'autre de la politique atlantiste.

La création de l'anti-Russie

Lorsque l'on a assisté à l'effondrement de l'URSS, les projets de Mackinder visant à démembrer la Russie-Eurasie, redevenaient toujours plus pertinents. Les frontières conditionnelles des républiques au sein d'un État unitaire, entièrement et étroitement contrôlé par le parti communiste, se sont soudainement transformées en frontières d'États-nations souverains. Tous les États post-soviétiques ont été créés selon les moules atlantistes. Ces entités n'ont d'autre sens que d'être anti-russes. L'une de ces "Anti-Russie" était la Fédération de Russie elle-même. Mais parce que la Fédération de Russie occupait le territoire du Heartland, même si elle s'est considérablement réduite, elle représente toujours la Terre ennemie aux yeux des géopoliticiens atlantistes, c'est-à-dire de l'ennemi thalassocratique. Et pour achever l'ennemi, il a fallu pousser l'OTAN plus loin vers l'Eurasie, et aussi tenter de démembrer la Russie elle-même (la première campagne de Tchétchénie, la vague des séparatismes internes à la Fédération de Russie, etc.)

La Russie ne pourra jamais se relancer sans l'Ukraine.

Tous ces processus, Brzezinski les a compris et a contribué à les mettre en pratique (comme Mackinder l'avait fait auparavant). Dans son célèbre livre Le grand échiquier, Brzezinski parle ouvertement de la nécessité de démembrer davantage la Russie, de renforcer le "cordon sanitaire", etc. Plus important encore, Brzezinski comprend le rôle de l'Ukraine dans cette question. Brzezinski dit à son propos que la chose la plus importante est :

    - d'arracher irrévocablement l'Ukraine, alors hésitante, à la Russie,
    - d'en faire un avant-poste de l'Atlantisme et
    - d'imposer à son peuple le nationalisme russophobe comme idéologie principale.

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Sans l'Ukraine, la Russie ne sera jamais en mesure de devenir une puissance souveraine à part entière, un Empire, un pôle indépendant du monde multipolaire. Ainsi, le sort de l'unipolarité et du globalisme (pour Brzezinski, c'est presque la même chose), dépend de la capacité de l'Occident à mettre en œuvre la séparation de l'Ukraine d'avec la Fédération de Russie. Après tout, si la Russie et l'Ukraine s'unissent - d'une manière ou d'une autre, l'unipolarité s'effondrera et la carte géopolitique changera à nouveau de manière irréversible.

La bataille pour l'Ukraine et contre la Russie est une constante historique dans la stratégie géopolitique de l'Occident. Cela explique tout, de la déclaration d'indépendance à la révolution orange Iouchtchenko-Timochenko, en passant par le Maïdan et huit années de préparation intensifiée par Kiev, sous la houlette des instructeurs atlantistes, aux opérations militaires visant à s'emparer du Donbass et de la Crimée.

La naissance de la géopolitique en Russie : L'Eurasie comme sujet

Depuis le début des années 1990 en Russie, juste au moment de l'effondrement de l'URSS et de l'arrivée au pouvoir des agents atlantistes (l'ancien ministre des Affaires étrangères Andrey Kozyrev a directement admis qu'il était un atlantiste), contrairement à l'attitude politique et idéologique de base envers le libéralisme et l'occidentalisme, la Russie - principalement dans les cercles militaires (en particulier, à l'Académie d'état-major militaire) - a commencé à développer sa propre école géopolitique. Elle était basée sur l'eurasisme, car ce sont les premiers Eurasiens russes qui, dans les années 1920, ont décrit la carte géopolitique de la confrontation entre la Russie et l'Occident, en dehors de l'idéologie communiste (les Eurasiens étaient des Blancs). Leurs idées sont les plus adaptées à la situation actuelle, face à l'offensive de l'OTAN à l'Est et aux propres politiques incompréhensibles (par endroits perfides) de Moscou. Les militaires ne pouvaient pas prendre pour amis ceux dont ils enregistraient toutes les heures les intentions et les actions agressives contre la Russie. Mais le gouvernement libéral est resté sourd à la géopolitique. Néanmoins, l'école géopolitique ne pouvait être détruite. Tout le monde était occupé par les processus fascinants de la corruption totale.

La géopolitique expliquait parfaitement ce qui se passait en Europe de l'Est et dans l'espace post-soviétique dans les années 1990 (l'écrasement par la mer de la terre, l'expansion des "cordons sanitaires" et du territoire du Rimland), mais cette compréhension restait à l'intérieur des cercles militaires, qui n'appréciaient guère la politique officielle, mais qui n'avaient à l'époque aucun poids ni aucune influence politique. Les atlantistes, en revanche, ont méthodiquement poursuivi leur cause, nourrissant et renforçant l'anti-Russie, à la fois à l'extérieur et, en partie, au sein même de la Fédération de Russie.

Poutine change le vecteur géopolitique

Tout a changé lorsque Poutine est arrivé au pouvoir. Il a commencé par restaurer la souveraineté de la Russie, à se débarrasser des agents atlantistes qui étaient à la tête du pays, à concentrer et à développer son potentiel militaire, et à renforcer l'unité de la Russie. La deuxième campagne de Tchétchénie, l'introduction des districts fédéraux et les changements dans la législation ont renforcé l'intégrité territoriale et la verticalité du pouvoir. Poutine a progressivement commencé à s'opposer de plus en plus à l'Occident et à mener une politique d'intégration eurasienne dans l'espace post-soviétique. En bref, Poutine a rendu à la Russie le statut de sujet de la géopolitique, et a anénati son état de déréliction, qui faisait d'elle un objet de la géopolitique globale, atlantiste. Il a rejoint de manière consciente et responsable la grande guerre continentale au nom de la Terre.

Cela n'a pas échappé à l'Occident et a entraîné une pression accrue sur les pays post-soviétiques pour qu'ils adoptent une position de plus en plus anti-russe, pour qu'ils s'intègrent plus rapidement aux structures occidentales. Cela a touché tous les pays post-soviétiques, mais surtout l'Ukraine. Il dépendait de l'Ukraine de déterminer si la Russie serait capable ou non de restaurer pleinement sa souveraineté géopolitique. Selon les lois de la géopolitique, sans l'Ukraine, la Russie n'est pas un Empire, pas un pôle, pas une civilisation, mais avec l'Ukraine, elle est un Empire, un pôle et une civilisation. Et cette formule peut être lue depuis deux positions - celle des yeux de la Mer et celle des yeux de la Terre. De toute évidence, Poutine l'a lue avec les yeux de la Terre, car il était et reste le dirigeant du Heartland, conscient et puissant.

Le nationalisme ukrainien comme outil géopolitique de l'Atlantisme

Dans le même temps, l'initiateur des cataclysmes en Ukraine était l'Occident atlantiste. Même les politiques neutres, modérément pro-occidentales - multi-vectorielles - de Kuchma ou de Yanukovich ne convenaient pas aux atlantistes. Ceux-ci ont fait pression sur Kiev pour que l'Ukraine se transforme le plus rapidement possible en une anti-Russie agressive et radicale, attaquante. Dans cette logique, Kiev devait attaquer. 

Cela explique la Révolution orange, le Maïdan et les raisons de l'opération militaire russe actuelle.

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L'Occident se battait pour l'Ukraine. Il faut tenir compte du fait que l'Ukraine n'a pas du tout d'histoire en tant qu'Etat inscrit dans la durée, et que les territoires dans lesquels elle se trouve sont historiquement accidentels et sont le résultat de la créativité administrative des bolcheviks. Lorsque Poutine a justifié l'opération militaire en Ukraine en disant que "Lénine a créé l'Ukraine", il avait parfaitement raison. Cependant, Lénine n'a pas créé l'Ukraine en tant que telle, mais une des zones de contrôle bolchevique parmi d'autres. La nationalité, selon la théorie bolchevique, devait être complètement dépassée dans une société internationale socialiste. Lénine a créé l'Ukraine et l'a en fait immédiatement abolie.

Par conséquent, après 1991, il y avait sur le territoire de l'Ukraine des peuples et des territoires ayant chacun une histoire, une identité, une langue et une culture complètement différentes. La moitié d'entre eux n'étaient pas du tout différents des Russes. La seconde moitié était constituée d'Ukrainiens plus ou moins russifiés. Et seule une écrasante minorité professait une idéologie nationaliste autoproclamée. Mais seule cette minorité était capable, selon les géopoliticiens occidentaux, de transformer les Ukrainiens en une "nation" et ce, à un rythme accéléré. Il s'agissait d'un projet géopolitique atlantiste. Dans d'autres pays, l'Occident a soigneusement éradiqué le nationalisme, surtout dans ses formes radicales. En Ukraine, cependant, l'Occident a agi exactement à l'inverse, soutenant activement toutes les formes de nationalisme jusqu'aux plus extrêmes. Selon les stratèges atlantistes, c'était le seul moyen d'accélérer la formation d'une construction artificielle, rigidement russophobe, un simulacre virtuel de nation. C'est pourquoi la sphère de l'information était si importante, car elle inculquait de manière obsessionnelle aux Ukrainiens une haine infondée des Russes et de tout ce qui unissait nos peuples. Toutes les inepties étaient utilisées, jusqu'à "l'ancienne civilisation des anciens Ukrainiens", ce qui n'aurait provoqué qu'une totale perplexité en Occident. Cependant, toute l'opération était supervisée par les services secrets atlantistes, et c'est pourquoi l'Occident a créé une image artificielle de l'Ukraine comme une jeune démocratie ouvertement vulnérable, souffrant de la menace russe. En fait, un état d'esprit nazi s'est affirmé de manière obsessionnelle dans la société, inextricablement lié à l'atlantisme et même au mondialisme libéral (peu importe combien ces systèmes se contredisent, car le mondialisme nie l'État, et le libéralisme toute identité collective, et surtout l'identité nationale).

L'affrontement final

Le virage russophobe prononcé de Kiev et de l'ensemble de la société ukrainienne est le résultat des événements de Maidan de 2013-2014, qui ont culminé avec l'expulsion et la fuite du président Ianoukovitch. Ianoukovitch n'était ni un politicien pro-russe ni un eurasiste. C'était plutôt un pragmatique à courte vue, mais même cela, du point de vue de l'Occident, était tout aussi inacceptable. L'Occident voulait "tout et pas tout". En regardant la Russie de Poutine se renforcer et en tenant compte des événements de 2008 en Géorgie, où l'Occident a également opposé Saakashvili à la Russie, mais où le résultat n'était clairement pas en faveur de la civilisation de la Mer, les Atlantistes ont décidé d'agir par les méthodes les plus radicales.

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L'actuel président américain Joe Biden, alors vice-président, et d'autres membres de son équipe, comme Victoria Nuland, etc., ont participé très activement au renversement de Ianoukovitch et à la préparation du Maïdan. L'objectif était le même que celui de Mackinder et Brzezinski : arracher enfin l'Ukraine à la Russie et préparer le terrain pour un conflit violent entre Kiev et Moscou.

Poutine a répondu en ramenant la Crimée dans le giron russe et en soutenant le Donbass, mais cela n'a pas résolu le problème sur le plan géopolitique. Poutine a déjoué le plan visant à accélérer l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, notamment celui qui visait à expulser la marine russe de Sébastopol, il a ensuite empêché les génocides en Crimée et dans le Donbass, mais l'ampleur de l'Ukraine était trop importante pour qu'il puisse poursuivre son offensive eurasienne en 2014 et mener la défense du monde russe à sa conclusion logique. À ce moment-là, la Terre a cessé de réagir. Le processus des accords de Minsk avait commencé, mais d'un point de vue géopolitique, il était évident qu'aucune solution pacifique ne pourrait être trouvée et qu'une confrontation directe se produirait inévitablement tôt ou tard. En outre, les services de renseignement russes ont reçu des informations selon lesquelles la partie ukrainienne ne faisait que profiter de ce report pour préparer une opération militaire dans le Donbass, puis en Crimée.

Les forces nationalistes qui avaient remporté le coup d'État de 2014 à Kiev haïssaient encore plus la Russie, déployaient une propagande massive pour laver le cerveau de la population, lançaient une opération punitive brutale contre les habitants du Donbass, victimes d'un génocide systématique, et préparaient une attaque contre le Donbass et la Crimée d'ici le printemps 2022. Dans le même temps, Kiev, en collaboration avec l'Occident, élaborait des plans pour construire ses propres armes nucléaires. En outre, il y avait des laboratoires biologiques dispersés dans toute l'Ukraine, engagés dans des expériences illégales pour produire des armes biologiques.

Tout cela faisait partie d'une même géostratégie atlantiste.

[1] L'armée blanche (également connue sous le nom de Gardes blancs ou simplement Blancs) était des forces militaires qui ont combattu le régime bolchevique pendant la guerre civile russe.

La grande instrumentalisation du sermon du patriarche orthodoxe

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La grande instrumentalisation du sermon du patriarche orthodoxe

par Antonio Catalano 

Source : Antonio Catalano & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-grande-strumentalizzazione-del-sermone-del-patriarca-ortodosso

- La7 : "Sermon choquant. Kirill : "C'est une guerre juste contre le lobby gay".
- Famiglia Cristiana : "Le triste sermon du patriarche de Moscou : ces mots que nous n'aurions pas préféré entendre".
- Il Mattino : "Sermon choquant : La guerre en Ukraine est contre ceux qui soutiennent les gays".
- Il Giorno : "Kirill : la guerre est juste, elle est contre le lobby gay".
- La Stampa : "Sermon choquant : Droit de combattre, résister au lobby gay'".
- Ansa : "Kirill, droit de se battre, c'est contre le lobby gay".
- Il Giornale : "Délire mystique du patriarche orthodoxe : "La guerre est juste, écrasons le lobby gay"".
- Sky Tg24 : "Droit de se battre, c'est contre le lobby gay"".
- Il Corriere : "Kirill : la guerre est juste, combattons le lobby gay".
- Il Fatto : "Choqué par les propos du patriarche Kirill sur les homosexuels".

Je vais m'arrêter d'énoncer les titres de nos journaux en Italie, mais je pourrais continuer, tant la liste est longue. Ne voit-on pas clairement comment se forme la soi-disant "opinion publique"? Par ailleurs, quand on fait la guerre... à la guerre comme à la guerre... la guerre est menée avec tous les moyens disponibles, sans jamais être subtile, même en couvrant le David de Michel-Ange d'un tissu noir. Je ne suis pas choqué que la presse à l'esprit unique fasse son travail, mais ceux qui veulent aller plus loin ne peuvent se contenter de boire l'eau empoisonnée qui nous est offerte dans un cycle continu par l'information dite "libre". Par souci d'honnêteté, je me dois de signaler dans la presse nationale une réflexion calme et argumentée de Francesco Borgonovo dans la Vérità d'aujourd'hui.

J'ai cherché le texte sur le web, ce n'était pas facile, on ne trouve que des phrases citées dans les journaux, alors je suis allé directement sur le site du Patriarche et, grâce au traducteur (la traduction n'est donc pas très bonne), j'ai lu le texte complet du sermon (deux pages, c'est court, je le rapporte dans les commentaires). Comme quiconque veut le vérifier, le sermon de Kirill ne contient pas la phrase "cette guerre est contre ceux qui soutiennent les gays", ni, comme le dit le Corriere, que le patriarche de Moscou "a prié pour la souffrance des soldats. Les soldats russes, on suppose".

Dans le sermon du patriarche de Moscou, il est surtout question d'une "lutte métaphysique". À un moment donné, en effet, il déclare que "tout ce qui précède indique que nous sommes entrés dans une lutte qui n'a pas une signification physique, mais métaphysique".

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Cela n'enlève rien au fait qu'après avoir parlé du Carême comme d'un printemps spirituel, il déclare : "Mais nous savons que ce printemps a été éclipsé par de graves événements liés à la détérioration de la situation politique dans le Donbass, que constitua pratiquement le déclenchement des hostilités". Kirill attribue donc le déclenchement des hostilités à la "détérioration de la situation dans le Donbass". En d'autres termes, de la guerre de "basse intensité" menée depuis huit longues années et qui a fait 8000 morts, et dont notre presse "libre" a toujours fait semblant de ne pas voir. Kirill dit que depuis huit ans, on tente de détruire ce qui existe dans le Donbass. "Et dans le Donbass, il y a un rejet, un rejet fondamental des soi-disant valeurs qui sont proposées aujourd'hui par ceux qui prétendent au pouvoir mondial". Passage ignoré par la plupart de nos journaux.

Le patriarche aborde ensuite la question que les gens de presse, et ceux qui les lisent, feignent de ne pas en comprendre la haute valeur symbolique. "Aujourd'hui, il y a un tel test pour la loyauté de ce gouvernement [= le pouvoir mondial], une sorte de transition vers ce monde 'heureux', le monde de la surconsommation, le monde de la 'liberté' visible." Mais quel est ce test, demande le patriarche. "Le test est très simple et en même temps terrible : il s'agit d'une parade gay. Les demandes faites à de nombreuses personnes d'organiser une parade gay sont un test de loyauté envers ce monde très puissant ; et nous savons que si les gens refusent ces demandes, alors ils n'entrent pas dans ce monde, ils en deviennent des étrangers".

Eh bien, je ne pense pas qu'il ait dit quoi que ce soit de scandaleux. Ce n'est pas un mystère que la "gay pride" est utilisée comme un cheval de Troie pour pénétrer en territoire "ennemi". Un peu comme les incursions des Pussy Riot ou des ONG, sans surprise, généreusement soutenues par des magnats occidentaux. La religion libérale progressiste a ses rites de passage, et malheur à ceux qui les rejettent. L'East Journal l'a candidement écrit en 2020, en consacrant un article aux droits des LGBT et en déclarant qu'"en Ukraine, en Moldavie et en Géorgie, l'adoption de lois anti-discrimination a été un critère essentiel pour la signature d'accords d'association et de libéralisation des visas entre ces pays et l'UE". Le même article soulignait que ces "avancées législatives" avaient toutefois eu lieu "principalement sur le papier", et ajoutait de lourdes critiques à l'égard du gouvernement de Kiev, qui était manifestement réfractaire aux applications.

Mais revenons à Kirill. "Les parades gay sont conçues pour montrer que le péché est l'une des variantes du comportement humain. C'est pourquoi, pour rejoindre le club de ces pays, vous devez organiser une gay pride. Pas pour avoir fait une déclaration politique, pas pour avoir signé des accords, mais pour avoir organisé une parade gay. Et nous savons comment les gens résistent à ces demandes et comment cette résistance est réprimée par la force. Cela signifie qu'il s'agit d'imposer par la force un péché condamné par la loi de Dieu, et donc d'imposer par la force aux gens la négation de Dieu et de sa Vérité".

Le patriarche de Moscou et de toute la Russie, en tant que prêtre chrétien, avait auparavant rappelé, toujours dans le sermon, qu'en entrant dans le champ du Grand Carême, "essayons de pardonner à tout le monde". "Par notre pardon, nous confions nos délinquants entre les mains de Dieu, afin que le jugement et la miséricorde de Dieu puissent s'exercer sur eux. Pour que notre attitude chrétienne envers les péchés, les déceptions et les insultes des hommes ne soit pas la cause de leur mort, mais que le juste jugement de Dieu s'exerce sur tous".

Il n'est pas nécessaire d'être d'accord avec les paroles de Kirill, chacun peut faire ce qui lui convient, mais il est évident que nous sommes confrontés à une manipulation des paroles du patriarche. Avec son sermon, Kirill n'ajoute rien de nouveau à ce qui a déjà été dit en d'autres occasions. Le patriarche veut creuser une tranchée pour défendre cette "âme" russe que le progressisme libéral "occidental" entend anéantir pour pouvoir vagabonder dans cet immense espace libre comme au temps d'Eltsine. Un Occident qui se renie en reniant son histoire, sa civilisation, sa culture profondément imbriquée dans le monde russe, qui est prêt à tout perdre sauf son "âme".

Les limites de la patience russe

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La limite de la patience russe

Par Claudio Mutti

Source: https://www.eurasia-rivista.com/il-limite-della-pazienza-russa/

"Patrie de la patience, terre des Russes !"
Fyodor Ivanovič Tjutčev

Il y a environ trente ans, en 1993, le politologue américain John Mearsheimer posait l'éclatement d'un conflit entre la Russie et l'Ukraine comme inévitable. "La situation, écrit-il dans Foreign Affairs, est mûre pour qu'une vive rivalité sécuritaire éclate entre les deux pays. Les grandes puissances divisées par une ligne frontalière très large et non protégée, comme celle qui sépare la Russie et l'Ukraine, entrent souvent en conflit poussées par la crainte pour leur propre sécurité. La Russie et l'Ukraine pourraient surmonter cette dynamique et apprendre à vivre ensemble en harmonie, mais une telle solution serait très inhabituelle (1).

A cette approche, basée sur un modèle "étatiste" de l'école réaliste, Samuel Huntington reproche d'ignorer le fait historique des "liens historiques, culturels et personnels étroits qui unissent la Russie et l'Ukraine et le fort degré d'assimilation mutuelle qui existe entre les populations des deux pays" [2] ; soulignant plutôt la "profonde césure culturelle qui divise l'Ukraine orthodoxe orientale et l'Ukraine uniate occidentale" [3], le théoricien du "choc des civilisations" a appelé à envisager la possibilité d'une scission du pays en deux parties, mais a jugé improbable une guerre russo-ukrainienne.

Presque simultanément, l'ancien conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski, se référant ouvertement à la célèbre formule de Sir Harold Mackinder ("Celui qui gouverne l'Europe de l'Est gouverne le cœur du monde ; celui qui gouverne le cœur du monde gouverne le monde insulaire [4] ; celui qui gouverne le monde insulaire gouverne le monde" [5]), a illustré la fonction stratégique fondamentale qu'une Ukraine séparée de la Russie pourrait jouer pour faciliter le renforcement du contrôle américain sur l'Eurasie.

"L'Ukraine, nouvel espace important sur l'échiquier eurasien", a soutenu Brzezinski dans Le Grand Échiquier, "est un pivot géopolitique parce que son existence même en tant que pays indépendant contribue à transformer la Russie. Sans l'Ukraine, la Russie cesse d'être un empire eurasien. (...) Si Moscou reprend le contrôle de l'Ukraine, avec ses cinquante-deux millions d'habitants et ses grandes ressources, ainsi que l'accès à la mer Noire, la Russie trouve automatiquement un moyen de devenir un puissant État impérial, s'étendant sur l'Europe et l'Asie" [6].

La "géostratégie pour l'Eurasie" [7], proposée par Brzezinski aux États-Unis, impliquait donc qu'il fallait à tout prix empêcher Moscou d'exercer son hégémonie sur sa sphère d'influence historique. L'Ukraine, à laquelle Brzezinski a assigné la fonction de bloquer la Russie à l'ouest et au sud, est ainsi devenue le "bouclier défensif" de l'Europe centrale (un concept réitéré dans les mêmes termes, vingt-cinq ans plus tard, par le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Conférence de Munich sur la sécurité [8]) ; une autre tâche de l'Ukraine serait de maintenir le Belarus sous un contrôle constant. Enfin, bien que Brzezinski se soit rendu compte que la Russie aurait "incomparablement plus de mal" [9] à accepter l'entrée de l'Ukraine dans l'alliance militaire hégémonisée par les États-Unis, Kiev fournirait à l'OTAN des bases militaires et lui garantirait l'accès à la mer Noire. Ainsi, avec l'affaiblissement de la Russie, l'Ukraine aurait été le canal permettant de relier le bloc occidental à la région de la Transcaucasie et lui aurait donc permis de menacer la République islamique d'Iran à bout portant.

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Le projet élaboré par Brzezinski constitue le contexte stratégique du document que l'OTAN et l'Ukraine ont elles-mêmes signé en 1997 pour formaliser leur partenariat. Dans ce document, on peut lire que "le rôle positif de l'OTAN consiste à maintenir la paix et la stabilité en Europe, à promouvoir une plus grande confiance et une plus grande transparence dans la zone euro-atlantique, et à ouvrir la coopération avec les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale, dont l'Ukraine est une partie inséparable". Plus tard, en novembre 2002, les relations entre l'OTAN et l'Ukraine seront approfondies et élargies avec l'adoption du plan d'action OTAN-Ukraine, "qui renforce les activités de réforme de l'Ukraine en vue de sa pleine intégration dans les structures de sécurité euro-atlantiques" [10].

Dans le projet géostratégique de Brzezinski, le rôle attribué à l'Ukraine s'inscrivait dans un panorama européen caractérisé par l'élargissement de l'OTAN à l'Est et l'élargissement complémentaire de l'Union européenne, "tête de pont géopolitique essentielle de l'Amérique en Eurasie"[11]. L'élargissement de l'Union européenne n'aurait donc pas dû inquiéter outre mesure la Maison Blanche, bien au contraire. "Une Europe plus grande - a assuré Brzezinski - élargira le champ de l'influence américaine (...) sans créer en même temps une Europe, si intégrée politiquement qu'elle pourrait bientôt défier les États-Unis dans des affaires géopolitiques de grande importance pour l'Amérique ailleurs dans le monde, notamment au Moyen-Orient" [12].

En offrant à l'Ukraine la perspective d'adhérer à l'Union européenne, en s'ingérant sans vergogne dans les affaires ukrainiennes pour aider les subversifs de Maïdan à transformer l'Ukraine en un pays hostile à la Russie, en apportant un soutien politique et militaire au régime issu du coup d'État, et en soutenant les initiatives anti-russes des administrations américaines, l'Union européenne et les gouvernements de certains pays européens ont activement collaboré à la consolidation de la "tête de pont démocratique" requise par le projet américain de pénétration du continent eurasien.

Enfin, après plus de 20 ans de patience, la Russie a été contrainte de réagir. Même un ancien soldat de l'OTAN, le général Marco Bertolini [13], a admis: "Les États-Unis ne se sont pas contentés de gagner la guerre froide, ils ont également voulu humilier la Russie en prenant tout ce qui se trouvait d'une certaine manière dans leur zone d'influence. La Russie a vu les États baltes, la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie entrer dans l'OTAN : face à l'Ukraine, qui lui aurait ôté toute possibilité d'accès à la mer Noire, elle a réagi" [14].

Bien avant de franchir le Rubicon, Vladimir Poutine avait averti l'Occident. Déjà en 2007, lors de la conférence annuelle sur la sécurité de Munich, il avait dénoncé le caractère agressif et provocateur de l'expansion de l'OTAN. En Bulgarie et en Roumanie, dit-il, il y a des bases américaines dites avancées avec environ cinq mille hommes chacune. Il s'avère que l'OTAN a déployé ses forces avancées en direction de nos frontières, tandis que nous, tout en continuant à remplir nos engagements en vertu du traité [15], nous ne réagissons en aucune façon. Je pense qu'il est évident que l'expansion de l'OTAN n'a rien à voir avec la modernisation de l'Alliance elle-même ou la sécurisation de l'Europe. Au contraire, elle représente un sérieux facteur de provocation qui réduit le niveau de confiance mutuelle. Et nous avons le droit de demander : contre qui cette expansion a-t-elle lieu ? Et qu'est-il advenu des déclarations faites par nos interlocuteurs occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie ? Où sont ces déclarations aujourd'hui ?" [16].

NOTES

[1] John J. Mearsheimer, "The Case for a Nuclear Deterrent", dans Foreign Affairs, n° 72, été 1993, p. 54.

[2] Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations et le nouvel ordre mondial, Garzanti, Milan 2001, pp. 38.

[3] Samuel P. Huntington, op. cit. p. 39.

[4] L'île-monde est, pour Mackinder, la masse continentale qui comprend l'Europe, l'Asie et l'Afrique.

[5] "Qui gouverne l'Europe de l'Est commande le Heartland ; qui gouverne le Heartland commande l'île-monde ; qui gouverne l'île-monde commande le monde" (H. J. Mackinder, Democratic Ideals and Reality. A Study in the Politics of Reconstruction, [1919, 1942], National Defense University, Washington 1996, p. 106.

[6] Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard. American Primacy and Its Geostrategic Imperatives, Basic Books, New York 1997, p. 46.

[7] Zbigniew Brzezinski, op. cit. p. 197.

[8] "L'Ukraine est le 'bouclier de l'Europe' contre l'armée russe. C'est ce qu'a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de la conférence sur la sécurité de Munich" (ANSA, Berlin, 19 février 2022).

[9] Zbigniew Brzezinski, op. cit. p. 121.

[10] https://www.nato.int/docu/sec-partnership/sec-partner-it.pdf

[11] Zbigniew Brzezinski, "A Geostrategy for Eurasia", Foreign Affairs, septembre-octobre 1997, p. 53.

[12] Zbigniew Brzezinski, op. cit, p. 199.

[13] Le général Marco Bertolini était, entre autres, le chef d'état-major de la "force d'extraction" de l'OTAN en République de Macédoine (ARYM) pour la récupération éventuelle des vérificateurs de l'OSCE au Kosovo.

[14] www.liberoquotidiano.it, 24 février 2022.

[15] Le Traité adapté sur les forces armées conventionnelles en Europe, signé en 1999.

[16] Discours de Vladimir Poutine à la 43e Conférence de Munich sur la sécurité, Eurasia. Journal of Geopolitical Studies, 2/2007, p. 251.

vendredi, 11 mars 2022

Pourquoi Biden voulait que Poutine attaque l'Ukraine

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Pourquoi Biden voulait que Poutine attaque l'Ukraine

Maria Scopece 

Toutes les convergences parallèles de la Russie et des États-Unis en Ukraine. Le rôle du Qatar sur le gaz à destination de l'Europe selon l'administration américaine. Et les faiblesses internes de Biden et de Poutine. Conversation entre Germano Dottori (Limes) et Lucio Martino (Institut Guarini)

SOURCE : https://www.startmag.it/mondo/ucraina-russia-usa/?fbclid=IwAR2eShy-pb385NegsS_0TTT8kXsvbNBTzUFlRIl2uAArvB5XNheqDgeB7Qc

Cui prodest la menace de guerre en Ukraine ? Au président russe Vladimir Poutine et au président américain Joe Biden. Le professeur Germano Dottori, analyste géopolitique et conseiller scientifique de la revue de géopolitique Limes, et Lucio Martino, membre de l'Institut Guarini pour les affaires publiques de l'Université John Cabot et ancien directeur de recherche au Cemiss, le Centre militaire d'études stratégiques, soutiennent la convergence parallèle des intérêts des deux dirigeants.

Dossier Ukraine

"Les objectifs de politique étrangère actuellement poursuivis par l'administration américaine sont clairement wilsoniens, l'extension et la protection de la démocratie partout dans le monde font désormais partie d'une stratégie et d'une idéologie néo-conservatrices - a souligné Lucio Martino lors d'une conversation sur la page Facebook du professeur Dottori . De plus, la politique étrangère de l'administration Biden est entre les mains de personnes comme Victoria Nuland, l'épouse de Robert Kagan, l'idéologue de l'administration de Bush fils, celui des guerres du Moyen-Orient, mais aussi comme Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale, ou Antony Blinken, le secrétaire d'État lui-même. C'est la même équipe qui a signé la politique étrangère américaine de 2003, la guerre en Irak, la question du Kosovo de 2008 et la crise ukrainienne de 2014. C'est une équipe qui a pour objectif de réduire la taille de la Fédération de Russie, de ce point de vue idéologique, il y a donc une cohérence."

Victoria Nuland et le scandale de la crise ukrainienne de 2014

Victoria Nuland est une diplomate de longue date, elle a été directrice adjointe du département des affaires soviétiques pendant la présidence Clinton et conseillère du vice-président Dick Cheney. George Bush Jr l'a nommée ambassadrice auprès de l'OTAN à Bruxelles et, sous le président Obama, elle est devenue secrétaire d'État adjointe aux affaires européennes et eurasiennes, gérant les relations diplomatiques avec les pays européens et l'OTAN. Elle a joué un rôle central dans la gestion de la crise ukrainienne en 2014, et a été au centre d'un scandale parce qu'elle a dit Fuck the EU lors d'un appel téléphonique privé avec l'ambassadeur américain en Ukraine, Geoffrey Pyatt. L'appel téléphonique a été intercepté et publié sur Youtube.

Biden et les difficultés de la politique intérieure

Environ un an après son élection, Joe Biden navigue déjà en eaux troubles. Sa cote d'approbation personnelle n'a cessé de baisser, passant de 55 % à 36 %, son retrait précipité d'Afghanistan a porté un coup à son image, l'inflation a atteint 6 % pour la première fois depuis des décennies et le déficit fédéral a atteint le chiffre record de 3000 milliards de dollars. "L'administration Biden n'a guère connu de lune de miel avec son électorat", a ajouté M. Martino. "L'inflation est la plus élevée depuis quarante ans, ce qui a même entraîné une pénurie de produits de première nécessité. C'est un pays divisé culturellement, politiquement et aussi ethniquement selon des lignes identitaires qui sont les mêmes que celles de la guerre civile d'il y a 150 ans". Dans ce contexte, le succès en politique étrangère pourrait être une porte de sortie. "L'administration Biden se tourne vers la politique étrangère pour chercher l'affirmation et le succès, ce théâtre pourrait être l'Ukraine".

Les intérêts américains au Qatar

L'une des raisons des intérêts anti-russes des États-Unis concerne le gaz qatari.  Selon Lucio Martino, les Etats-Unis voudraient "rediriger les intérêts européens loin de la Russie par le biais d'un mécanisme de sanction encore plus sévère que celui qui est actuellement en place. Je ferais le rapprochement entre la crise ukrainienne et l'accord qui vient d'être conclu avec le Qatar, qui est un autre grand producteur de gaz naturel". Le Qatar "a été élevé au rang de pays allié, presque comme s'il était membre de l'OTAN. Le grand dessein, s'il en est un poursuivi par l'administration Biden, me semble être celui-ci", a ajouté M. Martino.

Poutine cherche le succès en politique étrangère

Détourner l'attention des problèmes intérieurs vers la politique étrangère n'est pas l'apanage de l'administration américaine. "J'ai l'impression que le succès que Poutine cherche à obtenir actuellement en Ukraine est de fixer des enjeux et d'empêcher l'alliance atlantique de s'étendre davantage vers l'est, en arguant que la Fédération de Russie ne peut l'accepter, et en essayant également de montrer aux dirigeants ukrainiens actuels que la garantie de sécurité fournie par l'Occident à leur pays n'est pas si solide. Le jeu dialectique qui se joue entre les parties atteindra à un moment donné un "moment de vérité".

La guerre : une hypothèse plausible pour le déclenchement des sanctions

La guerre, selon Dottori, serait une hypothèse plausible. Mon impression est que les Américains essaient de convaincre les Russes que l'agression peut être payante", selon le conseiller scientifique de la revue Limes : "Au moment où ils font savoir au monde entier que la guerre est probable, ils en font en quelque sorte une hypothèse normale, voire acceptable, à laquelle l'opinion publique internationale est préparée, et d'autre part, en abandonnant les Ukrainiens à leur destin, ils mettent Poutine dans la position de devoir envisager une attaque facile, ou en tout cas une situation dans laquelle l'Ukraine se retrouve complètement seule".

L'attaque contre l'économie européenne

Tout cela peut entraîner d'énormes conséquences. "Si les Russes n'attaquent pas, la stratégie américaine tire un coup dans l'eau - a ajouté M. Dottori - Si les Russes attaquent et mènent une offensive même limitée, des sanctions sont déclenchées, ce qui pourrait être le véritable objectif de l'administration américaine, afin de séparer définitivement la Russie du marché européen de l'énergie et de porter en quelque sorte un coup à la solidité de l'économie européenne à un moment où l'Europe sort de la pandémie et a besoin de se relancer. La stratégie comporte de multiples objectifs dans lesquels l'Europe peut également être une cible. L'Ukraine est un jeu complexe dans lequel les Européens, les Américains et les Russes ne sont pas complètement alignés, en fait ils me semblent être en compétition les uns avec les autres.

Maria Scopece

La guerre de religion de Vladimir Poutine

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La guerre de religion de Vladimir Poutine

Vladimir Poutine a attaqué l'Ukraine animé par un dessein politico-religieux ultra-conservateur. L'autonomie de Kiev signifie également l'autocéphalie de l'Église orthodoxe ukrainienne

Andrea Molle 

Source: https://www.dissipatio.it/putin-dostoevskij-ucraina/

En Occident, nous sommes certains que Poutine a envahi l'Ukraine uniquement pour des raisons géopolitiques, stratégiques ou économiques et nous oublions un facteur fondamental de la politique russe contemporaine : la religion. C'est parce que, malheureusement, en Occident, la religion est considérée comme un élément irrationnel, ou tout au plus comme une expérience privée et en tout cas sans rapport avec la dynamique de la politique.

En réalité, on pourrait dire, à mon avis, que l'invasion est pour Poutine un acte profondément religieux. Ou plutôt une étape dans son projet de recréer un État impérial chrétien sur le modèle des anciens empires préindustriels : une entité étatique qui réunit le pouvoir temporel et spirituel, se proposant alors comme l'unique référence internationale pour ceux qui rejettent la laïcité, qu'elle soit de type néo-libéral individualiste en Occident, ou de type collectiviste socialiste en Chine. 

Le plan de Poutine s'inscrit dans un cadre contre-révolutionnaire plus complexe dans lequel les franges traditionalistes de l'orthodoxie russe, du protestantisme évangélique américain et du traditionalisme catholique convergent dans le cadre d'une unité supranationale inspirée du christianisme médiéval. Le dénominateur commun de cette agrégation est le désir de réaffirmer la pureté de la foi chrétienne en opposition au sécularisme décadent du monde occidental et au pouvoir croissant de la Chine et du monde islamique, tel qu'envisagé par Samuel Huntington.

De ce point de vue, nous pouvons également comprendre la dynamique de l'action de désinformation promue par le Kremlin ces dernières années. Si nous analysons son contenu, tant textuel que visuel (mèmes), nous pouvons mettre en évidence des lignes de tendance qui reposent largement sur le fondamentalisme chrétien. Pour cette raison, ils ont immédiatement gagné l'approbation des mouvements traditionalistes et identitaires. Au fil des ans, ils ont également alimenté l'idée que Poutine est une sorte de figure messianique, la seule entité politique capable aujourd'hui de contrer la dégradation et l'immoralité prêtées à la civilisation occidentale en la restaurant aux splendeurs d'un supposé âge d'or.

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Aux États-Unis, le nationalisme chrétien s'est incarné à la fois dans le monde subversif du suprémacisme blanc et dans le monde institutionnel du courant "théo-con" et de la soi-disant alt-right, initialement promue par Steve Bannon et qui voit aujourd'hui plusieurs représentants politiques siéger au Congrès américain. L'Europe catholique, en revanche, a posé un sérieux problème pour la réalisation de cette convergence transnationale. L'élection du pape François en 2013 s'est avérée capable d'endiguer la formation d'un axe transversal entre les deux côtés de l'Atlantique. Malgré les nombreuses tentatives faites tant par les Américains, par exemple à travers leur soutien au Brexit ou l'ouverture d'un think tank dirigé par Bannon lui-même à Rome, que par les Russes, avec les fréquents voyages en Europe du philosophe politique et représentant du courant mystique et noétique au sein de l'orthodoxie Aleksandr Gelyevich Dugin (Douguine), le projet n'a jamais vraiment pris pied sur le vieux continent. Il y a toutefois eu l'émergence d'un courant traditionaliste quantitativement important au sein de l'Église catholique, mais il n'a jamais réussi à créer une masse critique suffisante pour promouvoir un véritable schisme. C'est ici, d'ailleurs, que l'on trouve bon nombre des partisans européens de Poutine.

En Russie, grâce également à l'application des préceptes de la Quatrième théorie politique de Douguine, Poutine a réussi à promouvoir l'Église orthodoxe comme point de référence de ce mouvement, gagnant ainsi à la fois la sympathie des évangéliques américains et l'intérêt des traditionalistes européens. Ces dernières années, Poutine a vu sa popularité croître en tant que point de référence moral de ce monde. Et c'est là que se pose, à mon avis, la question ukrainienne : l'Église orthodoxe ukrainienne n'a jamais reconnu la prétention de Moscou à la primauté et c'est un sérieux problème pour Poutine, car, dans la théologie orthodoxe qu'il a embrassée, Kiev occupe religieusement la deuxième place après Jérusalem.

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Pour faire court, en 980, le prince Vladimir le Grand a unifié les actuelles Russie, Biélorussie et Ukraine en un seul royaume. Se tournant vers Constantinople, Vladimir décide de se convertir au christianisme, épousant l'une des princesses impériales et faisant passer l'ensemble du royaume sous l'égide de l'église byzantine. Dès lors, Kiev devient un centre névralgique de l'Empire byzantin, comme en témoigne sa riche architecture religieuse. C'est également pour cette raison qu'au XIIIe siècle, la ville a été soumise aux tentatives de conquête d'autres princes russes et d'envahisseurs mongols, qui ont fini par s'installer dans ce qui est aujourd'hui Moscou, donnant naissance à l'Église orthodoxe russe, qui est devenue avec le temps l'une des églises les plus riches et les plus puissantes du monde oriental. La profonde tension entre le siège patriarcal de Moscou et l'Église ukrainienne a duré jusqu'à la chute de l'URSS, lorsque cette dernière a recommencé à se tourner vers Kiev. Avec la dissolution du bloc soviétique, les tensions ethniques bien connues ont commencé, entraînant l'émergence de tendances autonomistes parmi les minorités russes, comme par exemple en Crimée et aujourd'hui dans le Donbass, pour lesquelles la religion a toujours représenté un élément fondamental de leur identité ethnique. En 2018, l'Église orthodoxe ukrainienne unifiée s'est rendue complètement indépendante de Moscou, en réactivant l'ancien siège patriarcal à Kiev avec le placet du Patriarcat œcuménique de Constantinople.

Poutine et les autorités religieuses russes ont vivement protesté et ont tenté d'imposer leur primauté en s'appropriant la figure de Vladimir le Grand, prétendant qu'il n'était pas ukrainien mais russe. La proximité de Kiev avec le patriarcat de Constantinople, qui a toujours été le sommet de l'orthodoxie et qui, au fil du temps, a adopté des positions progressistes sur diverses questions religieuses et sociales, a été considérée comme une menace directe pour le pouvoir du patriarcat de Moscou, qui aspire au contraire à devenir le symbole du conservatisme et du traditionalisme chrétien dans le monde entier.

Pour le président russe, dont la fortune politique est également due à sa capacité à faire appel aux sentiments religieux de son peuple, prendre parti contre Kiev était nécessaire pour légitimer ses propres aspirations politiques et religieuses. Vladimir Poutine a commencé à se considérer comme le véritable héritier de Vladimir le Grand, se voyant comme une sorte de Vladimir II, en mission pour reconstruire l'âme et les frontières de la Sainte Mère Russie. 

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Cela explique pourquoi l'existence même de l'Ukraine en tant qu'État indépendant et prétendant au rôle d'unificateur et de "christianisateur" des peuples russes est lue par Poutine presque comme une offense personnelle. Pour Poutine et l'Église de Moscou, l'invasion est donc devenue une partie indispensable de la croisade pour reconquérir la terre sainte de l'orthodoxie, dans laquelle Kiev figure comme une seconde Jérusalem.

Cela explique également la participation forcée de la Biélorussie au conflit. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, quand on écoute attentivement les discours de Poutine, on y trouve de nombreuses références pseudo-religieuses et eschatologiques à ce conflit. Enfin, un élément très important est la fréquence et la quasi-intimité de ses contacts passés et présents avec Israël (Jérusalem), la Turquie (Constantinople) et l'Italie (Rome) : des pays qu'il considère peut-être secrètement comme les seuls dignes d'interagir sur un pied de quasi-égalité avec la Russie, dans la mesure où ils sont les héritiers de ces mêmes empires auxquels il fait évidemment référence. En ce sens, l'Italie devrait peut-être occuper un rôle de premier plan dans les négociations, au lieu d'être éclipsée comme toujours par la France et l'Allemagne, pays envers lesquels Poutine ne cache pas un certain mépris paternaliste. 

Il est difficile de faire des prédictions sur l'avenir du conflit, mais il est certain que les sanctions fondées sur la conception de la Russie comme un acteur rationnel influencé uniquement par des facteurs économiques ne suffisent pas. Poutine voit son combat comme une croisade contre l'hérésie et la décadence morale occidentale, où la renaissance de la Russie est inspirée et approuvée par Dieu. C'est pourquoi il sera très difficile de trouver une solution à la crise avec les outils auxquels nous avons été habitués jusqu'à présent, car Poutine ne peut même pas envisager de céder ses prétentions sur l'Ukraine. 

Tout pour le pétrole: comment les Etats-Unis réhabilitent le Venezuela - Mais isoler la Russie pose problème à l'Europe!

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Tout pour le pétrole: comment les Etats-Unis réhabilitent le Venezuela

Mais isoler la Russie pose problème à l'Europe!

Eugenio Palazzini

SOURCE : https://www.ilprimatonazionale.it/esteri/tutto-petrolio-cosi-usa-riabilitano-venezuela-isolare-russia-problema-europa-226438/

La guerre en cours ouvre les portes à une série de scénarios imprévisibles et met en lumière un aspect difficile à digérer pour ceux qui ont l'habitude d'observer les dynamiques géopolitiques avec un manichéisme superficiel. En substance, on assiste à une prise de conscience générale de la complexité inhérentes aux relations internationales. Aujourd'hui, plus que jamais, elles sont liquides, elles ne sont pas ancrées dans les schémas du siècle dernier, elles sont volatiles car les bases sur lesquelles elles sont construites sont strictement contingentes. Si nous saisissons ce concept, ce qui se passe dans un pays géographiquement très éloigné du conflit en Ukraine est frappant, mais pas trop surprenant. Nous parlerons ici du Venezuela, qui, sur le papier - du moins en politique plutôt qu'en géographique - est depuis des années proche de la Russie et éloigné des États-Unis.

Le Venezuela et les États-Unis, nous nous haïssions tellement

Avec l'imposition de sanctions à l'encontre de Moscou, le gouvernement de Caracas a réagi comme prévu : il ne s'est pas aligné en pointant du doigt l'Occident. "C'est un crime ce qu'ils font contre le peuple russe, une guerre économique. Maintenant que l'Occident a sombré dans l'hystérie, le désespoir et la folie contre la Russie, nous allons maintenir nos relations commerciales avec la Russie et nous sommes prêts à leur vendre tout ce que nous pouvons", a déclaré le président vénézuélien Nicolas Maduro. Prévisible, voire trop prévisible. Et pourtant, preuve du fluide qui érode toute certitude dans les relations entre nations, samedi dernier, quelque chose a ébranlé la position de granit qu'avait prise ce pays sud-américain.

Le pétrole de mon ennemi...

Une rencontre totalement inattendue entre une délégation du gouvernement des États-Unis et le gouvernement de Caracas. Une rencontre que Maduro a qualifiée de "respectueuse, cordiale et très diplomatique". Un jargon diplomatique inhabituel pour quelqu'un qui a l'habitude d'invectiver les Américains. "J'ai estimé qu'il était très important de pouvoir parler face à face des questions qui intéressent le plus le Venezuela et le monde", a déclaré Maduro, précisant que "les pourparlers, la coordination et un agenda positif avec le gouvernement des États-Unis se poursuivront". Sur quoi exactement ? C'est le président vénézuélien lui-même qui le souligne : "Le Venezuela est prêt, une fois que le Pdvsa (géant pétrolier vénézuélien, ndlr) sera renforcé, à augmenter d'un, deux, trois millions de barils si cela est nécessaire pour la stabilité du monde".

Le déménagement américain est un problème pour l'Europe

Ce revirement soudain sur les hydrocarbures intervient au moment où Washington envisage de nouvelles sanctions contre la Russie, notamment sur le pétrole et le gaz. En conséquence, l'administration Biden semble disposée, comme l'a souligné CNN hier, à envisager un assouplissement des sanctions à l'encontre du Venezuela, afin que Caracas puisse produire davantage de pétrole et ainsi le vendre sur le marché international. La démarche américaine semble donc claire : isoler encore plus la Russie, en l'éloignant également de ses alliés historiques en Amérique du Sud. Aucune mesure concrète n'a encore été prise dans ce sens. Pourtant, selon le New York Times, les États-Unis ont promis au Venezuela la libération de prisonniers afin de parvenir à un accord visant à acculer davantage les Russes. Il s'agit d'un plan très risqué pour des raisons évidentes, difficile à mettre en œuvre et peu souhaitable pour une Europe qui se trouverait en grande difficulté sur le plan énergétique. Comme si la situation, en laquelle nous nous débattons, n'était pas déjà assez mauvaise.

Eugenio Palazzini

mercredi, 09 mars 2022

Guerre Russie-Ukraine, la Suède exclut de rejoindre l'OTAN : "Cela déstabiliserait davantage cette partie de l'Europe"

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Guerre Russie-Ukraine, la Suède exclut de rejoindre l'OTAN : "Cela déstabiliserait davantage cette partie de l'Europe"

Source: https://www.ilfattoquotidiano.it/2022/03/08/guerra-russia-ucraina-la-svezia-esclude-lingresso-nella-nato-si-destabilizzerebbe-ulteriormente-questa-parte-delleuropa/6519815/?utm_campaign=mondo&utm_medium=twitter&utm_source=twitter

Le Premier ministre social-démocrate Magdalena Andersson, à l'issue d'une réunion avec les principales forces politiques suédoises, est intervenu dans une conférence de presse pour expliquer avoir envoyé à Bruxelles un document commun pour rappeler qu'en cas d'attaque armée, les Etats membres sont tenus de fournir "soutien et assistance avec tous les moyens disponibles".

La Suède ne veut pas adhérer à l'OTAN. La raison ? Le risque de déstabilisation de l'Europe, avec des réactions possibles de la Russie. "Si la Suède décide en ce moment de poser sa candidature à l'OTAN, cela déstabiliserait encore plus notre partie de l'Europe", a déclaré le Premier ministre social-démocrate Magdalena Andersson lors d'une conférence de presse après une réunion avec les principales forces politiques suédoises.

Andersson est intervenu après que l'invasion russe de l'Ukraine ait ouvert le débat sur l'éventuelle entrée de la Suède et de la Finlande dans l'OTAN. Mais pour l'instant, Stockholm ne veut pas changer sa politique. Et, avec le gouvernement finlandais, a déclaré M. Andersson, il a envoyé un document commun à Bruxelles rappelant qu'en cas d'attaque armée, les États membres sont tenus de fournir "soutien et assistance avec tous les moyens disponibles", comme le stipule "la clause de défense commune contenue dans le traité de Lisbonne".

M. Andersson n'a pas exclu d'envoyer du matériel de guerre à l'Ukraine, même si pour l'instant la Suède préfère se concentrer sur la lutte contre les cyberattaques et le piratage informatique. L'invasion russe de l'Ukraine préoccupe beaucoup l'opinion publique des deux pays neutres où, pour la première fois depuis la naissance de l'Alliance atlantique, les sondages montrent une majorité, bien qu'à peine supérieure à 50 %, en faveur de l'adhésion à l'OTAN.

L'alliance franco-russe de Louis XVI relègue le projet de l'Union Européenne au niveau d'un bac-à-sable d'école maternelle !

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L'alliance franco-russe de Louis XVI relègue le projet de l'Union Européenne au niveau d'un bac-à-sable d'école maternelle !

Par Frédéric Andreu

La tragédie qui secoue l'Europe ne veut absolument rien dire par elle-même. Sans le recours au temps long de l'Histoire, ces images de guerre qui nous martèlent nuit et jour ne font qu'imposer leur vérité. Or, une vérité, surtout lorsqu'elle est martelée par des médias partisans, n'est pas une découverte, c'est même exactement le contraire.

Ce modeste article reflète au contraire une découverte, résultat de l'“effet puzzle” produit par l'emboitement de plusieurs pièces, alors même que les bombes pleuvent sur Kiev.

Il y a quelques années, j'avais traversé la Biélorussie à bicyclette, puis l'Ukraine du nord au sud, jusqu'à la Crimée encore territoire ukrainien. Je me souviens que le passage de la frontière avait été rendu possible par une liasse de billets glissée dans la poche du douanier. Mon voyage sur les routes défoncées s'acheva au-dessus des falaises blanches d'où s'étalait une mer magnifiquement bleue pourtant appelée “mer noire”.

Ces souvenirs de voyages, ces images, ces rencontres, se sont emboitées à une carte, à des lectures, pour se transformer en pistes intuitives.

En lisant ces lignes, vous pouvez vous demander : quels rapports entretiennent les vociférations anti-russes de Biden, la guerre en Ukraine, Louis XVI, Catherine II ? Apparemment aucun ! Et pourtant.

On peut se dire : L'Ukraine de Poutine sera-t-elle le bourbier espagnol de Napoléon ? La résistance farouche des Ukrainiens est-elle comparable à celle des résistants pendant l'occupation allemande ? Tous ces rapprochements infusent en nous des émotions, éclairent des feux, mais qui n'éclairent finalement pas grand chose. La première des choses qui compte dans l'univers des compréhensions politiques, ce sont les contraintes géographiques, ce sont elles qui déterminent aussi bien les rapports entre voisins que le mindscape des peuples qui y habitent.

Or, l'Ukraine n'est pas une péninsule comme l'Espagne, ni un “finisterre” comme la France, mais une zone de contact continental avec deux polarités, l'Occident et la Russie (voire, trois si l'on y ajoute la Turquie) à la fois différentes et complémentaires. L'axe Estonie-Ukraine est une ligne de fracture qui oppose deux géopolitiques antagonistes, la première arrimée au Etats-Unis le “Sea-power" et la seconde, au "Land-Power" incarné par l'immense Russie. Puissances de la mer et puissances et la terre, d'un côté, une Europe gagnée par l'imaginaire libéral-américain ; de l'autre, une Russie pan-continentale, siège de la “troisième Rome”. Ce sont ces deux mondes qui s'affrontent aujourd'hui en Ukraine.

Tout cela dépasse, bien sûr, les personnes et les passions. Mais il faut connaître un peu les hommes car l'Histoire est aussi faite d'imaginaire, de personnalité, de passions et d'irrationnel.

Les masses humaines, lorsqu'elles sont guidées par des élites illégitimes, se limite au niveau du bas-ventre. Les Ukrainiens se trouvent aujourd'hui devant le choix du ventre devant celui de l'âme. Ils sont partagés entre, d'un côté, la perspective d'un salaire à 150 Euros qu'implique le rattachement au grand frère russe et, de l'autre, les paillettes de l'Occident...

Le problème, c'est que la stratégie insidieuse  des Etats-Unis et de l'Otan oblige à cette alternative diabolique entre mourir à 50 ans dans une église orthodoxe ou à 75 dans un supermarché Carrefour.

Cela c'est la victoire posthume de Brzezinski, le merlin noir des élites étatsuniennes. A ce jeu-là, il n'est pas impossible que la guerre fratricide qui se déroule en Ukraine s'achève par la scission du pays de son territoire au niveau du fleuve Dniepr. L'Ukraine pays-tampon entre Europe et Russie est en train de se transformer en deux Ukraines rivales, instrument d'affrontement entre l'Occident et la Russie. Il y a une différence  majeure entre les deux scénarios qui déterminent deux géopolitiques mondiales. Le second scénario rimerait avec le martyr des minorités de part et d'autre. A la vérité, ce martyr a déjà commencé dans l'Est du pays, le Donbass. Huit ans de guerre où les villes russophones sont bombardées par un gouvernement ukrainien à la botte de l'Etat profond américain ; non par quelques obus égarés, mais par un bombardement systématique, ciblé, visant les populations civiles et non militaires.

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En d'autre terme, un nettoyage ethnique qui ne semble pas émouvoir nos bonnes âmes droits-de-l'hommistes. Au cours de mon séjour en Russie, j'avais rencontré des Ukrainiens du Donbass (ukrainiens russophones) traumatisés par les frappes, les immeubles éventrés, les enfants contraints de vivre dans des caves.

On peut comprendre, sans diplôme de géopolitique, qu'une Ukraine à couteaux tirés, arrange les affaires de Washington puisque le but des Etats-Unis est de diviser l'Europe et la Russie et pour se faire, détacher l'Ukraine de la Russie.

Le camp des “non-alignés”

Les politiques assez lucides pour refuser cette  fatalité sont nombreux à droite. On connait François Fillon, Philippe de Villiers, favorable à une “Europe de l'Altantique à l'Oural”. Mais tous ne sont pas issus des rangs de la droite. Jean-Luc Mélenchon, fervent défenseur du non-alignement, ancien député socialiste, certes, mais pas plus ni moins que ne l'était Marcel Déat avant guerre, étonne par ses positions. Les candidats patriotes de droite et de gauche veulent chasser du pouvoir la classe politique embourgeoisée et technocratique qui règne à Paris et à Bruxelles. Ces politiques, capables des pires traîtrises et des pires contre-sens historiques, déclaraient, encore hier, tous en coeur : “Avec nos sanctions, nous allons isoler la Russie !”.

Ont-ils tort ? Ces idiots utiles des Multi-nationales américaines pensent sanctionner, comme on le ferait à un mauvais élève, un “pays-continent” dont la superficie est 35 fois celle de la France, allié de surcroît de la Chine, voire de l'Inde, dont le réservoir démographique correspond à la moitié de la population mondiale ! Une super union économique basée sur l'étalon or et indépendante du dollar.

Bref, le conséquence de cette union, c'est la mort lente de l'Europe, continent déclassé, vieilli, asséché par 50 ans de planification technocratique.

L'Europe aurait alors pour seul avenir d'être un marché américain. Certes, elle l'est déjà depuis 1945 mais cette dépendance s'amplifierait de manière exponentielle. Elle distillerait le poison consumériste, le wokisme, la culpabilisation, pilules abortives des ventres et des âmes. Mais que les démographes se rassurent, l'Afrique pourra toujours suppléer au manque démographique des Européens : les populations noires déracinées pourront se déverser, toujours plus nombreuses, sur le Vieux Continent, avec la bénédiction d'un pape tiers-mondiste et des élites européennes métissolâtres.

Nul doute que ce grand remplacement de populations aidera à l'harmonie entre les peuples, fera augmenter le nombre de prix Nobel. Oui, lorsque cette classe de libéraux-traitres non élue qui dirige l'Union Européenne parle de "paix", il faut entendre : “Lgbtisme”, “pensée unique”, “matérialisme pratique”, “MacDonaldisation” de la société, autant de dissolvants de la société traditionnelle. Ces technocrates incarnent parfaitement les deux vers écrits par le poète :

“Ils refusent le halo autour des choses

Ils appellent solidarité la cohabitation”.

Avec la mise au ban de la Russie, l'Europe sera en donc “paix”, mais sans halo autour des choses, soumis au communisme libéral de l'UE à la puissance dix. Voici le contenu des mots “paix” et “démocratie” pour la génération à venir ! Voulez-vous de cette “paix” là ? Alors, dites adieu à Homère et à Pic de la Mirandole et dites bonjour au clown Mac-Do !

La “triple alliance” France-Autriche-Russie, contingence historique ou “alignement de planètes” géopolitiques ?

Les partisans d'une autre paix que celle imposée par les instances de l'OTAN savent que l'Europe a au contraire tout intérêt à s'ouvrir à cette Russie frappée de l'aigle à deux têtes, l'”empire bicéphale”, janus bifrons orient-occident et symbole de l'union des polarités grand continentales.

En effet, on ignore complétement, dans le pays qui a coupé la tête au roi, que le projet du Roi Louis XVI était non seulement d'en finir avec la rivalité Bourbon/Habsbourg, mais aussi de créer une alliance commerciale, voire plus, avec la Russie de Catherine II. Il m'a fallu tomber sur le livre de Jean Savant: Louis XVI et l'alliance russe pour en arpenter l'histoire différemment. On y apprend que l'ambassadeur français, le comte de Ségur, signa de nombreux échanges commerciaux entre Paris et St Petersbourg.

imagel16s.jpgQuant à la fameuse expédition de La Pérouse dans le Pacifique, elle fut rendu possible grâce à une alliance de facto entre la France, l'Autriche-Hongrie et la Russie. Les Russes explorent le Pacifique et installent un comptoir de pêche à Hawaï. Ils se rendent maître de l'Alaska et poussent jusqu'en Californie. Sensible à l'ouverture vers les mers, Catherine II crée une politique monde du Pacifique à la Mer Noire...

La Crimée et l'Ukraine, déjà objets de toutes les convoitises au XVIIIème siècle

On sait peu de choses du comte Louis-Philippe de Ségur sinon qu'il a été une pièce maitresse dans le projet d'alliance franco-russe. Il faut comprendre que l'histoire officielle de la France écrite après la Révolution, a cherché à faire la part belle aux Lumières et à la République. Elle a cherché a discréditer Louis XVI et la Royauté en général jusqu'à la caricature. Très peu d'études ont été consacrées à la politique de Louis XVI, sinon pour, au bas mot, la dénigrer. Nous savons donc peu de choses sur les motivations de Ségur. Nous savons cependant que Ségur accompagna Catherine II en Crimée. C'est sur les rives de la Mer Noire que Ségur aurait eut la pré-science d'une relation étroite entre la Russie, l'Autriche et la France... Nous savons qu'en France, Necker y fut opposé et retarda la projet. Des accords étaient sur le point d'être noués lorsque la Révolution, qui plongea la France dans 10 ans de guerre civile, mis brutalement un terme au projet.

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Portrait de Louis-Philippe de Ségur

A l'époque, les aristocrates russes et européens ne phosphoraient pas dans un anglais d'aéroport, de taux d'inflation et de statistiques. Ils pratiquaient l'art de la conversatio dans le Français de Molière. De quoi parlaient-ils ? De découvertes d'îles, de Nouveau Monde, de philosophie, de vin et de Belles Lettres. Le comte de Ségur, poète, jouait, paraît-il, les pièces qu'il écrivait lui-même, dans le théâtre privé de l'Impératrice...

Au-delà des anecdotes, la politique du dernier Roi Bourbon, reposa sur un tissage diplomatique de longue date qui a laissé des traces dans le vocabulaire. Les mots russes pour “bagage”, “étage”, “chauffeur”, “ambassade” sont tous des mots d'origine française. Les mots parlent d'eux-mêmes. On imagine bien que ce champs lexical (russe mais aussi suédois et autres) reflète, bien mieux que des thèses universitaires illisibles et politisées, l'intense activité diplomatique de la France des XVIIème et XVIIIème siècle.

Au fond, qu'a fait Napoléon, sinon poursuivre la politique des Bourbons ?

Même si les choses ne sont, là encore, jamais présentées comme cela, la même politique pan-continentale inspira l'Empereur des Français même si Napoléon fut - bien malgré lui - contraint de la réaliser... sur les champs de bataille.

Cherchant à nouer des alliances, Napoléon aurait sans doute épousé la grande duchesse Anna Pavlovna, la soeur du Tsar, si le camp de Talleyrand ne l'avait emporté sur celui de Cambacéres. Cependant, cherchant à créer une dynastie européenne, il épousa la nièce de Marie-Antoinette d'Autriche, imitant ainsi Louis XVI. Bien que rival des Bourbons, il aimait à rappeler qu'il était le “neveu du Louis XVI !”.

Bref, les deux tentatives françaises avortées n'empêchèrent pas la IIIème République de poursuivre des relations avec la Russie, mais le rêve d'alliance grand continental fut oublié au profit de la soumission à l'Angleterre et de l'aventure coloniale. Au lieu d'un rapprochement organique avec la Russie, ce sont des peuples africains et asiatiques qui ont été, aux cours du XIXème Siècle, la proie des exploitations honteuses de la bourgeoisie industrielle et cela, au détriment de la paysannerie française.

Le grand tremblement géopolitique déclenchée par la guerre en Ukraine oblige à revoir notre Histoire officielle. Il serait temps de ressortir des cartons ce plan d'alliance datant de Louis XVI. On s'apercevra alors que Louis XVI était loin d'être le chef d'Etat poussif décrit par la propagande républicaine. En réalité, ce roi si dénigré relègue le petit projet néolibéral de l'UE à un bac-à-sable d'école maternelle. Pourquoi ? Tout simplement parce que cette grande politique est inscrite dans le destin de la France, à la fois géographiquement, politiquement et aussi spirituellement. Oui, il ne s'agit pas seulement d'échanges économiques, il s'agit de faire passer l'oxygène du poumon gauche (l'Europe) au poumon droit (la Russie) et vice-versa. Deux mondes différents et organiquement complémentaires qu'un demi-siècle de guerre froide ont rendus incompréhensibles. Ce projet est d'ailleurs inscrit dans la géographie car, lorsqu'on ouvre une carte, on s'aperçoit que la France commence le Grand Continent et que la Russie, le termine. Louis XVI, catholique pratiquant et Catherine II, impératrice d'origine allemande, n'ignoraient rien de cette géopolitique. Cherchant à s'extirper du rapprochement anglo-prussien, Catherine qualifie la France de “nation privilégier de la Russie”. Louis XVI parlera à cet endroit de “politique naturelle”. Les acteurs politiques de cette époque n'étaient pas de vulgaires technocrates interchangeables, ils incarnaient aussi et surtout des principes cosmiques reliant la terre et les peuples.

Des révolutions très opportunes...

Cette voie pan-continentale reliant la France à la Russie a pu émerger ici ou là dans le cours méandreux de l'Histoire. Nous avons ciblé ici les accords qui précédèrent de quelques mois la Révolution Française. Mais il y a une différence entre des accords conjoncturels et un tropisme géopolitique profond, or, l'alliance franco-russe et ceux qui s'y opposent, oppose également la puissance de la terre à la puissance de la mer. La seule fois où elle fut en voie de réalisation concrète c'est au cours de l'année 1788, début 1789, mais ô surprise, une révolution éclata à Versailles qui allait renverser le roi... Au lendemain de la prise de la Bastille, élément rhétorique du coup d'Etat libéral téléguidée par les ennemis de la France, Catherine II coupa toute relation avec la France.

La seconde fois dans l'Histoire où une coalition d'alliance franco-russe aurait pu se réalisé, c'est dans les années qui précèdent la première guerre mondiale mais la révolution bolchevique de 1917 en décida autrement. La troisième fois, dans les années 2012 / 2015, un scénario similaire se produisit. Vladimir Poutine, conseillé par son merlin en politique, Alexandre Douguine, inspira cette politique de rapprochement ; des pipelines de gaz allaient été construits, des liens diplomatiques, renforcés, mais une autre révolution éclata. Non pas à Paris ni à Moscou, mais à Kiev. La révolution dite de Maïdan.

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Fomentée par un gouvernement ukrainien pro-américain et par un étrange conglomérat composé de néo-nazis auto-proclamés et de sionistes activistes, la révolution “orange” présentée dans les mass-média occidentaux comme une révolution populaire et spontanée, reste en réalité mal connue. Elle mériterait une étude approfondie.

Retenons simplement la coïncidence troublante entre les projets d'alliance et ces révolutions – toujours téléguidées de l'extérieur - qui éclatent presque toujours au moment où une alliance constructive va être scellée... Alors que les planètes semblaient alignées une nouvelle fois pour une alliance trans-continentale qui auraient pu renverser le nouvel ordre mondial, Maïdan fait en effet figure d'une enième révolution “de couleur”.

Aujourd'hui, l'Ukraine subit une guerre téléguidée par des puissances étrangères, une sale guerre où résonne plus que jamais les mots de Paul Valéry : “La guerre, c'est le massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent et ne  se massacrent pas”. Notre article peut aider à montrer les enjeux géopolitiques énormes qui s'y déroulent visant l'isolement de la Russie, enjeux que ne montrent ni les caméras ni les commentaires à chaud, de part et d'autre.

Et si le rêve pan-continental pouvait encore inspirer l'avenir ?

Si le vieux rêve du dernier roi capétien et de l'Empire Français reprenait vie dans le moment dramatique que traverse aujourd'hui l'Europe, par un socialiste franc-maçon d'inspiration révolutionnaire ? Alors, Jean-Luc Mélenchon, ou un autre candidat qui réaliserait ce dessein, resterait dans l'Histoire d'abord et avant tout comme Français !

Contact : fredericandreu@yahoo.fr

lundi, 07 mars 2022

La guerre mondiale à l'Est

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Stefan Schubert

La guerre mondiale à l'Est

Ex: https://kopp-report.de/der-weltkrieg-im-osten/

D'un point de vue purement militaire, la guerre en Ukraine est un conflit militairement limité, comme on le dit sobrement dans le jargon militaire. Mais les sanctions ont pris une telle ampleur et une telle dynamique que leurs effets s'apparentent à une bombe atomique économique. La destruction totale de l'économie russe est désormais l'objectif ouvertement revendiqué par l'Occident. Mais cette bataille finale comporte des risques considérables, tant pour la puissance économique allemande que pour la situation militaire à l'Est. Ce n'est rien de moins que jouer avec le feu, car personne n'est en mesure de prédire comment un Vladimir Poutine ébranlé et acculé va réagir.

La plus haute fonctionnaire de l'UE, Ursula von der Leyen, qui n'a pas été élue à ce poste mais qui doit son pouvoir uniquement à ceux qui tirent les ficelles dans les coulisses, est en mode guerre depuis plusieurs jours. Cela surprend beaucoup l'observateur objectif, car pas un seul coup de feu n'a été tiré sur un pays membre de l'UE. Ce qui est encore plus déconcertant, c'est la motivation de von der Leyen pour faire avancer le "mode guerre" au sein de l'UE.

Une telle volonté d'action de sa part a non seulement manqué à tous les soldats de la Bundeswehr pendant son mandat de ministre de la Défense, et c'est exactement le contraire qui s'est produit.

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Lors d'entretiens personnels, des officiers d'élite ou haut gradés la caractérisaient comme la "fossoyeuse" de la troupe en raison de son action qui fut quasiment destructrice. Comme elle a été intronisée par Angela Merkel, qui a représenté la déstabilisation de l'Allemagne comme aucun autre chancelier, la boucle est bouclée. Von der Leyen parle désormais ouvertement de la destruction de la base économique de la Russie. De tels fantasmes de destruction contre les 145 millions d'habitants du grand pays de l'Est ont une connotation plus que déconcertante au regard de l'histoire commune du siècle dernier.

Il faudrait plusieurs pages pour simplement énumérer les innombrables sanctions contre la Russie : l'exclusion des banques russes de SWIFT s'est accompagnée de la privation des Russes d'une grande partie de leurs propres réserves d'or et de devises, d'une valeur de plus de 600 milliards de dollars. La FIFA, l'UEFA et le Comité olympique ont exclu des athlètes et des équipes russes, et une chasse publique aux milliardaires russes, les oligarques, a été lancée. Ils ne sont pas accusés d'avoir participé à la guerre en Ukraine, mais seulement d'être "proches" de Poutine.

Le vieil homme blanc américain Joe Biden, dans son premier discours sur l'état de l'Union, a lancé à la face des milliardaires russes, et sans doute à celle de Poutine lui-même, la déclaration de guerre suivante : "Nous allons prendre vos yachts, vos appartements de luxe et vos jets privés".

Malgré tout son zèle, l'Occident, qui se pose comme si moralement supérieur, semble, ces jours-ci, ne plus accorder aucune importance aux bases juridiques de ces expropriations et confiscations. La classe supérieure russe doit désormais se trouver dans la quasi impossibilité de séjourner en Europe et en Amérique à cause des sanctions et du durcissement de la politique des visas. Roman Abramovitch, entre autres - qui est encore propriétaire du club de football londonien FC Chelsea, serait en train d'essayer de vendre sa villa de 180 millions d'euros et son penthouse londonien de trois étages pour 26 millions de livres.

Le message de l'UE et des Américains pour les oligarques s'assène à coups de maillet. Ceux qui sont avec Poutine, même s'ils sont neutres, ne pourront ni gagner ni investir de l'argent en Occident, et même les longues vacances en yacht sur la Côte d'Azur tomberont à l'eau. Mais le véritable message de ce message va bien au-delà des projets de vacances, car il met en œuvre un appel direct au coup d'État contre Poutine. Ce n'est que si les milliardaires russes s'opposent ouvertement à Poutine et participent à un changement de régime, sous quelque forme que ce soit, qu'il y aura un avenir pour eux et leurs enfants en Occident. Cette déclaration de guerre de l'Occident va créer un front mondial qui risque d'entraîner la nouvelle puissance mondiale, la Chine, dans le conflit. En effet, la Chine s'est jusqu'à présent exprimée de manière pro-russe et pourrait atténuer bon nombre des sanctions imposées par l'Occident. Au plus tard dans ce cas, le conflit ukrainien se transformerait en une guerre économique mondiale.

Les Russes sont les nouveaux non vaccinés

Bien entendu, nous compatissons avec les Ukrainiens et ils ont besoin de notre aide. L'armée russe a envahi le pays sur ordre de Poutine. Point final. L'expansionnisme de l'OTAN vers l'Est a certes pu être l'un des déclencheurs, mais il ne justifie pas la guerre contre le pays voisin. Surtout maintenant, alors que la stratégie militaire risque de changer. La guerre éclair s'étant enlisée, le nombre de victimes dans les villes risque désormais d'être élevé. Les chars, les tirs de missiles et les attaques aériennes menacent de détruire les centres-villes et les infrastructures.

Mais, malgré toutes les critiques, qu'y peuvent les plus de 3 millions de personnes d'origine russe qui vivent en Allemagne ? L'incitation de certains groupes de la population contre d'autres, qui, eux, seraient bien ciblés par la politique et les médias contrairement à certains, tient la république en otage depuis des années déjà et la polarise. Les effets de cette incitation de masse frappent maintenant les Russes en Allemagne.

Les réseaux sociaux montrent un petit supermarché russe dans la Ruhr dont les vitrines ont été brisées et dont la façade a été recouverte de peinture blanche. Un restaurateur allemand a immédiatement déclaré que toutes les personnes ayant un passeport russe étaient des personnes indésirables qu'il refusait de servir. Même les jeunes enfants ne sont pas épargnés par cette société civile qui se targue d'être si tolérante. Sur les réseaux sociaux, une vidéo devient virale : un père tente de parler à une enseignante de son fils qui est rentré à la maison perturbé. L'enseignante, qui serait une de ces auxiliaires qui aident les élèves à faire leurs devoirs, cela n'est pas clairement établi, avait forcé le garçon à enlever sa veste préférée, car il s'agissait d'une veste de l'équipe olympique russe.

La bien-pensante, dûment idéologisée, a alors prononcé la phraséologie typique de ces derniers jours, celle qui évoque la "solidarité" avec l'Ukraine et autres. Nous en sommes arrivés là dans ce que nos dirigeants et nos idéologues appellent "la meilleure Allemagne de tous les temps".

dimanche, 06 mars 2022

La revue de presse de CD - 06 mars 2022

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La revue de presse de CD

06 mars 2022

EN VEDETTE

La chaîne russe RT France fermée sans procès : une décision qui fait peur

« Cette chaîne n’est pas disponible dans votre pays ». Le message s’affiche désormais en blanc sur fond de bandeau rouge sur le site de RT France, la déclinaison française de la chaîne russe Russia Today. Après Facebook et Instagram lundi soir, YouTube a à son tour bloqué mardi le flux vidéo des médias russes Russia Today (RT France) et Sputnik. Une décision « avec effet immédiat » justifiée par Youtube auprès de l’AFP par « la guerre en cours en Ukraine ». Selon Russia Today, contactée par BV ce 1er mars vers 16h45, la chaîne fonctionnait toujours sur Twitter et continuait à émettre sur Free, CanalSat et Molotov.

Bvoltaire.fr

https://www.bvoltaire.fr/la-chaine-russe-rt-france-fermee...

DÉSINFORMATION/CORRUPTION

« Devant les sénateurs : saint Xavier, comédien et martyr », par Aude Lancelin

Le jeudi 18 février dernier, c’était au tour de Xavier Niel, patron du groupe Le Monde, d’être auditionné au Sénat dans le cadre de la commission d’enquête visant à évaluer l’impact de la concentration des médias en France sur la démocratie. Beaucoup de mensonges, de storytelling et de bluff, qui ne laisse rien augurer de bon quant à l’issue d’une commission où les grands oligarques français de l’information auront été approximativement interrogés et constamment ménagés

QG.media

https://qg.media/2022/02/21/devant-les-senateurs-saint-xa...  

« Le Seigneur des anneaux » d’Amazon souille le chef-d’œuvre de Tolkien

La plus grande menace de la Terre du Milieu et du monde du Seigneur des anneaux n’est plus Sauron ou Morgoth, mais les wokes. 

contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2022/03/05/422688-le-seigneu...

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Le Media Development Investment Fund : arme financière des réseaux d’influence médiatique de George Soros

Anciennement “Media Développement Loan Fund” de 1995 à 2013, le Media Development Investment Fund (MDIF) est destiné à soutenir financièrement « les entreprises indépendantes du secteur des médias et de l’information opérant dans des environnements difficiles, surtout dans les pays ayant un passé en matière d’oppression de la presse ».

ojim.fr

https://www.ojim.fr/media-development-investment-fund-geo...

ÉCOLOGIE

Agriculture européenne : Farm to Fork ou N’importe Quoi

Le volet agriculture et alimentation du « green deal » connu sous le nom de stratégie « Farm to Fork » est une catastrophe qui va fragiliser encore plus l’Europe.

Contrepoint.org

https://www.contrepoints.org/2022/03/05/422765-agricultur...

5 démentis sur l’utilité des éoliennes en mer ou sur terre

Voici cinq arguments faux sur les éoliennes en mer ou sur terre.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2022/03/03/422640-5-dementis...

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ÉTATS-UNIS

Afrique de l’Ouest : Quand les protégés des États-Unis multiplient les coups d’État

Neuf protégés des États-Unis ont renversé des gouvernements depuis 2008, dont l’un la semaine dernière. Pendant ce temps, les attaques extrémistes ont augmenté de 70 %.

Les-crises.fr

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Brève analyse de la politique étrangère américaine

« Mais je soutiens que les crimes commis par les États-Unis durant cette même période [depuis 1945] n’ont été que superficiellement rapportés, encore moins documentés, encore moins reconnus, encore moins identifiés à des crimes tout courts. » Harold Pinter, Prix Nobel de la paix 2005.

Breizh-info.com

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FRANCE

Médecins étrangers en France : le scandale continue

L’annonce a fait peu de bruit, mais l’information est d’importance : 1 200 médecins algériens vont bientôt arriver en France pour y exercer leur activité professionnelle. Le gouvernement français favorise ainsi le départ de professionnels qualifiés du Maghreb, sans résoudre pour autant en profondeur le problème récurrent du manque de médecins qui sévit dans notre pays depuis plusieurs années. Pire, il crée d’autres problèmes dans les pays d’origine des professionnels de soins qui arrivent en France.

Polémia

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GAFAM

Une société américaine de surveillance affirme que l'iCloud d'Apple est un atout "phénoménal" pour les forces de l'ordre

Lors d'une présentation non publique, un représentant de la société américaine de surveillance PenLink a fait l'éloge de l'iCloud d'Apple, le qualifiant de "phénoménal". Certes, Apple ne déverrouille pas les iPhone à la demande des forces de l'ordre, mais leurs sauvegardes dans l'iCloud sont remises après l'obtention d'un mandat de perquisition. Ainsi, l'iCloud d'Apple permettrait de consulter les iPhone et de demander l'emplacement exact de suspects via Google et Facebook. Les messages WhatsApp pourraient également être lus via les sauvegardes - pour autant que ceux-ci ne soient pas chiffrés

Developpez.com

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La tech française dans la guerre des données

Nouvelle bataille entre les États-Unis et l’Europe quant à la gestion des données personnelles. Cette fois-ci, c’est Facebook qui lance l’offensive, ouvrant un risque majeur pour les entreprises européennes. 

revueconflits.com

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L'esclavage numérique et la fin de l'enseignement

Le monde de l'éducation a été totalement happé par l'engouement pour la numérisation. A l'occasion de la pandémie, le GAFAM s'est frotté les mains. De manière anarchique d'abord, puis, formellement ou non, de concert avec les administrations, les géants technologiques ont profité du choc pandémique (la "Shock Doctrine" de Naomi Klein s'applique ici à la perfection) pour usurper les fonctions pédagogiques qui n'appartiennent qu'aux parents, aux instituteurs et aux professeurs.

euro-synergies

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GÉOPOLITIQUE

Souveraineté alimentaire et développement durable, entretien avec Thierry Pouch

La forte hausse des prix de l’alimentation a fait prendre conscience de l’enjeu de la souveraineté alimentaire. Méthodes de production, intrants et produits chimiques, maitrise des flux commerciaux, les enjeux alimentaires sont immenses, d’autant que la demande de nourriture est croissante. Entretien avec Thierry Pouch, membre de l’Académie d’Agriculture de France, pour mieux en saisir les enjeux.

Revueconflits.com

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LECTURE

« Les infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l’État », de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre. Allary Éditions, 2022

Présentation :

« C’est l’histoire d’un putsch progressif, presque rampant, sans effusion de sang mais qui, de l’intérieur, a changé la France. Depuis vingt ans, les consultants se sont installés au cœur de l’État. Gestion de la pandémie et de l’hôpital, stratégie militaire, numérisation de nos services publics… : les cabinets de conseil, pour la plupart anglo-saxons, sont à la manœuvre dans tous les ministères. On les retrouve même au cœur de nos services de renseignements. […] Ce livre relate ce suicide assisté. » (extrait de la 4e de couverture)

Auteurs :

Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre sont grands reporters à l’Obs. Le premier à notamment participer à l’excellent témoignage de Frédéric Pierucci, « Le piège américain : l’otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique raconte » (JC Lattès, 2019) sur l’affaire Alstom.

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Extraits :

« Les responsables de la santé publique parlent entre eux du ‘’paradoxe du serpent’’. Ou comment l’État paie deux fois. La première pour que des cabinets l’incitent à rogner les budgets, la seconde pour que ces mêmes cabinets l’aident à suppléer les carences qu’ils ont eux-mêmes contribué à organiser ».

« Les consultants américains sont les héritiers du taylorisme. Dans les années 1980, ils vont appliquer la même ‘’organisation scientifique du travail’’ à la démanteler à coups de privatisations, et transforment les fonctionnaires, du moins ceux qui ont échappé à la purge, en ouvriers de bout de chaîne, privés d’autonomie et soumis à des reportings permanents. »

« A la fin des années 2010, McKinsey a été mis en cause par la justice américaine pour avoir joué un rôle, au travers de ses conseils aux grands laboratoires, dans la surprescription de médicaments à base d’opiacés, qui a coûté la vie à 500 000 personnes aux Êtats-Unis. En février 2021, McKinsey a accepté de verser 573 millions de dollars pour éteindre les poursuites. »

« En 2007, le maître d’œuvre de la RGPP [La révision générale des politiques publiques] s’appelle Éric Woerth. Personne ou presque ne le note à l’époque, mais avant d’exercer en politique, il a travaillé pendant vingt ans dans le conseil : chez Bossard Consultants, précurseur français de la diffusion du New Public Management, puis chez le géant de l’audit Arthur Andersen. »

« ‘’Emmanuel Macron ? C’est l’idole des consultants ! Tout simplement parce qu’il est comme eux.’’ Alain Minc nous livre ce diagnostic en octobre 2021, lorsque nous l’interrogeons sur le rapport singulier du chef de l’État avec les ‘’infiltrés’’ » 

« Les cabinets, en investissant la bataille des idées, incitent leurs clients (privés ou publics) à acheter leurs prestations. Ce n’est jamais dit comme ça évidement. La ‘’com’’ des consultants est plus subtiles. Mais le ‘’diagnostic-vente’’ revient à être juge et partie. Et si pour la présidentielles 2022, ils affichent ouvertement leur programme, en réalité, cela fait longtemps qu’ils labourent le terrain, y compris auprès de la fine fleur des économistes. »

« Henri Verdier, qui était le directeur interministériel du numérique jusqu’en 2018, est bien placé pour le savoir. Il n’a cessé d’entendre au sein de ses équipes : ‘’Nous avons deux soucis, les GAFAM et les CASSOS’’. Soit d’un côté les Américains Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft et de l’autre les Français Capgemini, Atos, Sopra Steria, Orange, et SIA Partner. Les CASSOS, donc. Un vilain sigle pour ces entreprises florissantes. ‘’Sans elles, l’État ne sait plus faire’’, reconnaît cependant Henri Verdier, normalien et ex-créateur de start-up. L’État est devenu accro : il a pris l’habitude de se retrouver au consulting informatique sans songer à former ses propres experts. »

« ‘’On a créé des tas d’échelons intermédiaires (l’unité, le pôle, le groupe hospitalier) qui ont chacun leurs tableaux Excel pour suivre de soi-disant indicateurs de qualité. Mais les tableaux donnent une vision virtuelle de l’hôpital, pas une vision réelle’’, constate de son côté le professeur André Grimaldi, qui s’inquiète encore pour l’avenir : ‘’Cette organisation en chaîne de production a fini par dégrader la qualité des soins, en poussant les médecins à délaisser ce qui ne peut pas être valorisé par les indicateurs’’. […] ‘’Ce qui était vendu comme un indicateur de qualité était en fait un indicateur de productivité’’, raconte le chercheur Nicolas Belorgey. »

« La montée en puissance du consulting est en effet concomitante de la déresponsabilisation progressive du personnel politique, paniqué à l’idée de devoir rendre des comptes jusque devant un tribunal. Une dérive que la Cour des comptes dénonçait, dès 2014, jugeant très ‘’contestable (…) l’utilisation des consultants comme cautions techniques des décisions de l’Administration, parfois en doublons avec des avis internes, avec pour objectif ou conséquence une dilution de la responsabilité des décideurs publics.’’ »

« La priorité consiste à stopper un processus de privatisation larvée afin de bâtir un futur commun. Ministres et hauts fonctionnaires doivent en urgence se ‘’désintoxiquer’’ du consulting, réapprendre à penser par eux-mêmes, et cesser d’être les faire-valoir des grands cabinets américains. C’st au prix de cet effort qu’ils redeviendront ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être, d’authentiques responsables politiques. A l’heure où nous terminons ce livre, alors que la campagne présidentielle bat son plein, les consultants sont déjà à la manœuvre. Frédéric Lemoine – huit ans chez Capgemini puis chez McKinsey – s’est vu charger par Valérie Pécresse de penser son programme. Et c’est à une autre ancienne de McKinsey, Marguerite Cazeneuve, qu’Emmanuel Macron a confié le soin de réfléchir à sa future réforme des retraites. Cela pose une question cruciale ! qui décide de notre avenir et du périmètre d’action de notre État ? »

PROCHE ORIENT

L’apartheid d’Israël contre les Palestiniens : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité

L’apartheid d’Israël contre les Palestiniens : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité.

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RUSSIE

L’eau. L’autre enjeu de la guerre en Ukraine. Entretien avec Franck Galland

L’eau potable, comme la question des vivres, est un sujet primordial, bien que souvent négligé dans l’analyse des conflits armés. Cette ressource qui nous paraît si abondante et facile d’accès dans le monde occidental n’est pas une réalité pour tous. Ce sont des défis auxquels les stratèges Russes comme Ukrainiens vont devoir résoudre tout au long de cette guerre. Décryptage avec Franck Galland, spécialiste des questions sécuritaires liées aux ressources en eau.

Revueconflits.com

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SANTÉ/MENSONGES/LIBERTÉ

Pendant que l’Ukraine flambe, le puçage des populations continue

On ne sait pas comment s’achèvera le triste cirque ukrainien, mais rien ne semble vouloir arrêter l’asservissement des peuples. On détourne notre attention avec l’incohérence crasse maintenant habituelle (on veut la liberté des Ukrainiens mais on est farouchement contre celle des Français, non vaccinés, pas assez pucés-passés-QRCodisé, par exemple), mais c’est malheureusement pour mieux laisser toutes les autorités occidentales fabriquer nos propres chaînes, placer nos propres barreaux à la prison que nous nous construisons avec application.

Contrepoints.org

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samedi, 05 mars 2022

Comment les sanctions accélèrent le Reset et la débâcle occidentale

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Comment les sanctions accélèrent le Reset et la débâcle occidentale

par Nicolas Bonnal

J’ai demandé récemment si on vivait le Grand Reset ou simplement le grand épisode apocalyptique occidental : fin des énergies fossiles, fin de l’ère industrielle et bon écroulement de la cité Potemkine euro-américaine bâtie sur une montagne de dettes. La guerre de Poutine accélère cette formidable déglingue que certains ont prophétisé. Et comme il m’arrive d’être optimiste, je dirais qu’il semble difficile d’établir une dictature totalitaire et numérique dans le cadre d’un effondrement énergétique et systémique. On le peut après une guerre civile mais je ne vois pas nos brillantes élites la gagner cette guerre.

Le litre d’essence est à 2.13 euros, les 1000 m3 de gaz à 2500 dollars. On n’est qu’au début. Dirigé par des Trudeau, des Macron et des Biden, l’Occident est mal parti. Militairement il est nul (voyez mon texte sur Buchanan) et cela se savait en haut lieu. Cela se sait en tout lieu maintenant. Même Zelenski le dit ! Il n’avait pas vu la défaite face à l’Iran, la défaite au Yémen, en Syrie et leur retraite de ‘roussie’ en Afghanistan ? Bureaucratie odieuse destinée à plumer le contribuable l’OTAN n’est pas là pour se battre : tout au plus peut-il par son incompétence et sa chutzpah déclencher la Fin du Monde.

Restent la chasse aux chefs d’orchestre et la guerre hybride – qui n’est pas très brillante intellectuellement  (souvenez-vous des frites rebaptisées  Freedom fries pendant la très utile et morale guerre contre l’Irak). Patrick Armstrong repris par Bruno Bertez écrit à ce sujet :

« Pour l’Occident, tel qu’il a été, c’est fini. La confusion, les conneries, la vantardise, l’hystérie, les interdictions : l’Occident n’a plus rien dans sa besace. Verser de la vodka russe dans les toilettes, virer un chanteur et réalisateur, changer le nom d’une boisson ou d’une salade, interdire les chats ou les arbres, sanctionner un ploutocrate russe et voler son yacht, porter un t-shirt bleu et jaune. Pathétique. »

Il reste les sanctions, les goulues et jouissives sanctions, les érotomanes sanctions ; qui vont nous faire encore plus mal qu’à la Russie. Pourquoi ? « Les Occidentaux ne se tirent plus de balles dans le pied mais dans la tête » disait Charles Gave à Bercoff.  On rappellera que nous vivons dans une idiocratie et ce dans tous les pays occidentaux. Pepe Escobar écrit lui sur notre présent effondrement industriel :

 « …L'Allemagne et d'autres pays n'ont pas commencé à ressentir la douleur de la privation de gaz, de minéraux et de nourriture. CELA va être le vrai jeu…jusqu'à 60 % des industries manufacturières allemandes et 70 % des industries italiennes pourraient être contraintes de fermer définitivement, avec des conséquences sociales catastrophiques. La machine européenne ultra-kafkaïenne non élue à Bruxelles a choisi de commettre un triple hara-kiri en se présentant comme des vassaux abjects de l'Empire, en détruisant toutes les impulsions de souveraineté française et allemande restantes et en imposant l'aliénation de la Russie et de la Chine. »

L’Occident anglo-saxon en est réduit comme à ses débuts (cf. Keynes) à la piraterie (on vole l’or, l’argent, les yachts, tout ce qui traîne).

Mais Patrick Armstrong ajoute :

« Le judo consiste à tromper et à utiliser la force de l’adversaire contre lui. Poutine, le judoka, a poussé l’Occident au suicide. Il a dévoilé ce qui n’était pas compris : Mettez votre argent dans nos banques, nous pouvons le confisquer ; placez vos actifs sur notre territoire, nous pouvons les voler ; utiliser notre argent et nous pouvons l’annuler ; mettez votre yacht dans notre port, nous pouvons le pirater; Mettez votre or dans notre coffre, nous pouvons le saisir. »

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Les conséquences sont claires avec la méfiance de tous les pays émergents (c’est le retour de Bandoeng ou du communisme nationaliste de décolonisation) et fin rapide du SWIFT :

« C’est une leçon qui retentira dans le monde entier. Une illustration nue que « l’ordre international fondé sur des règles » est simplement une fiction: nous élaborons les règles et vous ordonnons de leur obéir. Dans 2 ou 3 semaines, tout le monde dans le monde qui est sur la liste des cibles potentielles de l’Occident aura déplacé ses actifs hors de portée de l’Occident. Xi se permettra un petit sourire. »

Et Armstrong de conclure :

« Quant aux sanctions occidentales contre la Russie, je pense qu’il y a une réponse très simple à cela : la semaine dernière, 1000 mètres cubes de gaz coûtaient 1000 $ ; aujourd’hui , c’est plus du double. La semaine prochaine, ce ne sera certainement pas moins cher. 

Idem pour l’aluminium, la potasse, le titane, le blé. Les compagnies aériennes russes louent leurs avions. Maintenant quoi? Les moteurs-fusées sont russes. Ce que les Occidentaux ne comprennent pas, c’est que le rouble est la monnaie que les Russes utilisent à l’intérieur du pays, mais que le prix du pétrole et du gaz est la monnaie russe à l’extérieur du pays. Je suis stupéfait de la stupidité : ils se coupent la gorge et détruisent leurs propres économies. »

Autrement dit pour nos énarques à la Trissotin : les sanctions ne renforcent pas les Russes ; elles les enrichissent. Et Poutine finance ainsi ses opérations. Les menaces démentes de Biden contre l’Inde et le reste du monde ne risquent pas d’accroître la confiance dans ce système américain qui peut à tout moment voler sa clientèle.

Comme on le sait, les Russes ont des problèmes avec leurs banques, avec Apple, avec Facebook, avec Google, les GAFAM étant la dernière émanation impériale destinée à nous tourmenter plus que les Russes ou les Chinois. Mais rien qui ne puisse être réglé promptement (voir l’article de Karine Bechet-Golovko à ce sujet), et celui de Pepe Escobar sur la doctrine Glaziev (couper les ponts avec l’Occident, et passer à l’étalon-or).

Il reste à ces élites mondialistes à se venger sur leur troupeau, ce qui semble facile vu le degré de soumission ou de conditionnement de ces populations accoutumées à être conditionnées et maltraitées. On pourrait avoir la confiscation de l’argent, la fin du gaz et de toute électricité, la fin des usines (déjà arrêtées en Allemagne), bref le Grand Reset de Schwab ou le plan Morgenthau, le célèbre banquier de Roosevelt qui voulait réduire de moitié la population allemande.

Sources :

https://thesaker.is/how-russia-will-counterpunch-the-u-s-...

https://brunobertez.com/2022/03/04/russia-observer-tactiq...

https://brunobertez.com/2022/03/03/larme-de-lor-le-verita...

https://russiepolitics.blogspot.com/2022/03/premiere-vict...

https://reseauinternational.net/buchanan-et-le-grand-effo...

https://reseauinternational.net/du-grand-reset-a-la-grand...

https://reseauinternational.net/guerre-du-gaz-leurope-pre...

Entre guerre et pandémie, pourquoi la mondialisation commence à s'effriter

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Entre guerre et pandémie, pourquoi la mondialisation commence à s'effriter

Francesca Salvatore

Source: https://it.insideover.com/economia/guerra-e-pandemia-perche-la-globalizzazione-inizia-a-sgretolarsi.html

Lorsque la pandémie a éclaté, le syndrome des rayons vides a démontré deux choses : les effets dévastateurs d'une psychose collective (les supermarchés n'ont jamais fermé un seul jour) et la mesure dans laquelle certaines entraves du village planétaire avaient mis en échec producteurs et consommateurs, en particulier dans le secteur alimentaire, un réseau complexe d'interactions impliquant les agriculteurs, les intrants agricoles, les usines de transformation, le transport maritime, les détaillants. Pendant des décennies, les gouvernements n'ont pas fait grand-chose pour protéger les petites exploitations agricoles et les producteurs de denrées alimentaires qui ont été évincés par ces géants commerciaux, générant des aberrations telles que Singapour, qui importe 90 % de ses denrées alimentaires de l'étranger, ou la très avancée Australie, qui exporte environ deux tiers de ses produits agricoles vers la turbulente région Asie-Pacifique.

Avertissements sinistres

La crise des équipements de protection individuelle avait également créé de véritables vagues de panique : au début de l'urgence, plusieurs pays du monde ont littéralement combattu le Covid à mains nues dans les unités de soins intensifs. A cela s'ajoute un épisode singulier, qui a accentué ces craintes, pendant la phase encore aiguë de la pandémie : le cargo taïwanais Ever Given, naviguant vers le port de Rotterdam, en Hollande, en provenance de Yantian, en Chine s'est échoué au nord du port de Suez en mars dernier, générant un incroyable effet domino quant aux produits avariés, aux coûts et aux livraisons manquées.

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Bloomberg a estimé que le blocage du canal de Suez, par lequel passent 12 % des marchandises mondiales et 30 % du trafic de conteneurs expédiés par voie maritime, a créé une perte économique d'au moins 9,6 milliards de dollars par jour, en raison de la non-livraison des marchandises à bord des navires bloqués dans le canal et de celles qui attendent dans les ports. Les marchandises arrimées dans les navires bloqués par le canal valaient à elles seules environ 8,1 milliards de dollars, selon la LLoyd's List.

L'affaire ukrainienne n'est pas loin du croquemitaine des blocages maritimes et des frontières fermées, et avec eux des chaînes d'approvisionnement. Ce qui est remis en question, ce n'est pas la mondialisation culturelle et technologique, qui nous permet de vivre avec les conflits et permet aux êtres humains de communiquer en temps réel, mais le système que le village global a développé autour de la production de nourriture, d'objets, et de l'empreinte énergétique de nos sociétés. La question fondamentale est de savoir pourquoi les aliments qui nous nourrissent chaque jour doivent parcourir jusqu'à 10.000 km pour arriver dans nos assiettes ; pourquoi, si l'industrie des micropuces tombe en panne à l'autre bout du monde, nous ne pouvons pas compenser leur manque ; et pourquoi l'énergie nécessaire pour produire tout cela doit provenir de milliers de kilomètres, ce qui nous oblige à marchander avec des zones instables de la planète et à faire des compromis avec des régimes illibéraux.

Vers la souveraineté alimentaire ?

Bien que ce conflit soit très différent de la Seconde Guerre mondiale, lorsque cette région était en proie à de véritables vagues de famine, ce qui se passe en Ukraine rayonne déjà vers l'extérieur et menace la disponibilité de la nourriture dans les nations moins prospères. Ceux-ci sont devenus dépendants des exportations de céréales et d'autres produits alimentaires en provenance d'Ukraine et de Russie, qui représentent désormais 29 % des exportations mondiales de céréales. Ils contribuent également à 19% des exportations mondiales de maïs et à 80% des exportations mondiales d'huile de tournesol. La mer Noire est au cœur de ce commerce transnational, et avec le risque de devenir une poudrière et de bloquer les expéditions vers la mer d'Azov, les prix à terme du blé ont déjà grimpé en flèche. Si cela se traduit par des retards et des pertes de plusieurs millions de dollars dans les pays les plus riches, une foule de nations à faible revenu risquent une famine pure et simple et une détérioration générale de la santé publique en raison du prix des céréales. La Russie et le Belarus sont également les principaux exportateurs d'engrais, la Russie étant en tête du classement mondial ; les prix, qui étaient déjà élevés avant la guerre, ont augmenté. La pénurie d'engrais met en péril la production agricole mondiale, qui en dépend, si elle n'est pas anesthésiée.

Il y a des nations dans le monde qui, ayant su se diversifier ou du moins être hautement technologiques, ont bien fait face à la pandémie : l'Italie, par exemple, a de bons antécédents en matière de chaînes d'approvisionnement courtes et les a redécouvertes ces deux dernières années ; la Chine moderne, un pays complètement différent du passé, avec de nouvelles technologies et des investissements records, a travaillé pendant des années pour améliorer sa sécurité alimentaire, dépensant des dizaines de milliards de dollars au cours de la dernière décennie pour racheter de grandes entreprises de semences. Ces efforts semblent avoir adouci le coup porté à l'industrie alimentaire au plus fort de la pandémie.

Pour toutes ces raisons, la question de la souveraineté alimentaire est revenue sur le devant de la scène au cours des 24 derniers mois : des pays comme le Népal, le Mali, le Venezuela et bien d'autres ont déjà reconnu la souveraineté alimentaire comme un droit constitutionnel de leur peuple, car elle semble être la meilleure défense contre tout choc économique.

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Réduire nos empreintes énergétiques

La crise énergétique est la deuxième implication majeure, après le désastre humanitaire, du conflit en Ukraine. La géopolitique du pétrole au cours du siècle dernier nous a montré à maintes reprises à quel point cette ressource est sensible à la politique internationale. Surtout, la géopolitique du gaz naturel est devenue plus complexe, sur laquelle on a spéculé à des niveaux intolérables, dans la croyance que l'or bleu pouvait être compris comme une source de transition. Il ne faut pas oublier que la géopolitique du gaz avait déjà montré comment certains événements ne concernant pas le Moyen-Orient pouvaient briser et reconstruire des équilibres internationaux. Dans les années 2000, avec l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en Russie, l'épreuve de force avec les oligarques du pétrole et du gaz s'est rapidement achevée, conduisant à la réalisation du contrôle de l'État sur d'autres sources d'énergie par le biais de Gazprom. Le président a promu un nouveau nationalisme, estimant que le gouvernement devait créer de grandes multinationales capables de rivaliser avec l'Occident. En 2001, il a changé l'équipe de direction de Gazprom, en 2003, il a fait arrêter le président du principal actionnaire de Yukos et en 2004, il a pris une autre direction, en augmentant la taxe à l'exportation sur le pétrole brut. Bien que la Russie ait reculé à la deuxième place en tant que propriétaire lointain de gaz, elle est restée le plus grand exportateur de gaz au cours de la dernière décennie, approvisionnant les pays d'Europe de l'Est et de l'Ouest atteints par les gazoducs de l'ère soviétique. Le transport est resté la véritable criticité du gaz naturel car il est sujet à des conflits géopolitiques : d'où les accusations répétées de l'Amérique et de l'Europe contre la Russie d'utiliser ses ressources pour retrouver une position de superpuissance. Des critiques confirmées ces derniers jours.

Il est clair que les événements de ces derniers jours viennent tragiquement heurter des décennies de choix énergétiques contre les projets que l'Europe et le monde entier avaient en matière de climat et d'utilisation des énergies renouvelables. L'Allemagne, pays en transition énergétique par excellence, mais aussi point chaud en raison des événements autour de Nord Stream 2, est le lieu où ces difficultés et contradictions se manifestent en premier. Environ 55% des importations de gaz de l'Allemagne proviennent de Russie, ainsi que 50% de la houille et environ 30% du pétrole. Alors que l'Allemagne dispose d'une réserve stratégique de pétrole, qui, selon la loi, doit durer 90 jours, il n'existe aucune exigence de ce type pour le gaz et le charbon. Ici, seules les entreprises elles-mêmes décident de leurs réserves. Il est désormais clair qu'il s'agissait d'une erreur stratégique et le ministère de l'Économie veut faire passer les changements juridiques le plus rapidement possible. L'Union européenne envisage de prendre des mesures pour renforcer sa sécurité énergétique alors que les sanctions de plus en plus sévères contre la Russie et l'escalade de la violence en Ukraine ont suscité des inquiétudes quant à l'approvisionnement pour l'hiver prochain.

L'Europe importe de Russie environ 40 % de son gaz, 35 % de son pétrole brut et plus de 40 % de son charbon. Alors que l'incertitude grandit quant à ces importations et que les réserves de gaz de l'UE tombent en dessous de 30 %, le bloc européen cherche des alternatives à l'énergie russe et planifie soigneusement l'hiver prochain. "La situation actuelle est tendue", a déclaré Kadri Simson, commissaire européen à l'énergie. Toutefois, les éminences grises européennes se veulent rassurantes quant à la fin de cet hiver et à l'été à venir. Cependant, la question de la souveraineté énergétique est une fois de plus étroitement liée aux questions de sécurité nationale, comme dans les années 1970, qui ne nous ont rien appris ou presque.

L'alimentation et l'énergie seront donc les deux directions dans lesquelles la mondialisation devra se remodeler. Le court et le moyen terme seront nécessaires pour faire face aux difficultés générées par la pandémie et aux résultats imprévus du conflit en Ukraine. Il s'agit d'un changement de rythme et de vision qui nous obligera à nous défaire des engagements internationaux antérieurs, des idéologies sclérosées et des politiques nationales à courte vue. L'arrière-cour va-t-elle se rétrécir au nom du froid et du ventre ?

vendredi, 04 mars 2022

Le général de la Bundeswehr Gerd Schultze-Rhonhof : "Le président Poutine a tiré le frein d'urgence"

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Le général de la Bundeswehr Gerd Schultze-Rhonhof: "Le président Poutine a tiré le frein d'urgence"

L'auteur et ancien général de la Bundeswehr Gerd Schultze-Rhonhof revient sur les causes du conflit ukrainien et les rôles honteux joués par les puissances impliquées

propos recueillis par le Dr. Bernhard Tomaschitz

Source: https://zurzeit.at/index.php/praesident-putin-hat-die-notbremse-gezogen/

Votre livre sur le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale s'intitule "La guerre qui avait plusieurs pères". Combien de pères la guerre ou le conflit en Ukraine ont-ils ?

Schultze-Rhonhof : Il s'agit de huit États et alliances d'États, à savoir l'Allemagne et la France en tant qu'avertisseurs et médiateurs infructueux, les États-Unis, l'OTAN et l'UE en tant que faux jetons dans le jeu et la Russie, l'Ukraine et les oblasts de Donetsk et de Lougansk, soit ceux qui ont joué avec le feu.

Je voudrais ajouter une chose : tout ce désastre a commencé par un événement heureux, la réunification allemande. Une partie du prix à payer a été la promesse faite par le secrétaire d'État américain Baker à M. Gorbatchev, le 8 février 1990, que "l'OTAN n'avancerait pas d'un pouce vers l'Est". Cette promesse a été confirmée le 17 mai 1990 par le secrétaire général allemand de l'OTAN, M. Wörner, puis à nouveau par notre ministre des Affaires étrangères, M. Genscher, en présence de M. Baker. Cette dernière assurance est encore visible aujourd'hui sur Internet sous la forme d'un petit film visionnable sur Youtube. Ce prix pour la réunification n'a jamais été payé. Aujourd'hui, Poutine en a fait les frais.

Gerd Schultze-Rhonhof, né en 1939 à Weimar, marié, trois filles, soldat de 1959 à 1996, en dernier lieu commandant de division et commandant militaire dans la région militaire de Basse-Saxe. Retraité, il est l'auteur de plusieurs livres sur les prolégomènes de la Seconde Guerre mondiale.

A l'époque, dans les années 90, la situation géopolitique était très différente. L'Union soviétique s'était effondrée. La Russie était faible et devait faire face à de nombreux problèmes internes. Aujourd'hui, la Russie est un pays sûr de lui. Les Américains ont-ils sous-estimé cette situation et pensé qu'ils pourraient continuer comme avant ?

Schultze-Rhonhof : Les Américains ont toujours une énorme longueur d'avance sur les Russes. Ils ont probablement cru qu'ils pouvaient se permettre de ne pas tenir leur promesse. Dans le cas du souhait des Ukrainiens de rejoindre l'OTAN et de la sécession des deux oblasts à majorité russe, ils ont en outre invoqué et compté sur un principe qu'ils ont eux-mêmes bafoué sans scrupule à de nombreuses reprises en Amérique du Sud et au Proche-Orient : l'intégrité territoriale d'autres États.

Puisque vous évoquez l'intégrité territoriale : Un autre principe du droit international qui fait partie de l'intégrité territoriale est la non-ingérence dans les affaires intérieures d'autres États. Or, il semblerait que les États-Unis aient joué un rôle important dans le coup d'État de Maidan en 2014.

Schultze-Rhonhof : C'était et cela reste toujours un événement opaque. Il est tout à fait possible que les Américains aient eu leur mot à dire dans le coup d'Etat de Maidan - peut-être aussi les Anglais - afin d'alimenter la révolution contre le président de l'époque, Ianoukovitch. Entre-temps, certains tireurs d'élite étrangers ont déclaré avoir tiré sur les manifestants et les policiers depuis les toits autour de la place Maidan, attisant ainsi la colère des parties en présence. A l'époque, à partir de 2014, j'ai souvent noté des chiffres dans les médias sur les détachements d'étrangers en Ukraine, par exemple 150 mercenaires de la société militaire privée américaine Greystone portant des uniformes ukrainiens, puis 400 mercenaires de la société de services militaires américaine Academy (anciennement Blackwater, ndlr). Une autre fois, il s'agissait de 75 instructeurs militaires britanniques. Les États qui envoient des mercenaires peuvent toujours dire qu'ils n'ont pas utilisé de militaires, et ils n'ont alors pas besoin de se justifier pour les violations du droit de la guerre commises par leurs mercenaires.

    En Ukraine, les intérêts nationaux des États-Unis se conjuguent avec les intérêts financiers de la famille Biden.

Pourquoi les Etats-Unis font-ils une telle fixation sur l'Ukraine ?

Schultze-Rhonhof : Il s'agit de la volonté d'hégémonie des États-Unis en Europe et d'intérêts économiques de grande ampleur. L'Ukraine a des ressources naturelles importantes et c'est un marché d'exportation considérable. Pensez à la Treuhand qui a liquidé l'économie de la "RDA" en Allemagne. À l'époque, des étrangers fortunés pouvaient racheter des sociétés et des entreprises à des prix défiant toute concurrence. C'est ce qui attend aujourd'hui les étrangers disposant de moyens financiers importants en Ukraine. Le fils du président américain Biden, Hunter Biden, qui siège aujourd'hui au conseil d'administration de la plus grande entreprise gazière ukrainienne, Burisma, est un exemple de ce type de chanceux. Il reçoit un montant fixe en dollars pour chaque millier de mètres cubes de gaz naturel qui passe par les tuyaux de Burisma. Dans ce cas, les intérêts patrimoniaux de la famille Biden se combinent avec les intérêts économiques nationaux des États-Unis.

Pourquoi le conflit d'influence en Ukraine a-t-il pris une telle ampleur, au point de dégénérer en guerre ?

Schultze-Rhonhof : Cela a été une longue évolution, à commencer par la réunification allemande et l'effondrement de l'Union soviétique. En 1990, la réunification avait été acceptée parce que les Américains avaient soi-disant renoncé à tout élargissement de l'OTAN vers l'Est. Cet engagement n'a pas été respecté. En 2001, Poutine a proposé une zone de libre-échange paneuropéenne incluant la Russie. Cette proposition a été rejetée. En 2007, lors de la conférence sur la sécurité de Munich, Poutine a qualifié un nouvel élargissement à l'Est sur le territoire de l'ancienne Union soviétique de "franchissement d'une ligne rouge". Il n'a pas été pris au sérieux. En 2008, les États-Unis ont demandé l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, ce qui a échoué en raison du veto de la France et de l'Allemagne, ce pourquoi nous les remercions.

Jusque-là, tout s'est déroulé pacifiquement.

Schultze-Rhonhof : Cela a continué. En 2013, l'UE a proposé à l'Ukraine un accord d'association et en 2014, le nouveau président Porochenko, orienté vers l'Occident, a exprimé le souhait que l'Ukraine rejoigne l'OTAN. La sonnette d'alarme a alors retenti au Kremlin. Il était clair pour Poutine qu'après l'UE, l'OTAN et, avec elle, les Américains s'installeraient en Crimée et que la marine américaine prendrait le contrôle du port de guerre russe de Sébastopol si cela devait se produire. Il en a tiré les conclusions et a annexé la péninsule de Crimée, dont la population est majoritairement russe. La population de Crimée avait d'ailleurs déjà choisi de rester dans le giron russe à 93% lors de l'indépendance de l'Ukraine en 1991, suite à un référendum.

Peu après la prise de contrôle de la Crimée par la Russie, les deux oblasts de Lougansk et de Donetsk, majoritairement peuplés de Russes, ont également souhaité se séparer de l'Ukraine. Ils ont déclaré leur indépendance, ce qui a entraîné une guerre civile dans l'est de l'Ukraine, qui dure depuis huit ans. Grâce à la médiation de la France et de l'Allemagne, les accords de Minsk ont été conclus en 2015 entre l'Ukraine et la Russie, la puissance protectrice des deux oblasts sécessionnistes. Cet accord prévoyait un cessez-le-feu et une loi sur le statut spécial de Lougansk et de Donetsk au sein de l'Ukraine. Au lieu de cela, le gouvernement de Kiev a promulgué en 2018 une "loi de réintégration" pour les deux oblasts, interdisant toute négociation avec eux et l'utilisation de leur langue maternelle russe dans les écoles. La guerre civile s'est poursuivie sans relâche dans l'est de l'Ukraine. Poutine a vu à la fois la souffrance de la population dans la zone de guerre et la réticence du gouvernement de Kiev à honorer les accords de Minsk en accordant une autonomie partielle à Lougansk et au Donetsk, et il a observé les pressions constantes de Kiev pour être admis dans l'OTAN. Selon Poutine, un grand Etat membre de l'OTAN situé directement à la frontière russe était et reste incompatible avec les intérêts vitaux de la Russie en matière de sécurité. Il a donc ordonné un déploiement de troupes comme menace aux frontières avec l'Ukraine et a demandé à deux reprises au président américain, en décembre 2021, de renoncer de manière permanente à l'admission de l'Ukraine dans l'OTAN. Deux fois cela lui a été refusé. Une fois de plus, Poutine en a tiré ses conclusions.

Voyez-vous un risque que ce conflit se transforme en un incendie généralisé ?

Schultze-Rhonhof : Je ne nie pas ce risque, mais je pense que c'est peu probable. Si la Russie contraint l'Ukraine à accepter une quelconque relation de dépendance, elle aura déjà un énorme problème sur les bras. Mais la Russie ne peut pas se permettre de s'engager dans une guerre contre l'OTAN. Je pense que Poutine est un calculateur froid. Il ne le fera pas. Poutine a toujours demandé que deux choses soient mises au point: premièrement, que l'Ukraine ne soit pas admise dans l'OTAN et, deuxièmement, que le Donbass soit apaisé avec la fin de la guerre civile qui y sévit. Dans quelques semaines, il aura obtenu les deux.

    S'engager dans une guerre avec l'OTAN serait trop difficile pour la Russie. Poutine ne le fera pas.

Il est frappant de constater que l'Union européenne ne fait que répéter ce que disent les États-Unis. N'est-ce pas inquiétant, car le conflit ukrainien concerne aussi et surtout la sécurité de l'Europe ?

Schultze-Rhonhof : L'UE est à cet égard un chien de garde sans dents. Elle n'a joué aucun rôle dans cette crise et n'a donné aucune impulsion. Les seules impulsions positives de l'Europe sont venues de la France et de l'Allemagne avec les deux conférences de Minsk. Pour le reste, la Commission européenne n'a rien trouvé d'autre expédient que des menaces de sanctions qui, une fois de plus, coûteront très cher à la population européenne. S'il y avait eu un seul homme d'État doté d'un sens stratégique et de la persévérance nécessaire au quartier général de l'OTAN ou à la Commission européenne, l'Ukraine aurait été finlandisée à temps, c'est-à-dire déclarée neutre par traité, comme l'étaient autrefois la Suisse, l'Autriche et la Finlande.

Les médias disent maintenant "c'est la guerre de Poutine". Vous êtes d'accord ?

Schultze-Rhonhof : Cela ressemble à un blâme unilatéral qui, exprimé de manière aussi péremptoire, ne reflète nullement la vérité. En tant qu'auteur du livre "1939 - La guerre qui eut plusieurs pères", je pense que la responsabilité d'une guerre n'incombe pas seulement à celui qui l'a commencée, mais aussi à celui qui a contribué à la provoquer auparavant.

L'entretien a été mené par Bernhard Tomaschitz.

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